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Le compte courant d’associé et sa cession

Il est très fréquent que des associés consentent des avances en compte courant à leur société. Présentation des principales règles de fonctionnement et de cession du compte courant d’associé, sans négliger les incidences d’une éventuelle procédure collective de la société.


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Les grands principes qui régissent le compte courant d’associé

1. Le compte courant d’associé est un prêt. Le compte courant d’associé s’analyse en un prêt, à durée indéterminée, consenti volontairement ou involontairement par un associé à la société (Cass. com. 18-11-1986 : Rev. Sociétés 1987 p. 581 note I. Urbain-Parleani). L’apport en compte courant consiste pour l’associé à consentir à la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu’il renonce provisoirement à percevoir (Rép. de Cuttoli : Sén. 23-10-1980 p. 4001).

L’associé devient dès lors titulaire d’une créance à l’encontre de la société. Il en résulte que le compte courant d’associé est régi à la fois par le droit des obligations et par un certain nombre de dispositions impératives relevant du droit bancaire ou du droit des sociétés.

L’existence du compte courant peut être subie, lorsqu’il résulte d’une simple affectation comptable (manque de trésorerie lié au remboursement d’un prêt). Tel peut être le cas dans une société civile immobilière ayant pour objet la location, soumise à l’impôt sur le revenu, qui emprunte pour acquérir un immeuble et distribue son résultat aux associés. Si le remboursement du prêt et de toutes les charges s’équilibre avec la perception des loyers, la trésorerie de la société sera égale à zéro. Ce n’est pas pour autant que le résultat de ladite société sera nul. Il se dégagera tout de même un résultat positif, qui sera la différence entre le montant des loyers encaissés et les charges acquittées par la société (intérêts, assurance, taxe foncière…) et correspondra approximativement au capital remboursé. Il conviendra donc d’affecter ce résultat soit en le mettant en réserve soit en le distribuant. En cas de distribution, l’absence de trésorerie fera naître un compte courant d’associé. Il est donc important, notamment en cas de donation des parts sociales, d’assurer le secrétariat juridique de la société avec un procès-verbal d’assemblée générale annuelle affectant le résultat soit en réserve, profitant aux nus-propriétaires, soit en compte courant d’associé, lequel profite à l’usufruitier.

2. La Cour de cassation a posé un principe d’indépendance des qualités de créancier et d’associé, l’une des deux qualités ne pouvant interagir sur l’autre, et ainsi modifier la nature juridique du compte courant (Cass. com. 15-1-1982 : Bull. Joly 1982 p. 266 ; Cass. com. 24-6-1997 n° 95-20.056 : RJDA 11/97 n° 1349).

3. En dehors de la qualification juridique, la notion de compte courant renvoie indirectement aux règles comptables. En comptabilité, un compte est un instrument de classement qui permet de suivre l’évolution d’un élément particulier du patrimoine ou d’un élément de l’activité (Mémento comptable Francis Lefebvre 2016 n° 115). Dans le cadre du plan comptable général, les opérations concernant les comptes courants d’associés sont inscrites au compte 455 « Associés comptes courants ». Ce compte présente dans les livres de la société une position créditrice lorsque l’associé a avancé des sommes à la société.

4. Le droit au remboursement est un principe fondamental. Les comptes d’associés ont pour caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire les régissant, d’être remboursables à tout moment (notamment, Cass. com. 15-7-1982 : Rev. sociétés 1983 p. 75 note J. -P. Sortais ; Cass. com. 24-6-1997 n° 95-20.056, précité).

L’associé peut exiger le remboursement quelle que soit la situation financière de la société et peu important que la somme qu’il réclame excède la trésorerie disponible (par exemple, Cass. com. 8-12-2009 n° 08-16.418 : RJDA 3/10 n° 246).

Cet avantage non négligeable pour l’associé créancier peut être source de difficultés pour la société. Cette menace peut ainsi venir modifier l’équilibre des pouvoirs dans la société, supplantant la répartition des pouvoirs issue de la répartition du capital.

C’est pourquoi le droit au remboursement à tout moment des comptes courants d’associés n’empêche pas les parties de prévoir que les sommes prêtées à la société devront être laissées à sa disposition pendant une durée déterminée (en pratique, souvent plusieurs années). La jurisprudence a validé à plusieurs reprises la stipulation du blocage du compte courant.

