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Créance contre l’indivision : durée et point de départ de la prescription de l’action en paiement

La créance réclamée contre l’indivision par l’indivisaire qui a remboursé l’emprunt pour l’achat d’un bien indivis est exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier, à partir duquel la prescription quinquennale de l’action en paiement commence à courir.

Cass. 1e civ. 14-4-2021 n° 19-21.313 FS-P


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Un homme et une femme achètent en indivision un immeuble à usage d’habitation et de commerce. Ils financent cet achat au moyen d’un emprunt qu’ils souscrivent conjointement en décembre 2001. De cette date jusqu’au mois de mars 2013, les échéances sont réglées par Monsieur seulement. En avril 2013, le partage de l’indivision est ordonné ; en juillet 2014, l’immeuble est vendu et le solde de l’emprunt remboursé. Deux ans plus tard, les ex-indivisaires ne s’accordant pas sur la répartition du solde du prix, le notaire désigné dresse un procès-verbal de difficultés. En juin 2016, l’homme assigne la femme et revendique, notamment, une créance sur l’indivision à raison du paiement des échéances de l’emprunt.

La cour d’appel juge la demande recevable, considérant que la prescription quinquennale de l’action en paiement n’a pas commencé à courir avant le partage. De plus, elle a été interrompue par le procès-verbal de difficultés.

Cassation. Un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l’indivision et être payé par prélèvement sur l’actif indivis, avant le partage (C. civ. art. 815-13 et 815-17, al. 1). Cette créance, immédiatement exigible, se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu les faits lui permettant de l’exercer (C. civ. art. 2224). En l’espèce, la créance revendiquée était exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier, à partir duquel la prescription de l’action en paiement commençait à courir.

A noter L’indivisaire qui règle personnellement les échéances d’un emprunt afférent à un immeuble indivis effectue des dépenses nécessaires à la conservation du bien ; elles lui ouvrent un droit de créance contre l’indivision (C. civ. art. 815-13 ; Cass. 1e civ. 7-6-2006 n° 04-11.524 F-PB : RJDA 12/06 inf. 1282 ; Cass. com. 10-2-2015 n° 13-24.659 FS-PB : BPAT 2/15 inf. 59 ; D. 2015 p. 429). Ce droit de créance classe l’indivisaire parmi les créanciers de l’indivision ce qui lui permet d’être payé par prélèvement sur l’actif sans attendre le partage (C. civ. art. 815-17 ; Cass. 1e civ. 20-2-2001 n° 98-13.006 FS-PB : D. 2001 p. 906, RTD civ. 2001 p. 642, qui autorise une saisie d’un des biens indivis pour payer la créance ; voir également Cass 1e civ. 26-6-2013 n° 12-11.818 F-PB à propos d’une épouse ayant remboursé personnellement partie des échéances des emprunts contractés pour l’achat d’un immeuble indivis). Par voie de conséquence, la prescription de l’action en paiement n’est pas suspendue jusqu’au partage, ce que rappelle le présent arrêt en censurant le raisonnement de la cour d’appel. Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (Cass. 1e civ. 28-3-2018 n° 17-14.104 F-PB : SNH 13/18 inf. 3).

Dans cette affaire où le conjoint survivant revendiquait une créance contre la succession pour avoir financé le prix d’acquisition d’un bien appartenant au défunt, la cour d’appel avait estimé que le rapport des créances contre la succession constituant une opération de partage, ces créances n’étaient pas exigibles durant l’indivision, la prescription ne courant qu’à compter du partage. La Cour de cassation a censuré : elle a exclu l’application des articles 864 et 865 du Code civil qui prévoient que les indivisaires sont allotis de leurs dettes ce qui constitue une opération de partage en précisant que la prescription de droit commun était applicable.

La décision présentement commentée indique également que la prescription applicable est celle de droit commun ; elle est donc quinquennale et elle court « dès que le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer » (C. civ. art. 2224). S’agissant d’échéances réglées par termes successifs, elle se divise comme la dette elle-même et commence dès le paiement de chacune des échéances.

Cet arrêt illustre, si besoin était, une des limites du concubinage lorsque le couple se constitue un patrimoine. La vie commune n’étant pas une cause de suspension de la prescription, contrairement au mariage et au Pacs (C. civ. art. 2236), l’ex-concubin, qui en l’espèce a saisi le tribunal en 2016, ne pouvait réclamer une créance que pour les paiements effectués entre 2011 et 2013.

Quant à l’héritier qui a engagé des dépenses pour la conservation des biens successoraux alors que le règlement de la succession se prolonge, il devra être vigilant et agir dans les 5 ans, sans attendre le partage.

Florence GALL-KIESMANN

Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Droit de la famille n° 69635

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