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Enfant issu d'une GPA et mère d’intention : clarification à venir ?

La Cour de cassation interroge la CEDH pour savoir si le refus de transcrire la filiation de l’enfant issu d’une GPA à l’égard de la mère d’intention est conforme au droit au respect de la vie privée et familiale.

Cass. ass. plén. 5-10-2018 no 10-19.053 FS-PB


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Énième épisode dans la saga judiciaire des époux Mennesson, l’arrêt commenté en rappelle les principaux épisodes, pour décider, sagement, d’interroger la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) plutôt que de prendre le risque d’une nouvelle condamnation de la France.

On rappelle que les époux Mennesson ont eu recours à une convention de gestation pour autrui en Californie. Un arrêt de la Cour Supérieure de Californie a déclaré que l’époux était le père génétique et la mère, « mère légale » des enfants nés de la mère porteuse. Deux actes de naissance ont été établis sur le fondement de cet arrêt, que le ministère public a fait transcrire aux fins de demander l’annulation de cette transcription. Après avoir été déclaré recevable en son action (à la suite de la cassation d’un premier arrêt d’appel : Cass. 1e civ. 17-12-2008 n° 07-20.468 FS-PBI), le ministère public a obtenu que le jugement californien soit déclaré contraire à l’ordre public international, en ce qu’il résultait d’une convention de gestation pour autrui (Cass. 1e civ. 6-4-2011 n° 10-19.053 FS-PBRI : BPAT 3/11 inf. 182). Les parents ont alors saisi la CEDH et obtenu la condamnation de la France pour violation du droit à la vie privée des enfants (CEDH 26-6-2014 n° 65192/11, Mennesson c/ France et CEDH 26-6-2014 n° 65941/11, Labassée c/ France : BPAT 4/14 inf. 156). À la suite de la condamnation de la France, la Cour de réexamen des décisions civiles a fait droit à la demande des parents de réexamen du pourvoi (Cass. cour de réexamen 16-2-2018 n° 17 RDH 001).

Comme elle le rappelle, à l’issue de la condamnation de la France, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence. Elle a admis qu’une convention de gestation pour autrui ne fait pas obstacle à la transcription d’un acte de naissance dès lors qu’il n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, soit lorsque y sont mentionnés le père d’intention, s’il est le père biologique, et la mère porteuse (Cass. ass. plén. 3-7-2015 nos 14-21.323 et 15-50.002 : BPAT 5/15 inf. 160). En revanche, si l’acte mentionne la mère d’intention comme « mère légale », seule une transcription partielle, limitée à la mention du père s’il est le père biologique, est admise (Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 16-16.901 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 15-28.597 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 29-11-2017 n° 16-50.061 FS-PB : SNH 13/17 inf. 8). Cette jurisprudence est fondée sur l’interprétation des arrêts Mennesson et Labassée donnée par la doctrine majoritaire, qui y voit l’obligation de reconnaître le lien de filiation des enfants à l’égard de leur père biologique, mais aucune reconnaissance de droit au profit du parent d’intention qui n’aurait pas de lien biologique avec les enfants.

La Cour de cassation a en outre admis que l’enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger puisse faire l’objet d’une adoption simple par l’époux de son père biologique (Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 16-16.455 FS-PBRI : BPAT 5/17 inf. 183).

Ceci paraissait dès lors satisfaire aux exigences du droit au respect de la vie privée et familiale posées par l’article 8 de la convention EDH. Le refus de transcription de l’acte de naissance, s’agissant de la filiation maternelle, résulte de la loi, procède d’un but légitime (protéger la mère et l’enfant et décourager cette pratique) et ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale des enfants. Ceux-ci peuvent recevoir des certificats de nationalité française (leur accueil au sein du foyer des parents d’intention n’est donc pas remis en cause). De plus, la transcription de l’acte de naissance portant la filiation biologique paternelle est possible. Enfin l’adoption par le conjoint (soumise à des conditions plus souple en droit français) est permise (Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 16-16.455 FS-PBRI).

Cependant, la question de la maternité d’intention n’est pas clairement tranchée par la CEDH. Les Hauts Magistrats adressent donc une demande d’avis consultatif à celle-ci pour savoir si le refus de la transcription des actes de naissance à l’égard de la mère d’intention (alors qu’elle a été admise pour le père biologique) est conforme à la convention, et s’il y a lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la mère d’intention. Enfin la Cour de cassation demande si l’adoption, permise en droit français, ne suffit pas à respecter les exigences de la convention.

A noter : Le dernier état de la jurisprudence française paraissait en adéquation avec la jurisprudence de la CEDH qui ne semble reconnaître de droits qu’au parent biologique (comparer CEDH gde ch. 24-1-2017 n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie : D. 2017 p. 1014 obs. H. Gaudemet-Tallon). La Haute Juridiction semble avoir cependant, à juste titre, préféré clarifier définitivement le statut de la mère d’intention. On rappellera que la plupart des arrêts en matière de GPA ne traitent que de la transcription d’actes de naissance étrangers et ne statuent pas à proprement parler sur l’établissement de la filiation (faisant clairement la distinction, voir Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 15-28.597 FS-PBRI ; Cass. 1e civ. 29-11-2017 n° 16-50.061 FS-PB : BPAT 1/18 inf. 25). La transcription d’actes d’état civil étrangers n’est en effet pas obligatoire et, quand bien même ceux-ci seraient conformes à la réalité biologique, une telle transcription ne vaut pas « reconnaissance » de la filiation. Rien n’empêche une contestation ultérieure de la validité de la filiation. Au cas particulier, l’admission de la transcription laisse toutefois penser que la filiation pourra être ultérieurement établie. Il arrive néanmoins, comme c’était le cas dans l’affaire Mennesson, que l’acte de naissance étranger dont la transcription est demandée résulte d’un jugement étranger et, dans ce cas, le refus de transcription est justifié s’il est fondé sur la contrariété du jugement à l’ordre public international français.

David LAMBERT, Avocat

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 73050 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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