Votre métier
icone de recherche
icone de recherche
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires
logo

L’ordonnance sur la garantie de conformité des contenus et services numériques en bref

Tirant les conséquences du développement des ventes de produits connectés et de la fourniture de contenu et service numériques, le texte adapte et étend le droit de la consommation à ces transactions. Il en précise aussi le champ d’application. Tour d’horizon des principales mesures.

Ord. 2021-1247 du 29-9-2021 : JO 30 texte n° 9


Par Maya VANDEVELDE
quoti-20211126-une.jpg

©iStock

L’ordonnance relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques a finalement été adoptée le 29 septembre 2021 (Ord. 2021-1247 du 29-9-2021 : JO 30 texte n° 9). Elle transpose deux directives européennes :

  • la directive UE 2019/770 du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques ;

  • la directive UE 2019/771 du 20 mai 2019, relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.

Elle fait évoluer les règles de protection des consommateurs pour tenir compte, notamment, du développement des contrats portant sur des contenus ou services numériques ou intégrant de tels services.

Entrée en vigueur

Les nouvelles dispositions seront pour l’essentiel applicables aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, un certain nombre d’entre elles s’appliqueront à la fourniture de contenus et services à compter de cette date (Ord. 2021-1247 art. 21), peu important que cette fourniture intervienne en exécution d’un contrat conclu avant.

C’est le cas, outre des dispositions comportant des définitions ou des précisions sur le champ d’application du texte (C. consom. art. liminaire et art. L 224-25-1 à L 224-25-3) : des règles relatives à l’obligation de fourniture des contenus numériques et des services numériques (C. consom. art. L 224-25-10 et L 224-25-11) ;  de la plupart des dispositions sur la garantie de conformité des contenus et services numériques (BRDA 23/21 inf. 18) ; des dispositions sur la suspension de la garantie en cas d’immobilisation ou d’indisponibilité du contenu ou service provoquée par la mise en œuvre de la garantie légale ou commerciale (C. consom. art. L 224-25-28 et L 224-25-29) ; de l’extension aux non-professionnels de certaines dispositions (voir n° 7) ; de l’article qui déclare d’ordre public les règles sur la fourniture de contrats et services numériques (C. consom. art. L 224-25-32) ; des dispositions prévoyant des sanctions en cas de manquement aux règles applicables à la fourniture de contrats et services à compter du 1er janvier 2022 (amende civile, pénalités ou sanctions administratives) (C. consom. art. L 241-18-1 à L 241-18-3 ; L 242-18-5 à L 242-18-7 et L 242-18-9).

Avec le Bulletin Rapide Droit des Affaires, suivez toute l'actualité juridique commentée et analysée pour assurer la relance d'activité pour vos clients ou votre entreprise :

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un essai gratuit d'un mois à la revue Bulletin Rapide Droit des Affaires.

Principales mesures

La principale nouveauté du texte est la création d’une garantie légale de conformité pour les contrats portant sur des contenus et services numériques, alors que, jusqu’à présent, seuls les contrats de vente de biens étaient couverts par cette garantie. Cette mesure de l’ordonnance fera l’objet d’une étude séparée (BRDA 23/21 inf. 18).

L’ordonnance procède par ailleurs à certains aménagements des dispositions relatives à l’information précontractuelle, l’information sur les prix et les conditions de vente, ainsi que des exigences relatives à la présentation des contrats, en particulier des conditions générales de vente. Elle réorganise par ailleurs les dispositions sur la délivrance, la fourniture et le transfert de risque, pour y intégrer certaines règles en relevant et actuellement dispersées dans le Code de la consommation (BRDA 23/21 inf. 19).

Des obligations spécifiques sont en outre prévues pour les éléments numériques, qu’ils fassent l’objet d’un contrat spécifique de fourniture ou qu’ils soient essentiels aux fonctionnalités d’un bien connecté. Il s’agit, notamment, du droit du consommateur à être informé et à recevoir les mises à jour logicielles nécessaires au maintien de la conformité du bien, de l’encadrement des modifications du contenu ou du service numérique intervenant après la conclusion du contrat ou encore du droit du consommateur à récupérer les contenus utilisés en cas de résolution du contrat (BRDA 23/21 inf. 19).

Des obligations spécifiques pour les éléments numériques

Signalons encore les évolutions importantes suivantes.

A compter du 1er janvier 2022, l’ordonnance étend aux non-professionnels le bénéfice des dispositions du Code de la consommation :

  • sur la délivrance, la livraison, la fourniture et le transfert des risques (C. consom. art. L 216-8 modifié) ; 

  • sur la garantie légale de conformité des biens (C. consom. art. L 217-31 nouveau) ; 

  • contenues dans la section 2 bis de ce Code relative aux « contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques » (C. consom. art. L 224-25-31 nouveau).

Une grande partie des règles générales sur les contrats de consommation leur sera donc bientôt applicable – les dispositions spécifiques régissant les contrats de fourniture de contenus et de services numériques l’étant de manière générale.

L'ordonnance assimile aux contrats à titre onéreux ceux conclus moyennant un avantage reçu par le professionnel au lieu ou en complément d’un prix (C. consom. art. L 217-1 modifié et L 224-25-2 nouveau). La jurisprudence avait déjà admis que pouvait être qualifié de professionnel un réseau social exploitant et valorisant les données personnelles de ses utilisateurs, en dépit de la gratuité du service pour ce dernier (TGI Paris 12-2-2019 n° 14/07224), mais aucune règle ne permettait d’appréhender la question de manière générale.

Sont déclarées d’ordre public de manière générale toutes les dispositions du titre I du livre II du Code de la consommation, consacré aux « conditions générales des contrats », dans lequel figurent les dispositions sur la présentation de ceux-ci, les clauses abusives, la conservation des contrats conclus par voie électronique, les arrhes et acomptes, la reconduction des contrats de prestation de services, la livraison et le transfert des risques, la garantie de conformité, la garantie commerciale et le service après-vente, et la prescription (C. consom. art. L 219-1 nouveau). L’ensemble des dispositions spécifiques aux contrats portant sur un contenu ou un service numérique incluses dans la section 2 bis du Code de la consommation est également déclaré d’ordre public par l’ordonnance (C. consom. art. L 224-25-32 nouveau). Ces deux articles entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

Enfin, l’ordonnance introduit plusieurs nouvelles définitions dans l’article liminaire du Code de la consommation.

Clarification du champ d’application du droit de la consommation

Jusqu’à présent, de nombreuses dispositions du Code de la consommation n’étaient applicables qu’aux ventes ou aux prestations de services, de sorte que les consommateurs parties à des contrats portant sur des éléments numériques ne bénéficiaient d’aucune protection (sauf à les attraire parfois très largement dans la catégorie des ventes). Intégrant la fourniture de contenus et de services numériques dans l’orbite du droit consumériste, l’ordonnance en précise le champ d’application.

Ainsi, sont distingués, pour l’application de nombreuses dispositions, dont celles sur la garantie de conformité :

  • les biens corporels (y compris les biens comportant des éléments numériques : smartphones, PC, etc.) ;

  • les contenus ou services numériques « autonomes », que le consommateur a acquis en dehors de l’achat d’un bien : abonnements, services de vidéo à la demande, stockage en nuage (« cloud »), par exemple.

La qualification du contrat et le texte applicable dépendent ainsi en grande partie du « bien » en cause et, notamment, du degré d’imbrication existant entre le bien corporel éventuellement objet du contrat et les éléments numériques qu’il contient.

Les contrats portant sur des biens mobiliers corporels, y compris lorsqu’ils comportent des éléments numériques, relèvent en principe des dispositions relatives à la vente (C. consom. art. L 217-1 et L 217-2 modifiés).

Les contrats relatifs à la fourniture de contenu numérique ou de service numérique, en ce compris la fourniture d’un contenu numérique sur un support matériel servant exclusivement à le transporter – comme une clé USB, un CD ou un DVD –, relèvent pour l’essentiel de dispositions spécifiques, celles-ci ayant toutefois été largement calquées sur les dispositions relatives à la vente (C. consom. art. L 224-25-2 et L 224-25-3).

Certaines règles s’appliquent sans égard pour cette distinction : ainsi, des dispositions régissant la fourniture de contenu et service numériques « autonomes » s’appliquent aux éléments numériques intégrés au bien vendu, ou interconnectés avec ce bien (C. consom. art. L 224-25-3 renvoyant à l’art. L 224-25-22 sur la résolution) ; à l’inverse, les règles sur l’obligation de délivrance en matière de biens corporels s’appliquent à la fourniture de contenu sur un support matériel servant exclusivement à son transport (C. consom. art. L 216-1 modifié).

Enfin, si le consommateur conclut un contrat de fourniture de contenu ou de service numériques qui ne fait pas partie d’un contrat de vente portant sur des biens comportant des éléments numériques, ce contrat sera considéré comme distinct du contrat de vente de biens (par exemple, si le consommateur télécharge une application de jeu sur un téléphone mobile multifonction à partir d’une boutique d’applications) : les règles sur la vente et celles sur le contrat de fourniture de contenu numérique s’appliqueront de manière distributive à chacun des deux contrats (C. consom. art. L 224-25-2 nouveau). Mais lorsqu’il n’apparaît pas clairement que la fourniture du contenu ou du service numérique fait l’objet d’un contrat distinct, cette fourniture est présumée relever du contrat de vente de biens (C. consom. art. L 224-25-3 nouveau).