L’acquéreur de droits sociaux peut avoir intérêt à négocier avec les associés qui ont préalablement consenti des avances en compte courant le blocage de ceux-ci pendant une certaine durée, soit au travers d’une convention de compte courant, soit au travers d’une modification statutaire, ou encore par une décision de l’assemblée des associés, étant entendu, que la modification ou l’adoption des statuts, et la décision des associés, doivent être prises à l’unanimité.

5. Il faut noter que le conjoint commun en biens de l’associé titulaire du compte courant n’a pas qualité à agir en remboursement, peu important que la somme provenant d’un tel remboursement doive figurer à l’actif de la communauté (Cass. 1e civ. 9-2-2011 n° 09-68.659 : RJDA 5/11 n° 423).

Par ailleurs, un associé en liquidation judiciaire ne peut pas non plus demander le remboursement des sommes inscrites sur son compte courant car cette action n’est pas liée à la qualité d’associé mais tend au recouvrement de la créance dont il dispose contre la société et ne peut donc être exercée que par le liquidateur judiciaire (Cass. com. 23-9-2014 n° 12-29.262 : RJDA 12/14 n° 925).

6. En cas de procédure collective de la société, certaines opérations réalisées par elle pendant la période suspecte, c’est-à-dire la période allant de la date de cessation des paiements fixée par le tribunal jusqu’à l’ouverture de la procédure collective, peuvent être frappées de nullité (C. com. art. L 632-1 et L 632-2).

Il peut en aller ainsi du remboursement d’un compte courant d’associé si, au moment de l’opération, l’associé avait connaissance de l’état de cessation de paiement (C. com. art. L 632-2). Mais, à défaut d’éléments précis de nature à établir cette connaissance, le remboursement n’est pas frappé de nullité (CA Paris 17-9-1999 : RJDA 12/99 n° 1362).

7. Dans certaines situations, le remboursement d’un compte courant en période suspecte peut constituer le délit de banqueroute (C. com. art. L 654-2, 2°). Ainsi, s’est rendu coupable de ce délit le gérant d’une société en état de cessation des paiements qui a vendu des fonds de commerce appartenant à celle-ci et a utilisé le prix pour rembourser son compte courant d’associé et celui de son fils (Cass. crim. 11-5-1995 n° 94-83.515 : Rev. proc. coll. 1997 p. 496 obs. J. Devèze), ou le dirigeant d’une société en redressement judiciaire qui a signé un ordre de virement en vue de rembourser à des associés, membres de sa famille, leur compte courant (Cass. crim. 27-11-1997 : RJDA 3/98 n° 323).

8. L’associé qui n’obtient pas le remboursement de son compte courant peut-il demander l’ouverture d’une procédure collective contre la société ?

Seule la société débitrice, représentée par ses dirigeants, peut solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde (C. com. art. L 611-6 et L 620-1). Il s’ensuit que l’associé créancier d’une avance en compte n’a pas qualité pour demander l’application de ces dispositifs à la société.

En revanche, l’action en ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire est ouverte à l’associé titulaire d’un compte courant, en sa qualité de créancier.

9. Risque d’atteinte au monopole bancaire. Il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne (C. mon. fin. art. L 313-1). En outre, il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement (C. mon. fin. art. L 511-5).

La création d’un compte courant peut donc être répréhensible tant pour la société que pour le créancier associé. La violation du monopole bancaire constitue le délit d’exercice illégal de la profession de banquier sanctionné lourdement (trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende, le montant pouvant être porté à 1 875 000 € pour les associés personnes morales).

Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. Toutefois, ne sont pas considérés comme de tels fonds ceux reçus ou laissés en compte par (C. mon. fin. art. L 312-2) :

- les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes ;

- les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social ;

- les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs.

L’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) a précisé que, n’étant pas visés par l’article L 312-2 du Code monétaire et financier, les dirigeants de SAS (présidents et directeurs généraux) ne peuvent pas effectuer d’avances en compte courant s’ils ne sont pas associés ou si leur participation au capital est inférieure à 5 % (Communication Ansa, comité juridique n° 05-058 du 5-10-2005).

