En matière civile et commerciale, les parties à un contrat peuvent, sans considération de leur domicile, convenir d’une juridiction d’un État membre de l'UE pour connaître des différends nés ou à naître entre elles. Une clause attributive de juridiction doit être expressément acceptée par les parties, notamment par un écrit (Règl. UE 1215/2012 du 12-12-2012, dit « Bruxelles I bis », art. 25, 1-a). Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite (art. 25, 2).
Une clause attributive de juridiction peut être stipulée dans les conditions générales d’une partie. Le contrat conclu entre les parties doit contenir un renvoi exprès auxdites conditions générales (CJUE 7-7-2016 aff. 222/15 : RJDA 11/16 n° 838). De même, il doit être établi que les conditions générales ont été effectivement communiquées à l’autre partie contractante avant la conclusion du contrat (CJCE 14-12-1976 aff. 24/76). En cas de transmission dématérialisée, le renvoi aux conditions générales peut être effectué par la mention d'un lien hypertexte d'un site internet permettant, avant la signature du contrat, de prendre connaissance des conditions générales, de les télécharger et de les imprimer (CJUE 24-11-2022 aff. 358/21 : RJDA 3/23 inf. 176).
Deux sociétés concluent un contrat de vente d’un véhicule destiné au transport de véhicules industriels. L’offre acceptée comporte un renvoi aux conditions générales du vendeur stipulant une clause attributive de juridiction au profit d’un tribunal allemand. Soutenant que le véhicule livré n’est pas conforme à la commande, l’acheteur saisit le juge français d’une action en résolution de la vente. En défense, le vendeur soulève une exception d’incompétence au profit du tribunal allemand désigné par la clause.
La Cour de cassation donne raison à l'acheteur et juge la clause inapplicable. En effet, il n'était pas prouvé que l'acheteur avait été en mesure, moyennant des diligences normales, de consulter les conditions générales du vendeur et qu’il avait pu les sauvegarder ou les imprimer avant la conclusion du contrat.
A noter :
La preuve de la communication des conditions générales comportant une clause attributive de compétence peut résulter de la mention du lien hypertexte d’un site internet dont l’accès permet de prendre connaissance de ces conditions générales, à condition que ce lien fonctionne et puisse être actionné par une partie appliquant une diligence normale. Par ailleurs, il suffit que la communication électronique offre la possibilité de consigner durablement la clause attributive de juridiction, indépendamment de la question de savoir si le texte des conditions générales a effectivement été consigné durablement par l’autre partie après ou avant d’avoir coché une case d’acceptation (CJUE 21-5-2015 aff. 322/14). Enfin, le fait qu’il n’existe, sur la page du site internet en cause, aucune case susceptible d’être cochée aux fins d’exprimer l’acceptation de ces conditions générales ou que la page contenant ces conditions ne s’ouvre pas automatiquement lors de l’accès au site ne remet pas en cause ce principe (cf. CJUE 21-5-2015 précité), dès lors que l’accès aux conditions générales est possible avant la signature du contrat et que l’acceptation de ces conditions intervient moyennant cette signature.
En l’espèce, le contrat faisait une mention expresse aux conditions générales par une clause rédigée en langue allemande, alors que le contrat était en anglais, le dirigeant de l'acheteur ayant cependant apposé son paraphe à proximité de la ligne rédigée en allemand. L'efficacité de ce renvoi ne semblait pas discutée devant la Cour de cassation. Mais, fût-il explicite et accepté par l'acheteur, ce renvoi était insuffisant à établir l'acceptation de la clause contenue dans les conditions générales, faute de preuve de la communication de ces dernières à l'acheteur, juge la Cour de cassation.
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