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Dettes mises à la charge de l’ex-époux qui conserve le patrimoine professionnel : conditions

Le transfert de tout le passif de l’entreprise commune à des époux à la charge de l'un d'eux est valablement justifié dès lors que ce dernier est attributaire du patrimoine professionnel et qu’il est, par son comportement inconséquent, à l’origine de l’endettement de l’entreprise.

Cass. 1e civ. 5-9-2018 n° 17-23.120 FS-PB


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Un couple, marié sans contrat, acquiert un fonds de commerce et l’exploite sous la forme d’une entreprise individuelle au nom du mari. L’épouse a le statut de conjoint collaborateur. Ils divorcent, et la cour d’appel met à la charge de l’époux toutes les dettes de l’entreprise. Ce dernier reproche aux juges de n’avoir pas motivé leur décision alors qu’elle fait dérogation au droit commun du régime des dettes.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Lorsque le divorce est prononcé, si des dettes ou sûretés ont été consenties par les époux, solidairement ou séparément, dans le cadre de la gestion d’une entreprise, le tribunal de grande instance peut décider d’en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel ou, à défaut, la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l’entreprise (C. civ. art. 1387-1).

En l’espèce, la cour d’appel a justifié sa décision en relevant les circonstances suivantes :

- le patrimoine professionnel est attribué à l’époux ;

- la valeur patrimoniale de l’entreprise traduit un état de dettes largement supérieur à ses actifs ;

- les prélèvements annuels personnels de l’époux jusqu’en 2007 sont disproportionnés au regard de la situation financière de l’entreprise ;

- il a souscrit à titre personnel un prêt de trésorerie de 40 000 €.

A noter : c’est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation rend une décision sur le fondement de cet article 1387-1 du Code civil.

Pour mettre à la charge du mari tout le passif de l’entreprise commune, la Cour de cassation relève d’abord un élément objectif : le patrimoine professionnel a été attribué à cet époux. Elle aurait pu s’arrêter là, puisque c’est le seul élément qui figure à l’article 1387-1. Mais elle prend également soin de noter d’autres éléments qui traduisent le comportement inconséquent du mari au vu de la situation financière de l’entreprise. Doit-on en déduire qu’une faute de l’époux doit être prouvée pour que cet article reçoive application ? Cela devra être confirmé.

Pour mémoire : la mobilisation de l’article 1387-1 a une portée limitée : le transfert du passif ne vaut qu’entre les époux ; il n’est pas opposable aux créanciers. Autrement dit, il n’a pas d’incidence sur l’obligation aux dettes, seulement sur la contribution. C’est en tout cas la lecture préconisée par la grande majorité de la doctrine (P. Crocq, « Les bons sentiments ne font pas les bons textes - à propos du nouvel article 1387-1 du Code civil », D. 2005. 2025 ;  V. Larribau-Terneyre, « Le créancier se trouva fort dépourvu quand le divorce fut venu - ou le nouvel article 1387-1 du Code civil », Dr. fam. 2005. Étude 21 ; S. Piedelièvre, « Le nouvel article 1387-1 du Code civil - ou de l’utilisation d’un pavé par un ours », D. 2005. 2138 ;  T. Revet, « Du classicisme et des innovations, patrimoine et entreprise », Dr. et patr. 2005, no 142, p. 90.). C’est aussi celle faite par les juridictions de fond (TGI Evreux 17-11-2006 : Defrénois 2008 p. 316 obs. Champenois ; CA Bourges 24-1-2008 n° 07/00638).

Claire BABINET

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Famille n° 10320

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne