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GPA et mère d’intention : transcription de l’acte de naissance étranger

La transcription doit être admise s’agissant d’un contentieux de plus de 15 ans, et en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants.

Cass. ass. plén. 4-10-2019 n° 10-19.053 PBRI


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Épilogue et ultime rebondissement de l’affaireMennesson portant sur la transcription en France d’actes de naissance dressés en Californie de deux jumelles nées à l’issue d’une gestation pour autrui dans cet État américain. Ces actes indiquaient comme parents le couple à l’origine de la GPA : le père d’intention, qui était aussi le père biologique, et la mère d’intention, comme mère légale. La transcription ayant été annulée à l’égard des deux parents, la France avait été condamnée par la CEDH pour violation du droit à la vie privée des enfants. Les magistrats européens se fondaient en particulier sur l’impossibilité pour les enfants de faire reconnaître leur lien de filiation avec leur père biologique, sans statuer de façon claire sur leur lien de filiation avec la mère d’intention (CEDH 26-6-2014 n° 65192/11, Mennesson c/ France : BPAT 4/14 inf. 156). Tirant les conséquences de cette condamnation, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence en admettant la transcription, le cas échéant partielle, de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA dès lors qu’il désigne comme père le père biologique, tout en refusant toute transcription de la filiation à l’égard de la mère d’intention (Cass. ass. plén. 3-7-2015 nos 14-21.323 PBRI et 15-50.002 : BPAT 5/15 inf. 160 ; Cass. 1e civ. 5-7-2017 nos 15-28.597 FS-PBRI et 16-16.901 FS-PBRI). Elle a même admis par la suite que le conjoint du parent biologique puisse adopter les enfants issus de la GPA dans les conditions prévues par la loi française pour l’adoption dans le cadre d’un mariage (Cass. 1e civ. 5-7-2017 n° 16-16.455 FS-PBRI : BPAT 5/17 inf. 183).

À l’issue de la première décision de la Cour de réexamen des décisions civiles (Cass. cour de réexamen 16-2-2018 n° 17 RDH 001), les époux Mennesson ont obtenu le droit au réexamen de leur pourvoi (rejeté par Cass. 1e civ. 6-4-2011 n° 10-19.053 FP-PBRI : BPAT 3/11 inf. 182). L’assemblée plénière a alors choisi d’interrogerla CEDH (Cass. ass. plén. 5-10-2018 n° 10-19.053 PBRI : BPAT 6/18 inf. 221), laquelle a donné une réponse nuancée, approuvant en apparence la jurisprudence de la Cour de cassation. Le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention. En revanche, celui-ci ne requiert nullement que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant (CEDH avis 10-4-2019 n° P16-2018-001 : BPAT 3/19 inf. 97).

La Cour de cassation en déduit que la circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, faire obstacle ni à la transcription de l’acte de naissance, en ce qui concerne le père biologique de l’enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l’égard de la mère d’intention mentionnée dans l’acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. En annulant la transcription des actes de naissance en raison de la seule existence d’une convention de GPA, la cour d’appel a violé la convention européenne des droits de l’Homme et la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant. Ayant cassé l’arrêt, la Cour décide de se saisir de l’affaire au fond. Elle considère logiquement que les actes naissance étrangers doivent être transcrits s’agissant de la filiation paternelle. Examinant ensuite la filiation maternelle, les Hauts Magistrats indiquent qu’en droit français, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui étant nulles, il convient de privilégier, au regard de l’intérêt de l’enfant, tout mode d’établissement de la filiation permettant au juge de contrôler notamment la validité de l’acte ou du jugement d’état civil étranger au regard de la loi du lieu de son établissement, et d’examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’enfant. Ils constatent que le prononcé d’une adoption suppose l’introduction d’une nouvelle instance à l’initiative de la mère d’intention alors que les actes de naissance des deux filles ont été établis en Californie, dans un cadre légal, conformément au droit de cet État, après l’intervention d’un juge. Dès lors, cela aurait, au regard du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère d’intention, des conséquences manifestement excessives en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée des enfants. S’appuyant sur l’avis consultatif de la CEDH qui insiste sur la nécessité de ne pas fragiliser la situation de l’enfant dès lors que la gestation pour autrui a été réalisée dans les conditions légales du pays étranger et que le lien avec la mère d’intention s’est concrétisé, les Hauts Magistrats écartent la possibilité de se fonder sur la possession d’état. Celle-ci ne présente pas les garanties de sécurité juridique suffisantes dès lors qu’un tel lien de filiation peut être contesté en application de l’article 335 du Code civil.
La Cour de cassation en déduit, s’agissant d’un contentieux qui perdure depuis plus de quinze ans, et en l’absenced’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants, que la transcription de la filiation avec la mère d’intention ne saurait être annulée.

À noter : Si l’on peut regretter la solution à laquelle la Cour de cassation aboutit, dès lors que sa jurisprudence était arrivée à une position de compromis acceptable, avec semble-t-il la bénédiction de la CEDH, on doit reconnaître qu’elle est certainement fidèle au raisonnement développé par la CEDH dans son avis du 10 avril 2019. En se rangeant à cette appréciation très concrète de la situation des enfants, comme le recommandait la CEDH, si déroutante soit-elle pour un civiliste, la Cour évite sans doute une nouvelle condamnation de la France et clôt enfin cette interminable procédure, ce qui est satisfaisant du point de vue de l’équité, à défaut de l’être de celui du Droit.

David LAMBERT, Avocat à Paris, coauteur des Mémentos Droit de la famille et Successions Libéralités

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la familles 27301 et 73050

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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