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LegalTech et propriété industrielle : l'improbable ubérisation

L’essor de la LegalTech touche de plus en plus l’univers de la propriété industrielle. S’il est difficile de prévoir l’ampleur des bouleversements, une ubérisation des métiers est improbable selon Moez Maoui, fondateur de MKT International, qui invite toutefois les acteurs du secteur à anticiper.


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La LegalTech pour Legal Technology – ou utilisation des technologies et des logiciels dans le domaine juridique – est aux métiers du droit et du juridique ce qu'est la FinTech à l’industrie financière. Née dans les années 2000 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la LegalTech est en plein essor depuis 2014. En France, le nombre de startups LegalTech ne cesse d’augmenter : de 150 à 200 sociétés se partagent déjà le marché, avec des typologies et des spécialisations de plus en plus diverses selon un récent état des lieux dressé par Wolters Kluwer et Maddyness : création et gestion d’entreprises, défense du consommateur, financement d’actions en justice, arbitrages en ligne, gestion et création d’actes, services pour professionnels du droit, protection d’actifs immatériels (marques et brevets…), gestion des contrats, markets-places de mise en relation (Call A Lawyer), automatisation de la génération de documents juridiques et de contrats (LexDev), data mining dans le domaine juridique et même des startups spécialisées dans la création de plateformes LegalTech. Les enjeux de ce nouvel eldorado sont suffisamment importants pour qu’un salon annuel y soit dédié depuis trois ans (Village de la LegalTech).

Une mutation des métiers de la propriété industrielle

L’essor de la LegalTech touche aussi fortement le secteur spécifique des métiers de la propriété industrielle. Les startups LegalTech y prolifèrent et proposent certains desservices qu'offrent historiquement les acteurs traditionnels (cabinets, avocats conseil, mandataires en PI…). Par exemple, un cabinet de conseil en PI en ligne a été créé il y a quelques mois (YesMyPatent), alors que IPChain Database, une plate-forme Blockchain qui se concentre sur le système de dépôt, ambitionne de devenir le standard de référence utilisé par les agences et les offices de dépôt. D’autres projets s’appuyant aussi sur la Blockchain se focalisent sur la traçabilité des œuvres liées à des droits d’auteur afin d’optimiser et d'automatiser les contrats et collecte de licences. D’autres encore qui combinent technologies blockchain et RFID (ndlr : technologie de raido-identification) permettent de lutter contre les contrefaçons en certifiant l’authenticité d’un objet.

Quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle et des algorithmes, qui posent encore quelques doutes, une startup comme Lexdev mise déjà sur son utilisation dans le domaine juridique. Ces initiatives montrent que l’on dépasse le strict cadre des acteurs traditionnels de la PI, les nouvelles technologies impactant d’ores et déjà ces métiers. Et ce n’est qu’un début !

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’ampleur de cette transformation et ses futurs contours. L’incidence sur les métiers de la PI est difficile à évaluer aujourd’hui, la percée des nouvelles solutions et plateformes technologiques dépendant fortement de leur vitesse d’adoption par les régulateurs et les offices de dépôt. Dans le cas de la PI, il est cependant probable que ce qui s'annonce soit plus une transformation qu'une disruption au sens strict du terme. Car si les startups apportent une automatisation de certaines tâches ou activités, toutes ne révolutionnent pas structurellement les métiers du droit.

L’ubérisation du métier est une utopie

On peut toutefois émettre quelques hypothèses. Comme celle de l’apparition probable de nouveaux acteurs technologiques, des service providers prestataires pour l’ensemble des acteurs du métier. Celle d’une « commodisation » de certaines activités ou d’une dématérialisation géographique, de sorte que la co-localisation d’un client et de son prestataire ne soit plus nécessaire. On peut surtout prévoir, avec la conjugaison d’autres facteurs, une consolidation du secteur des mandataires.

Pour autant, le tout-digital est une utopie. Et l’idée d’une ubérisation du métier est à exclure. Quel que soit les plates-formes qui émergeront, celles-ci ne remplaceront jamais tout à fait les acteurs majeurs tels que les mandataires par exemple… Cela tient à la nature même de ce métier qui demeure très fortement réglementé. Dans quelques années, peut-être, une plate-forme pourra fournir un niveau d’automatisation élevé pour la création d’un document de demande de brevet, son dépôt, sa validation, son renouvellement... et ce, avec une implication humaine limitée ou en tout cas beaucoup moins importante qu’aujourd’hui. Nous n’en sommes pas là. Les conseils sont et resteront des acteurs incontournables. Aucune plate-forme ne peut remplacer leur expertise.

Evangéliser sans tarder les acteurs du secteur

Pour autant, rien ne sert de combattre ces nouvelles technologies. Il faut bien au contraire les intégrer. Partout où il est possible d’automatiser, d’optimiser, de gagner en efficacité, en compétitivité, en coût, il faut le faire sans attendre car ces plateformes offrent des possibilités de scale-up conséquentes.

Nous le constatons chez MKT International avec la traduction des brevets. De plus en plus de plateformes proposent des services de traduction automatique. Si notre métier, fondé sur l’expertise humaine, n’est pas pour le moment menacé, il doit intégrer ces nouveaux outils technologiques au process opérationnel quotidien. C’est le meilleur moyen de gagner en efficacité et en qualité.

Au final, ces nouvelles technologies bénéficieront aux clients – inventeurs, auteurs, sociétés, PME, détenteurs de brevets – en termes d’optimisation, de réduction des coûts, d’analyse des données… Les économies réalisées pourront dès lors être réinjectées dans les fonctions de recherche et développement, ce qui induira, dans l’ensemble, davantage d’innovation. C’est une sorte de cercle vertueux qu’il faut accentuer.

Parce que le phénomène LegalTech est relativement nouveau, cet éco-système est particulièrement actif. Par conséquent, chaque acteur traditionnel des metiers de la PI – cabinet d’avocats, entreprises, public, TPE/PME, cabinets conseils – doit organiser une veille technologique. Il est en effet urgent de vulgariser la technologie, de la rendre intelligible, et d’évangéliser en quelque sorte les acteurs. On pourra ainsi anticiper les évolutions, s’y adapter, en un mot préparer l’avenir.

(1) Blockchain : ce système de base de données décentralisée fonctionne comme un grand livre comptable, ouvert à tous et crypté pour la protection des données, ce qui lui permet de ne perdre la trace d’aucune transaction, mais aussi de garder en mémoire tout document qui y est ajouté

Moez MAOUI, fondateur de la société de services à la PI, MKT International



Voir aussi nos vidéos tournées à l'occasion du 3e Village de la LegalTech :

La LegalTech est-elle arrivée à maturité ?

LegalTech : comment gérer l'obsolescence des technologies ?

LegalTech : faut-il craindre une standardisation de l'offre ?

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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