10. La procédure des conventions réglementées s’applique-t-elle aux avances en compte courant ? Les conventions conclues entre une société et un associé obéissent, sauf exception, à une procédure particulière dite des conventions réglementées. En principe, l’apport en compte courant n’est pas une opération courante. Cela ressort, mais uniquement implicitement et sans certitude, d’un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com. 29-3-1994 : Bull. Joly 1994 p. 803 note G. Frechet), lequel faisait suite à des réponses ministérielles semblant indiquer la même voie (notamment, Rép. Sergheraert : AN 20-10-1980 p. 4453 n° 34164). Une décision isolée a néanmoins affirmé le contraire (CA Paris 10-5-1972 : Bull. Joly 1972 p. 503).

Dès lors et par prudence, l’apport en compte courant ne peut pas bénéficier des dispositions du Code de commerce qui dispensent de la procédure des conventions réglementées les conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales. Cet apport est obligatoirement soumis aux procédures prévues par les articles L 223-19 (SARL), L 225-38 (SA), L 225-86, L 226-10 (SCA), L 227-10 (SAS) et L 612-5 (personnes morales de droit privé non commerçantes) de ce Code.

S’agissant d’une société civile immobilière, si l’on considère qu’elle a une activité économique, les avances en compte courant consenties par ses associés relèvent de la procédure de contrôle : il suffit que la convention intervienne, directement ou par personne interposée, entre la SCI et son gérant ou une autre personne morale dans laquelle le gérant occupe l’une des fonctions de direction énumérées par l’article L 612-5 du Code de commerce, ou détient une fraction des droits de vote supérieure à 10 %.

11. La rémunération du compte courant. La rémunération du compte courant n’est pas automatique, ainsi qu’il résulte de l’article 1905 du Code civil. Un écrit est nécessaire. A défaut, le prêt sera considéré comme ayant été consenti à titre gratuit. Cet écrit doit stipuler le taux d’intérêt (C. civ. art. 1907) et le taux effectif global (C. consom. art. L 313-2). L’acte peut préciser les modalités du remboursement (périodicité, modes de versement des intérêts…).

Le taux peut être librement fixé par les parties dès lors que le prêt est accordé à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale, un tel prêt échappant à la réglementation sur l’usure (C. consom. art. L 313-3, al. 6). La règle nous paraît aussi applicable aux sociétés civiles immobilières qui ont pour objet la location de leur patrimoine immobilier, la Cour de cassation retenant qu’elles ont une activité économique et qu’elles constituent des entreprises (notamment, Cass. 1e civ. 15-3-2005 n° 02-20.335 : RJDA 8-9/05 n° 1043 ; Cass. 1e civ. 28-6-2007 n° 06-14.867 : RJDA 10/07 n° 1010). Une décision a été rendue en ce sens à propos d’un GFA (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-23.224 : BRDA 24/15 inf. 11).

Le taux d’intérêt connaît aussi une limite fiscale. En effet, les intérêts ne sont déductibles du bénéfice imposable de la société que si certaines conditions sont remplies. Lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, l’associé peut être conduit à arbitrer sa rémunération entre versement de dividendes ou d’intérêts sur son compte courant. Une rémunération sous forme d’intérêts présente un avantage à la fois pour la société et pour l’associé. Le versement d’intérêts constitue, dans une certaine mesure, une charge déductible pour la société, alors que les dividendes sont prélevés sur le bénéfice après paiement de l’impôt et ne sont donc pas déductibles du résultat.

De plus, le versement de dividendes présente pour l’associé un caractère aléatoire dans la mesure où il dépend des bénéfices réalisés par la société et de sa politique de distribution, ce qui n’est pas le cas des intérêts dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une convention. Le compte courant d’associé apparaît ainsi comme un moyen de contourner la règle de la prohibition du taux d’intérêt fixe (C. com. art. L 232-15, al. 1).

Si le bénéficiaire de la créance d’intérêts est un dirigeant, les dispositions sur les conventions réglementées trouveront à s’appliquer (n° 10).

12. Une procédure collective contre la société arrête-t-elle le versement des intérêts ? Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus (C. com. art. L 622-28).

Il est donc capital de savoir si les avances effectuées en compte courant, sans que soient précisées la durée et les modalités de remboursement, ont une durée égale ou supérieure à un an.

Dans le silence de la convention, le cours des intérêts d’un compte courant s’arrête au jour de l’ouverture de la procédure collective contre la société débitrice. En effet, la Cour de cassation a jugé que n’avait pas la qualité de prêt à plus d’un an une convention de compte courant qui ne précisait ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds était accordée ni les modalités de son remboursement, l’échéancier de remboursement par la société, fixé lors de la cession de ses titres par l’associé titulaire du compte courant, ne lui conférant pas cette qualité (Cass. com. 23-4-2013 n° 12-14.283 : RJDA 7/13 n° 650).

13. La compensation de la dette de capital avec le montant du compte courant d’associé. La compensation est un mode de paiement communément admis en droit des affaires, y compris par certains textes (cf. C. com. art. L 225-128 sur l’augmentation de capital dans la SA). Un associé qui n’a libéré qu’une partie du capital correspondant à ses apports en numéraire peut en principe libérer le solde par compensation avec les sommes figurant dans son compte courant.

En cas d’apports en numéraire non entièrement libérés à l’ouverture d’une procédure collective de la société, la compensation est-elle encore possible ?

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. La compensation légale ne pourra jouer que si la demande de libération du capital a été faite avant le jugement. Il n’est pas possible de soutenir qu’il y aurait une connexité entre la dette de libération du capital, qui est une conséquence de la signature des statuts, et la créance en compte courant d’associé, qui est un contrat de prêt. La Cour de cassation a déduit l’absence de connexité de l’indépendance des qualités d’associé et de créancier (Cass. com. 18-1-2000 n° 97-14.362 : RJDA 4/00 n° 471).

14. On peut aussi s’interroger sur la validité d’une compensation qui interviendrait durant la période suspecte (n° 6), entre un compte courant d’associé et une dette de libération du capital souscrite antérieurement. Cette compensation ne semble pas être soumise à la nullité obligatoire des paiements non communément admis dans les relations d’affaires et intervenus pendant la période suspecte (C. com. art. L 632-1). Encore faut-il que l’associé-créancier n’ait pas eu connaissance de l’état de cessation des paiements de la société débitrice (Cass. com. 28-5-1996 n° 94-10.688 : RJDA 10/96 n° 1209). Cette connaissance ne peut se déduire de la seule qualité d’associé.

15. Incidence de l’existence de comptes courants d’associés sur l’appréciation des difficultés financières de la société. Le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en état de cessation des paiements. Cependant, le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en état de cessation des paiements (C. com. art. L 631-1). Il convient donc de s’interroger sur l’influence du compte courant sur la notion d’état de cessation des paiements : est-ce un passif exigible ou un actif disponible ?

En principe, il s’agit d’une dette pour la société dans la mesure où, en contrepartie, c’est un actif pour l’associé prêteur. Cependant, la Cour de cassation a considéré que ces avances constituaient, pour la société, un actif disponible dans la mesure où elles n’étaient pas bloquées et où leur remboursement n’était pas demandé (Cass. com. 12-5-2009 n° 08-13.471 : RJDA 10/09 n° 867 ; Cass. com. 10-1-2012 n° 11-10.018 : Bull. Joly 2012 p. 295 note F. -X. Lucas).

Les conventions qui peuvent entourer le compte courant d’associé ont une influence sur sa qualification. Dès lors que ce compte fait l’objet d’une convention déterminant une période pendant laquelle l’associé ne peut pas réclamer le remboursement de son avance, la société débitrice peut considérer qu’il s’agit d’un actif disponible. Durant toute cette période, il s’agit non d’un passif exigible, mais d’un élément de trésorerie et donc d’un actif disponible.

Dans l’arrêt du 12 mai 2009 précité, la Cour de cassation est allée plus loin en qualifiant l’avance en compte courant d’actif disponible dès lors que l’associé n’en a pas demandé le remboursement. Cette position semble plus aléatoire. En effet, sauf période de blocage, l’associé peut demander le remboursement de son compte courant à tout moment, transformant ainsi, à notre avis, un actif disponible en un passif exigible, même s’il n’est pas exigé.

16. Par ailleurs, la procédure de sauvegarde est ouverte à la demande d’un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés auxquelles il n’est pas en mesure de faire face. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. La société n’est pas tenue de solliciter ses associés par des avances en compte avant de pouvoir prétendre ne pas être en mesure de faire face à ses difficultés. En effet, la Cour de cassation a jugé que les difficultés financières de la société ne s’apprécient pas au regard des capacités financières des associés (Cass. com. 26-6-2007 n° 06-20.820 : RJDA 1/08 n° 56, Dr. sociétés 2007 comm. n° 177 note J. -P. Legros).

Cession du compte courant d’associé

17. Indépendance de la cession des droits sociaux et de la cession du compte courant. Lors de la cession des droits sociaux, la transmission du compte courant d’associé n’a pas un caractère automatique mais doit résulter d’une convention expresse (notamment, CA Versailles 25-9-2007 n° 06/6222 : RJDA 2/08 n° 149), et cela, même en cas de cession de contrôle. Ce principe résulte de l’indépendance des qualités d’associé et de créancier.

La cession de parts ou actions peut être concomitante comme indépendante de la cession du compte courant d’associé. Le compte courant n’est pas l’accessoire des droits sociaux cédés.

18. Le prix de cession du compte courant d’associé. Conformément au droit commun de la vente, le prix de cession du compte courant doit être déterminé ou déterminable (C. civ. art. 1591).

Lorsque les parties ont fait de la cession des droits sociaux et du compte courant un tout indivisible, le prix peut être global et forfaitaire (Cass. com. 12-2-1976 : Bull. civ. IV n° 121).

Cependant, il est recommandé de procéder à une ventilation du prix des parts ou actions et du compte courant. En effet, le prix de cession du compte courant ne sera alors soumis ni au droit proportionnel d’enregistrement ni à la plus-value sur cession de valeurs mobilières. La cession du solde créditeur du compte courant est en principe passible, comme toute cession de créance, du seul droit fixe de 125 € (CGI art. 680). Ce droit n’est pas dû si cette cession est concomitante et indissociable de la cession de droits sociaux.

19. Le prix de cession du compte courant est en principe sa valeur nominale. Cependant, il peut ne pas correspondre à la valeur exacte de la créance telle qu’elle figure dans le bilan de la société.

Il peut être fixé en tenant compte de la situation financière de la société, et donc de sa capacité financière à rembourser le prêt consenti par l’associé. On peut, à notre avis, prendre appui sur les règles applicables aux droits de mutation à titre gratuit afin de valoriser les comptes courants d’associés.

Ainsi, les règles d’évaluation d’une créance en matière de droit d’enregistrement diffèrent selon que celle-ci est ou non affectée d’un terme. Si le compte courant n’est pas bloqué, l’évaluation est faite conformément à l’article 758 du Code général des impôts (TGI Lyon 12-3-1976). Il appartient au redevable de l’évaluer à la valeur pour laquelle il peut être recouvré compte tenu de la situation financière de la société. La jurisprudence a indiqué qu’il convient de prendre en compte la valeur probable de recouvrement du compte courant. C’est au contribuable, à qui il appartient de fixer la valeur de ce compte courant, de rapporter la preuve des éléments lui ayant permis d’appliquer une décote par rapport à la valeur nominale dudit compte.

En matière d’ISF, la Cour de cassation a précisé que la valeur déclarée du compte courant doit résulter d’une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l’associé de recouvrer sa créance compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales (Cass. com. 9-7-2013 n° 12-21.836 : RJF 11/13 n° 1090).

Si le compte courant est bloqué, il pourrait être évalué d’après les règles prévues par l’article 760 du Code général des impôts. Il convient alors de retenir la valeur du compte courant en capital augmentée des intérêts échus et non encore payés à la date du fait générateur de l’impôt de même que des intérêts courus à la même date.

En revanche, si la société est en redressement ou en liquidation judiciaire à la date du fait générateur de l’impôt, c’est alors la valeur probable de recouvrement qu’il y a lieu de déclarer. Si les sommes recouvrées sont ensuite supérieures à celles déclarées, la déclaration doit être régularisée en conséquence (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40 n° 70).

Il faut toutefois observer qu’une décision du Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 760 du Code général des impôts qui prévoient que lorsqu’une créance à terme a été soumise à l’impôt sur une base estimative motivée par la situation du débiteur, lequel se trouvait en situation de faillite ou en procédure de redressement, le créancier est tenu de déclarer toute somme supplémentaire recouvrée postérieurement à l’évaluation initiale (Cons. const. 15-1-2015 n° 2014-436).

