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Application d’office de la règle de compétence subsidiaire du règlement successions

Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence subsidiaire résultant du fait que le défunt a la nationalité de cet État et y possède des biens.

Cass. 1e civ. 21-9-2022 n° 19-15.438 FS-B


Par Pierre CALLE, Professeur à l'université Paris-Saclay
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©Gettyimages

Le règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 pose plusieurs règles de compétence juridictionnelle. La règle de base attribue compétence aux juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès (art. 4). Cette règle est complétée par des règles de compétence subsidiaire énoncées à l’article 10 dans l’hypothèse où le défunt n’avait pas sa résidence habituelle dans un État membre, mais que la succession présente un lien suffisant avec l’Union européenne justifiant la compétence des juridictions d’un État membre : « 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où : a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut, b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle ».

Dans l’arrêt en cause, une personne de nationalité française était décédée avec sa résidence habituelle au Royaume-Uni. L’article 4 du règlement, seul invoqué par les parties, ne permettait pas de fonder la compétence des juridictions françaises, ce qu’avait relevé la cour d’appel, qui s’était déclarée incompétente. Mais la compétence des juridictions françaises pouvait être retenue sur le fondement de l’article 10, § 1-a, le défunt étant de nationalité française et possédant des biens en France. Simplement, cette disposition n’avait pas été invoquée par les parties. La cour d’appel aurait-elle dû en relever l’application d’office ? C’est la question préjudicielle que la Cour de cassation avait posée à la Cour de justice de l’Union européenne (Cass. 1e civ. 18-11-2020 n° 19-15.438 FS-PBI : SNH 41/20 inf. 7, Defrénois 4-2-2021 n° 168h3 p. 25 obs. P. Callé).

La Cour de justice de l’Union européenne avait répondu qu’une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à l’article 10 lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale de l’article 4, elle constate qu’elle n’est pas compétente au titre de cette disposition (CJUE 7-4-2022 aff. 645/20 : BPAT 3/22 inf. 135, Defrénois 15-7-2022 n° DEF209c7 obs. P. Callé).

La Cour de cassation tire ici les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice sur l’affaire dont elle était saisie. Elle casse sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel et dit les juridictions françaises compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dès lors que le défunt avait la nationalité française et possédait des biens situés en France.

A noter :

Comme le souligne Pierre Callé, professeur à l'université Paris-Saclay, l’obligation de relever d’office sa compétence sur le fondement de la règle de compétence subsidiaire ne figure pas dans le règlement. Ce dernier prévoit certes qu’une juridiction d’un État membre saisie d’une affaire pour laquelle elle n’est pas compétente doit se déclarer d’office incompétente (Règl. 650/2012 art. 15). Mais il ne répond pas à la question inverse : une juridiction doit-elle relever d’office le texte susceptible de fonder sa compétence dans l’hypothèse où il n’est pas invoqué par les parties ? La solution retenue par la Cour de justice et appliquée ici par la Cour de cassation nous semble conforme à l’esprit du règlement. Dès lors que l’application du règlement doit être relevée d’office lorsqu’un litige entre dans son champ d’application, il est plus cohérent que les juridictions saisies soient tenues de vérifier tous les critères susceptibles de fonder leur compétence. Comment comprendre qu’après avoir relevé d’office l’application du règlement une juridiction puisse écarter sa compétence au profit des juridictions d’un État tiers au motif qu’elle n’est pas la juridiction de résidence habituelle du défunt, sans avoir vérifié préalablement sa compétence sur le fondement de l’article 10 ? Cette solution assure par ailleurs une certaine cohérence avec l’article 15. Pour se déclarer d’office incompétent, le juge est en effet bien obligé d’examiner tous les critères de compétence du règlement. Il est dès lors logique qu’il puisse relever d’office l’applicabilité d’un de ces critères. Le juge saisi est donc tenu de se déclarer d’office incompétent, tout comme il est tenu de vérifier d’office tout fondement à sa compétence.t

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