Votre métier
icone de recherche
icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Pratiques commerciales abusives

L’interdiction de l’obtention d’un avantage sans contrepartie ou disproportionné est valide

Le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution l'article L 442-1, I-1° du Code de commerce, qui prohibe l'obtention d'un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie.

Cons. const. 6-10-2022 n° 2022-1011 QPC, Sté Amazon EU


Par Dominique LOYER-BOUEZ
quoti-20220321-une-conseil-constitutionnel.jpg

©Gettyimages

Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (C. com. art. L 442-1, I-1°).

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. com. QPC 7-7-2022 n° 22-40.010 F-D : RJDA 10/22 n° 585), le Conseil constitutionnel considère que cette disposition ne méconnaît ni le principe d’égalité ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

En premier lieu, contrairement à ce que soutenait le demandeur, le législateur n’a pas porté à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. D’une part, en adoptant ces dispositions, il a poursuivi un objectif d’intérêt général qui est de réprimer certaines pratiques restrictives de concurrence et d'assurer un équilibre des relations commerciales. D’autre part, ces dispositions permettent au juge saisi de contrôler les conditions économiques de la relation commerciale uniquement pour constater une pratique illicite tenant à l’obtention d’un avantage dépourvu de contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de cette dernière.

En second lieu, cette disposition ne méconnaît pas le principe de légalité des délits et des peines en vertu duquel le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis. L’article L 442-4 du Code de commerce sanctionne la pratique prohibée par une amende civile, mais la notion d’avantage « manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie » ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque.  

A noter :

Le doute constitutionnel qui avait conduit la Cour de cassation à transmettre la QPC ne portait pas sur l'ensemble du dispositif de l'article L 442-1, I-1°, mais seulement sur l'avantage manifestement disproportionné. La Cour avait considéré que le rôle laissé au juge pour rechercher la disproportion manifeste justifiait la saisine du Conseil constitutionnel car le juge est appelé à procéder à « un contrôle des conditions économiques » du contrat, « quand bien même ces conditions économiques auraient fait l'objet d'une libre négociation entre les parties ». La Cour avait été sensible à l'argumentation de l'auteur de la QPC, qui faisait valoir, en particulier, qu'en s'abstenant de fixer un seuil à partir duquel un avantage était « manifestement disproportionné » les dispositions critiquées ouvraient la voie à un « contrôle juridictionnel généralisé » de l'équivalence des avantages et des contreparties.

Le Conseil constitutionnel a considéré que cette critique n’était pas fondée. Il a déjà jugé que les limitations apportées par le législateur à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle doivent être « justifiées par l'intérêt général » et qu'il ne doit pas en résulter « d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (Cons. const. 4-8-2017 n° 2017-649 QPC).

Dès lors que l’article L 442-1, I-1° permet au juge de « contrôler les conditions économiques de la relation commerciale », la question se pose de savoir si un contrôle judiciaire du prix est possible sur ce fondement. On sait que la Cour de cassation a admis un tel contrôle dans le cadre d’une action fondée sur l’article L 442-1, I-2° prohibant la soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (Cass. com. 25-1-2017 n° 15-23.547 FS-PB : RJDA 4/17 n° 286). Il lui reviendra de se prononcer également sur cette question. Rappelons que la cour d’appel de Paris s’est prononcée en défaveur d’un tel contrôle (CA Paris 4-11-2020 n° 19/09129 : RJDA 4/21 n° 267).

Retrouvez toute l'actualité en matière de droit des sociétés, droit commercial et de la concurrence dans Navis Droit des Affaires !

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Droit des Affaires pendant 10 jours.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne