Un pacte liant les actionnaires d’une société anonyme (SA) prévoit que chacun d’eux s’engage à céder aux autres la totalité de ses actions en cas de cas de rupture de son contrat de travail avec la SA, la « rupture » étant définie comme la cessation de ce contrat pour l’une des causes limitatives listées par le pacte, parmi lesquelles la démission du salarié actionnaire, sa faute grave ou lourde, son absence répétée perturbant le fonctionnement de la société ou encore la « décision des 2/3 des actionnaires en voix votant pour la rupture du contrat de travail […] (décision prise sous toute forme) ». L’un des salariés actionnaires est licencié pour motif économique. Au cours d’une assemblée générale réunie un mois plus tard, les actionnaires décident de lever l’option d’achat.
Estimant que la rupture de son contrat de travail ne rentrait pas dans les conditions prévues par le pacte et qu’il avait donc conservé sa qualité d’actionnaire, ce dernier agit devant le juge des référés pour obtenir le paiement de dividendes. A l’appui de sa demande, il soutient que le vote des actionnaires aurait dû être préalable à la décision de licenciement. Les autres actionnaires et la SA s’opposent à cette interprétation de la clause.
Saisie dans ce contexte, la cour d’appel de Versailles juge qu’il appartient au seul employeur, en l’espèce la SA par l’intermédiaire de son mandataire social, de décider d’un licenciement, en application de l’article L 1231-1 du Code du travail, selon lequel « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié » ; toute autre analyse reviendrait à ajouter une condition aux règles d’ordre public de ce Code.
Compte tenu de ces règles, la décision à prendre par les actionnaires en vertu du pacte est nécessairement indépendante de celle prise par l’employeur sur le licenciement et elle a un autre objet que cette dernière ; il en résulte que la décision des actionnaires ne vise qu’à déclencher le processus d’achat des actions de l’actionnaire concerné. Cette interprétation, ajoute la cour d’appel, est la seule raisonnable pour combiner les règles du Code du travail et les stipulations du pacte ; elle correspond en outre à l’esprit de celui-ci, qui lie expressément la qualité d’actionnaire à celle de salarié.
La cour d'appel en conclut qu'il ne peut pas être déduit du pacte que la décision des actionnaires est un préalable nécessaire à la décision de licenciement et l’intéressé a bien perdu sa qualité d’actionnaire à la date de levée de l’option.