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Consentement à l’adoption par le conjoint : pas de rétractation via la « restitution » de l’enfant

Le parent qui a consenti à l’adoption de son enfant par son conjoint sans se rétracter dans les deux mois ne peut revenir sur son consentement en sollicitant la « restitution » de son enfant, dispositif réservé au cas où l’enfant a été confié à un tiers.

Cass. 1e civ. 26-3-2025 n° 22-22.507 F-B


Par Florence GALL-KIESMANN
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@Getty images

Deux femmes se marient et l’une d’elles donne naissance à une fille. En juin 2019, elle consent par acte notarié à l’adoption de sa fille par son épouse qui, trois mois plus tard, sollicite le prononcé de l’adoption plénière. La mère biologique se ravise et s’oppose à l’adoption. En première instance comme en appel, l’adoption est néanmoins prononcée avec trois motifs : la mère n’a pas rétracté son consentement dans le délai légal de deux mois ; aucune rétractation tacite ne saurait être retenue s’agissant de l’enfant du conjoint après séparation;  l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Portant l’affaire devant la Cour de cassation, la mère de l’enfant soutient que son opposition à l'adoption équivaut à une demande de restitution de l'enfant, laquelle doit être accueillie, bien que formulée postérieurement au délai de rétractation de deux mois, lorsque l'enfant n'a été ni placé en vue de l'adoption, ni recueilli par le conjoint qui refuse de le rendre (C. civ. art. 348-3, al. 3 devenu 348-5, al. 2). Elle transpose la règle au fait que son enfant n’avait pas été recueillie par son épouse puisqu’elle l’avait élevé seule depuis sa séparation.

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui rappelle que :

  • premièrement, l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, permise lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, qui peut être rétracté pendant deux mois (C. civ. art. 345-1, 1° devenu 370-163, 1° ; C. civ. art. 348-1 et 348-3) ;

  • deuxièmement, si à l’expiration du délai de deux mois, le consentement n’a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l’enfant à condition que celui-ci n’ait pas été placé en vue de l’adoption. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, s’il y a lieu d’en ordonner la restitution. Celle-ci rend caduc le consentement à l’adoption (C. civ. art. 348-3, al. 3 devenu 348-5, al. 2).

Toutefois, précise la Cour de cassation, ce dispositif présuppose que l’enfant a été remis à un tiers ; il n’est donc pas applicable à l’adoption de l’enfant du conjoint. Il s'en déduit qu’à défaut de rétractation de son consentement à l’adoption de son enfant dans le délai légal, l’opposition du conjoint ne lie pas le juge. Il doit seulement vérifier, comme il l’a fait en l’espèce, que les conditions légales de l’adoption de l’enfant sont remplies et si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant.

A noter :

La présente affaire s’inscrit dans le sillage de deux décisions récentes ayant, elles aussi, fait l’objet d’une large diffusion.

La Cour de cassation a en effet indiqué que, une fois donné et après expiration du délai de rétractation, le consentement du parent biologique à l'adoption de son enfant par son conjoint (ou partenaire ou concubin) ne comporte aucune limite dans le temps et ne se rattache à aucune instance particulière (Cass. 1e civ. 11-5-2023 n° 21-17.737 FS-B : BPAT 4/23 inf. 171). Le parent qui consent à ce que son conjoint adopte son enfant ne peut donc plus s'en dédire après l'expiration du délai de rétractation de deux mois.

La Haute Juridiction a ensuite précisé que, à défaut de rétracter son consentement à l'adoption de son enfant par sa conjointe dans le délai légal, l'opposition ultérieure de la mère ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier si les conditions légales de l'adoption sont remplies et si l'intérêt de l'enfant est respecté (Cass. 1e civ. 12-7-2023 n° 21-23.242 F-B :  BPAT 5/23 inf. 214). C’est ce qu’a fait ici la cour d’appel, peu important que le couple soit séparé. En matière de filiation, même adoptive, le projet parental survit au couple marital. Le notaire doit insister sur ce point lors du recueil du consentement.

Confrontée à cette jurisprudence, la requérante a joué sa dernière carte en se prévalant de la possible restitution de l’enfant, qui fait fi du délai de rétractation (C. civ. art. 348-3, al. 3, devenu 348-5, al. 2). La Cour de cassation écarte ce dispositif et précise son champ d’application : il s’agit d’un mécanisme permettant au(x) parent(s) biologique(s) de revenir sur leur décision et de récupérer l’enfant tant qu’il n’a pas été placé en vue de son adoption. La situation n’est pas identique lorsque l’adoptant est le conjoint du parent, même séparé : ce n’est pas un tiers comme les autres et il n'est pas question de placement, ni même de recueil. On ne se situe pas dans une mesure de protection de l’enfance. Dans son rapport, le conseiller référendaire indiquait d’ailleurs que ce sont bien les enfants abandonnés que le législateur avait en tête lorsqu’il a posé la règle de l’article 348-5 (p. 9, ligne 7).

Relevons enfin que les cas d’adoption dans les couples de femmes sont amenés à se raréfier depuis la mise en place de la reconnaissance  conjointe anticipée (C. civ. art. 342-11 s.). Là aussi, une fois le consentement donné devant notaire, la filiation de l’enfant est établie à l’égard de l’épouse/compagne de la mère biologique et plus rien ne peut ensuite s’y opposer, sauf l’intérêt de l’enfant. D’ailleurs, la femme qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe, engage sa responsabilité (C. civ. art. 342-13, al. 3).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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