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Faute de consentement à mariage, une union célébrée à l’étranger est inopposable en France

Le mariage de deux époux célébré en France est jugé valable en dépit du fait que l’épouse se soit unie 14 ans plus tôt à un autre homme à Las Vegas, cette union étant « inopposable » en France faute de consentement à mariage des intéressés.

Cass. 1e civ. 19-9-2019 n° 18-19.665 FS-PB


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Un homme et une femme de nationalité française se marient en Franceen 1995. En 2009 et 2010, les époux déposent tous deux une requête en divorce. Soutenant avoir découvert l’existence d’un précédent mariage de son épouse avec un autre homme, célébré à Las Vegas en 1981, l’époux demande la nullité de leur mariage célébré en 1995 par assignation du 3 avril 2012.

Jugeant que l’union célébrée à Las Vegas n’est pas valable faute de consentement à mariage, la cour d’appel rejette la demande de l’époux. Elle relève notamment que :

- l’épouse avait présenté la cérémonie à Las Vegas à ses amis comme un rite sans conséquence ;

- le voyage n’avait pas eu pour but ce mariage puisque les bans n’avaient pas été publiés ;

- les intéressés n’avaient entrepris aucune démarche en vue de sa transcription à leur retour en France ;

- ils n’avaient pas conféré à leur enfant le statut d’enfant « légitime » puisqu’ils l’avaient reconnu, sans aucune allusion à leur mariage dans l’acte de naissance ;

- ils avaient tous deux contracté des unions en France après ce mariage.

Devant la Cour de cassation, l’époux reproche à la cour d’appel son appréciation de l’absence de consentement au mariage de 1981 et d’avoir prononcé la nullité de celui-ci plus de 30 ans après sa célébration, sans relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité.Pour rejeter le pourvoi de l’époux, la Cour de cassation s’en remet, sur le premier point, à l’appréciationsouveraine des juges du fond : la cour d’appel en a « souverainement déduit que le consentement à mariage faisait défaut, de sorte que, l’union célébrée [en 1981] étant inopposable, la demande d’annulation du mariage [célébré en 1995] devait être rejetée. »
Sur le second point, les Hauts Magistrats rappellent que les juges ne peuvent suppléer d’office le moyen résultant de la prescription (C. civ. art. 2247) ; cette règle s’applique même lorsque la prescription est d’ordre public. Dès lors, les juges ne pouvaient relever d’office la prescription trentenaire de l’action en nullité du mariage de 1981, prévue à l’article 184 du Code civil.

À noter : Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle (C. civ. art. 202-1), c’est-à-dire la loi de sa nationalité. On pourrait s’interroger sur l’applicabilité dans le temps de l’article 202-1, inséré dans le Code civil par la loi 2013-404 du 17 mai 2013. Cependant, cette règle de conflit de lois énoncée par la première phrase du premier alinéa n’est que la codification de la jurisprudence traditionnelle, si bien qu’au cas particulier la question ne se pose pas. Dans l’affaire commentée, l’épouse, comme l’homme avec lequel elle s’est unie à Las Vegas, sont de nationalité française (pour l’homme, cette information figure dans l’arrêt d’appel). En application du droit français, il n’y a pas de mariage sans consentement (C. civ. art. 146), le défaut de consentement étant sanctionné par la nullité absolue du mariage (C. civ. art. 184). Les juges du fond ayant considéré, au regard des circonstances évoquées, que le consentement à mariage des intéressés faisait défaut lors de l’union célébrée aux États-Unis, cette dernière est jugée inopposable. Par voie de conséquence, la demande d’annulation du mariage célébré en 1995 pour cause de bigamie est logiquement rejetée. La Haute Juridiction vise l’inopposabilitéplutôt que la nullité parce qu’elle estime sans doute que l’acte de célébration du mariage est un acte public étranger qu’un juge français n’a pas le pouvoir d’annuler : il ne saurait sans violer la souveraineté étrangère s’immiscer dans le fonctionnement d’un service public étranger (voir nettement en ce sens Cass. 1e civ. 6-5-2009 n° 07-21.826 FS-PBI). Mais comme le relève une doctrine autorisée, rien n’interdit à un juge français d’annuler un mariage en tant qu’acte juridique privé, sans pour autant annuler l’acte public étranger de célébration (P. Mayer et V. Heuzé : Droit international privé, Montchrestien 11e éd. 2014, n° 329).

Rappelons que la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014 est venue compléter la règle de conflit de lois applicable aux conditions de fond du mariage lorsque l'un des époux est de nationalité étrangère. Ainsi, « quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l’article 146 et du premier alinéa de l’article 180 » du Code civil (C. civ. art. 202-1, al. 1 modifié par la loi 2014-873 du 4-8-2014 art. 55). Destiné à lutter contre les mariages de complaisance et les mariages forcés, cet ajout textuel a eu pour effet de conférer le caractère de lois de police aux articles 146 et 180, alinéa 1 précités. On peut néanmoins douter de son application à des mariages célébrés avant son entrée en vigueur.

David LAMBERT, Avocat à Paris, coauteur des Mémentos Droit de la famille et Successions Libéralités

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la familles 120, 140, 72550 et 72580

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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