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Inopposabilité à un créancier d’une modification statutaire liée à une donation de parts sociales

Lorsqu’une donation-partage portant sur la nue-propriété de parts sociales a été déclarée inopposable à un créancier car faite en fraude de ses droits, la modification subséquente des statuts doit l’être également.

Cass. 1e civ. 6-7-2022 n° 21-15.886 F-D, Société Commerciale de Télécommunication c/ P.


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©Gettyimages

Le propriétaire d’un immeuble constitue une société civile familiale et consent une donation-partage de la nue-propriété de ses parts sociales à ses enfants juste après avoir été condamné pour abus de confiance à payer d’importants dommages-intérêts à une société par actions simplifiée (SAS).

La SAS considère que son débiteur a effectué cette donation-partage en fraude de ses droits, pour amoindrir son patrimoine et se rendre insolvable. Elle le poursuit, ainsi que la société civile immobilière (SCI), pour voir déclarer inopposables à son égard l’acte de donation-partage et la modification des statuts de la SCI concernant la répartition des parts.

Une cour d’appel consent seulement à déclarer inopposable à la SAS l’acte de donation-partage. Elle considère que, la modification des statuts n'étant pas un acte qui appauvrit le débiteur, elle ne peut pas être concernée par l’action de la SAS. 

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel sur ce dernier point.  Elle juge que l'inopposabilité de la donation-partage portant sur la nue-propriété des parts sociales entraînait, par voie de conséquence, l’inopposabilité de la modification des statuts.

A noter :

Le créancier peut agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits (C. civ. art. 1341-2). Il résulte d’une jurisprudence bien établie que cette action (dite « paulienne ») ne peut aboutir que si l’acte attaqué a entraîné un appauvrissement du débiteur. Toutefois, il résulte de la décision commentée que, même s’ils n’appauvrissent pas le débiteur, les actes pris en conséquence de l’acte litigieux ne peuvent pas produire d’effet à l’égard du créancier. Cette inopposabilité en cascade fait écho à la maxime « la fraude corrompt tout ». Elle n’est pas sans rappeler la notion développée en procédure pénale d’actes subséquents, qui s’entendent comme tous les actes ayant pour support nécessaire un acte initial (notamment rappelé par Cass. crim. 9-5-2018 n° 17-86.638 P : AJ pénal 2018 p. 359 note S. Fucini).

A première vue, l’extension de l’inopposabilité de la donation-partage à la modification des statuts de la SCI ne semble pas être d’un considérable intérêt pour le créancier. On peut néanmoins imaginer que, si la modification statutaire avait continué de produire ses effets malgré l’inopposabilité de la donation-partage elle-même, une voie d’exécution se serait heurtée, dans un premier temps en tout cas, au fait que les titulaires des parts inscrits sur les statuts n’étaient pas le débiteur, mais ses enfants. En outre, ceux-ci étant mineurs, une intervention du juge des tutelles aurait certainement été nécessaire. Si, au bout du compte, cela n’aurait peut-être pas empêché la cession forcée des parts, celle-ci aurait sans doute été sérieusement retardée.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne