Une entreprise est chargée de la rénovation d’une maison. Invoquant un retard d’exécution, le maître de l’ouvrage lui demande de cesser son intervention. Condamné à verser à l’entreprise un dédommagement de tout ce qu’elle aurait pu gagner dans l’exécution de ce contrat, le maître de l’ouvrage reproche à la cour d’appel d’avoir considéré qu’en l’absence de preuve d’un retard fautif de l’entreprise la résiliation était intervenue par sa seule volonté.
Cassation. En principe, une partie ne peut pas prétendre à l’exécution d’un contrat résilié, mais seulement à des dommages-intérêts compensant le préjudice causé par la résiliation fautive. En cas de marché à forfait, le maître de l’ouvrage peut résilier le marché par sa seule volonté, même si l’ouvrage est déjà commencé, en dédommageant l’entreprise de toutes ses dépenses et de ce qu’elle aurait pu gagner dans cette opération. En l’espèce, la cour d’appel ne pouvait donc pas statuer ainsi sans avoir constaté le caractère forfaitaire du marché.
A noter :
L’arrêt est très intéressant sous des apparences banales. Un marché de travaux peut être résilié par le maître de l’ouvrage pour faute de l’entrepreneur (C. civ. art. 1224), notamment en cas de retard dans l’exécution des travaux (Cass. 3e civ. 29-9-2016 n° 15-18.238 FS-PBI : BPIM 6/16 inf. 374, RDI 2016 p. 644). Lorsque le marché est à forfait, une règle spéciale autorise également le maître de l’ouvrage à résilier le marché par sa seule volonté (c’est-à-dire sans grief) en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise (C. civ. art. 1794). Autrement dit, si le maître de l’ouvrage résilie un marché quelconque, sans que la preuve d’une faute de l’entrepreneur soit rapportée, il s’expose à des dommages-intérêts évalués par le juge. S’il résilie sans motif un marché à forfait, l’entreprise peut être dédommagée de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner. Deux questions se posent. Dans un marché à forfait, si le maître de l’ouvrage invoque une faute de l’entrepreneur pour résilier le contrat, mais que celle-ci n’est pas établie, la règle spéciale s’applique-t-elle nécessairement ? Et si le marché n’est pas à forfait, la résiliation unilatérale non motivée par un grief interdit-elle au juge du fond d’estimer le préjudice de l’entrepreneur en s’inspirant de la règle spéciale ? N’est-il pas investi d’un pouvoir d’appréciation du préjudice, dans la mesure de ce qui est normalement prévisible en matière contractuelle ?