20. Les formalités de cession du compte courant d’associé. La cession du solde du compte courant s’analyse en une cession de créance. Ainsi, pour qu’elle soit opposable à la société et aux tiers, il convient de respecter les formalités de l’article 1690 du Code civil, à savoir signification par huissier de justice ou acceptation par la société dans un acte authentique. Ces formalités seront allégées à compter du 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

La signification présente un intérêt tout particulier à l’égard de l’administration fiscale. En effet, elle permet de combattre la présomption de revenu imposable qui s’attache à l’inscription de sommes en compte courant. En l’absence de signification, la somme créditée sur le compte courant du nouvel associé pourrait être analysée comme un abandon de créance au profit de la société et comme un revenu distribué pour cet associé (CE 28-2-1997 n° 127890 : RJF 2/97 n° 309).

En cas de cession concomitante des parts ou actions et du compte courant, le rédacteur doit s’assurer que l’acception par la société porte bien sur chacune des deux cessions.

Quant à la société, elle doit modifier dans ses comptes le nom du titulaire du compte courant.

21. Nantir le compte courant d’associé afin d’obtenir un crédit pour l’achat des droits sociaux.Lors de la cession des parts ou actions d’une société accompagnée de la cession du compte courant de l’associé cédant, l’acquéreur peut avoir recours à un financement auprès d’un établissement bancaire. Ce dernier souhaite généralement obtenir une garantie de remboursement. Le solde du compte courant peut être affecté en sûreté réelle au profit de la banque.

Ainsi, le solde créditeur peut faire l’objet d’un nantissement de droit commun (C. civ. art. 2355 s.), y compris lorsqu’il s’agit du solde d’un compte courant d’associé d’une société commerciale.

La constitution du nantissement suppose, à peine de nullité, un écrit qui n’est pas nécessairement un acte authentique. La créance nantie et la créance garantie doivent être désignées dans l’acte (C. civ. art. 2356).

Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s’entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution. Sous cette même réserve, au cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d’ouverture (C. civ. art. 2360).

Pour la réalisation du gage, il peut être convenu, lors de la constitution du nantissement ou postérieurement, un pacte commissoire : à défaut d’exécution de l’obligation garantie, le créancier se fera attribuer le solde créditeur du compte courant d’associé (C. civ. art. 2365 et 2348, sur renvoi de l’art. 2355, al. 4). Le créancier dispose également de la faculté de se faire attribuer judiciairement le solde nanti ou bien de poursuivre l’exécution forcée de sa créance (C. civ. art. 2365).

22. Peut-on déduire les intérêts d’un prêt contracté pour le rachat d’un compte courant ? Les intérêts des emprunts contractés pour acquérir les parts sociales d’une société de personnes dans laquelle il exerce son activité sont déductibles de ses revenus par l’associé (CGI art. 151 nonies). En revanche, cet associé ne peut déduire de sa part des bénéfices versés par la société les intérêts des emprunts contractés pour rembourser à l’ancien exploitant le solde créditeur de son compte courant (CAA Nancy 3-6-1993 n° 92-587 : RJF 8-9/94 n° 936).

Il est à noter cependant que l’administration admet qu’en cas de prêt consenti à une société par un associé, dirigeant ou non, à l’aide de fonds empruntés par ce dernier, les intérêts versés à l’organisme prêteur, soit par l’associé lui-même, soit directement par la société pour le compte de ce dernier, soient déduits du montant des intérêts reçus par l’intéressé à raison de sa créance sur son entreprise et qu’il est tenu de les déclarer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour l’assiette de l’impôt sur le revenu (BOI-RPPM-RCM-20-10-20-70 n° 10).

Cette déduction n’est bien entendu admise que si les fonds empruntés ont été mis en totalité et immédiatement à la disposition exclusive de la société. Cette exception est toutefois limitée à la seule compensation d’intérêts égaux. Ainsi, lorsque les intérêts dus à la banque au titre du prêt personnel du dirigeant excèdent ceux reçus par ce dernier de son entreprise, cet excédent ne constitue pas un déficit déductible des autres revenus de la catégorie ou du revenu global du dirigeant (Rép. Bourgeois n° 15713 : AN du 23-8-1975 p. 5737 et Rép. Médecin n° 33476 : AN du 4-2-1985 p. 445 pour le dirigeant ; Rép. Morisset, n° 35902 : AN du 17-3-1997 p. 1360 pour l’associé).



Par Nicolas Dupouy, notaire à Juillan (65), membre du réseau Monassier et administrateur du réseau Notaires Conseils d’Entrepreneurs.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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