icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Baux

Pas de baisse de la valeur locative du bail commercial prévoyant 9 mois de loyers à payer d'avance

La clause d'un bail commercial imposant au locataire de payer plus de deux termes de loyer d'avance ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative dès lors que cette obligation a pour contrepartie l'obligation légale du bailleur de payer au locataire des intérêts à un taux fixé par la loi.

Cass. 3e civ. 7-5-2025 n° 23-15.394 FS-B, Sté Nougat Chabert et Guillot c/ X.


Par Maya COLLARD VANDEVELDE
quoti-20250624-affaires.jpg

@Getty images

Lorsque le prix du bail renouvelé est fixé à la valeur locative, celle-ci est déterminée en fonction de plusieurs éléments, dont les obligations respectives des parties (C. com. art. L 145-33 et R 145-8). Les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, sans contrepartie, constituent un facteur de diminution de la valeur locative (art. R 145-8). 

En application de ce texte, un locataire commercial demande que le loyer du bail renouvelé soit réduit : il se prévaut du fait que le loyer était payable trimestriellement d'avance et que le montant du dépôt de garantie était de 6 mois de loyers, soit au total environ 9 mois de loyer d'avance ; il en déduit que cette charge financière, dépassant le montant usuel, justifie une minoration de la valeur locative. 

La Cour de cassation écarte l'argument. Les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit et même à titre de garantie, portent intérêts au profit du locataire au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes (C. com. art. L 145-40). Dès lors qu'elle a pour contrepartie l'obligation légale du bailleur de payer au locataire des intérêts à un taux fixé par la loi, une stipulation d'un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative. 

En l'espèce, il résultait du bail que trois termes de loyers (trois trimestres) étaient versés au bailleur par avance, ce qui n'était pas interdit par l'article L 145-40 précité. Par suite, les dispositions contractuelles en question n'entraînaient pas de minoration de la valeur locative.

A noter :

1° Pour déterminer si les sommes versées d'avance au bailleur excèdent ou non deux termes de loyers (et, ainsi, justifient ou non le paiement d'intérêts), il faut tenir compte de la périodicité du loyer (trimestriel ou mensuel) :

- si le loyer est payable par trimestre, c'est le trimestre qui constitue le terme. Le bailleur peut donc, sans être tenu de payer des intérêts, obtenir un trimestre de loyer d'avance et un trimestre de dépôt de garantie ou deux trimestres de dépôt de garantie en cas de loyer payable à terme échu ;

- si le loyer est mensuel, c'est le mois qui constitue le terme et le bailleur ne doit pas d'intérêts s'il obtient un mois de loyer d'avance et un mois de dépôt de garantie ou deux mois de dépôt de garantie en cas de loyer payable à terme échu (Cass. 3e civ. 6-5-1985 n° 83-11.840 P : Bull. civ. III n° 78). 

Les parties ne peuvent pas déroger à ces dispositions (C. com. art. L 145-15), de sorte que la pratique du versement d'un dépôt de garantie et de loyers d'avance ne devrait que rarement être considérée comme entraînant une diminution de la valeur locative. 

Les autres garanties demandées par le bailleur, qui ne constituent pas une somme d'argent versée entre ses mains, n'ouvrent pas droit aux intérêts. Il en est ainsi par exemple lorsque le locataire doit déposer sur un compte bloqué une somme destinée à garantir le paiement des loyers à venir (CA Paris 13-10-1995 n° 94-4516, rendu en matière de baux d'habitation mais transposable). Corrélativement, et en l'absence de contrepartie, ces garanties, si elles sont jugées comme excédant les obligations mises à la charge du locataire par la loi ou les usages, pourraient justifier une diminution de la valeur locative. 

2° Visant les clauses telles que celle qui avait en l'espèce été insérée dans le bail (rapport AN n° 1191 sous art. 24), le projet de loi n° 550 de simplification de la vie économique prévoit de limiter le montant des sommes pouvant être versées à titre de garantie par le locataire commercial. 

Documents et liens associés : 

Cass. 3e civ. 7-5-2025 n° 23-15.394 FS-B

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Navis Droit des affaires
affaires -

Navis Droit des affaires

Votre solution documentaire experte dédiée au droit des affaires
à partir de 294,75 € HT/mois
Mémento Baux commerciaux 2025/2026
affaires -

Mémento Baux commerciaux 2025/2026

Sécurisez vos baux et gagnez en sérénité
199,00 € TTC