Tous les services et contenus numériques ne sont par ailleurs pas concernés par les règles du Code de la consommation. Certains contenus et services sont hors du champ d’application des dispositions de ce Code, notamment (C. consom. art. L 224-25-3 nouveau) :

  • les contenus numériques mis à la disposition du grand public autrement que par la transmission de signaux (tels que la télévision numérique), dans le cadre de spectacles ou d’évènements, tels que des projections cinématographiques numériques ;

  • les contenus fournis par des organismes du secteur public (documents administratifs au sens de l’article L 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration) ;

  • les services autres que les services numériques, même si le professionnel utilise des formats ou des moyens numériques pour créer le produit ou service, le fournir ou le transmettre au consommateur (par exemple des services juridiques assurés par le professionnel lui-même, même si celui-ci utilise des moyens numériques pour créer le produit du service ou transmettre au consommateur) ;

  • les services de communications électroniques au sens du Code des postes et des communications électronique (article 32, 6°, par exemple un service d’accès à internet), autre que les services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation (comme WhatsApp par exemple), ces derniers étant soumis au Code de la consommation ;

  • les soins de santé ;

  • les services de jeux d’argent et de hasard ;

  • les services financiers ;

  • les logiciels sous licence libre et ouverte lorsqu’ils sont gratuits.

Retrouvez notre dossier complet sur l'ordonnance « Garantie de conformité »  dans le BRDA 23/21, p. 31 s.

Définitions

L’ordonnance introduit dans le Code de la consommation (art. liminaire) les définitions suivantes.

Biens comportant des éléments numériques : « tout bien meuble corporel qui intègre un contenu numérique ou un service numérique ou qui est interconnecté avec un tel contenu ou un tel service, de manière telle que l’absence de ce contenu numérique ou de ce service numérique empêcherait le bien de remplir ses fonctions » ;

Contenu numérique : « données produites et fournies sous une forme numérique » ; il s’agit par exemple des programmes informatiques, des applications, des jeux, de la musique, des vidéos ou des textes, que l'accès à ces données ait lieu au moyen du téléchargement ou du streaming, depuis un support matériel ou par tout autre moyen.

Service numérique : « service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder, ou service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d’autres utilisateurs de ce service » ; sont par exemple visés les traitements de texte ou les jeux proposés dans l’environnement informatique en nuage, les services d’hébergement de fichiers, les médias sociaux.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne
logo
Fiche Pratique fiche pratique | Affaires - Contrat de consommation

Mise en œuvre de l’ordonnance relative à la garantie légale de conformité : fiche pratique

Fabricants et vendeurs vont devoir adapter leurs pratiques pour s’assurer qu'elles sont conformes aux dispositions issues de l’ordonnance du 29 septembre 2021. Dans une fiche pratique, Me E. Voisset recense les actions qu'ils doivent mener à cette fin.


Par Emmanuelle VOISSET, Avocat au sein du cabinet Panta Rhei www.pantarhei-paris.com
quoti-20211201-affaires.jpg

©iStock

D’ici au 1er janvier 2022, fabricants et revendeurs vont devoir adapter l’ensemble de leurs pratiques pour s’assurer de leur conformité aux dispositions de l’ordonnance « Garantie de conformité » (Ord. 2021-1247 du 29-9-2021).

Cette démarche peut passer par un audit :

- des données industrielles liées à la qualité. Ces informations permettront d’adapter les spécifications des produits aux nouvelles obligations, d’influer contractuellement sur la définition de la conformité du produit, d’améliorer la formulation d’éventuelles exclusions de garantie. Elles pourront aussi aider à structurer les réponses du SAV ;

- de la documentation contractuelle. La réforme rend indispensable une vérification de la validité de la documentation remise au consommateur pour la mettre à niveau des nouvelles obligations et pour préciser les obligations du vendeur (définition de la conformité subjective, éventuels défauts de conformité, procédure de réclamation, etc.) ;

- des pratiques des services après-vente. La réforme rend plus nécessaire que jamais la systématisation et la rationalisation des pratiques des services après-vente (cadrage des hypothèses de refus de garantie et de mise en conformité, réponses motivées, etc.).

Emmanuelle VOISSET pratique le droit de la consommation, de la distribution et de la concurrence. Elle conseille, dans leurs affaires courantes et leurs projets stratégiques, des acteurs des secteurs de l’électronique, de l’agroalimentaire et du digital. En 2020, elle a fondé Panta Rhei avec Délizia Bourgeois. Panta Rhei est une société d’avocats dédiée au droit économique.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne