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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Filiation

Le principe de chronologie des filiations passe le test du respect de la vie privée

L’interdiction d’établir une seconde filiation tant que la première n’est pas annulée est légitime car elle garantit la stabilité du lien de filiation ; il n’y a pas d’atteinte disproportionnée à la vie privée puisque l’intéressée dispose de 30 ans pour agir en nullité.

Cass. 1e civ. 5-10-2016 n° 15-25.507 FS-PBI


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A 19 ans, une femme est reconnue et légitimée par le mari de sa mère. A 60 ans, alors que son père est décédé depuis quelques années, elle est reconnue par un autre homme (qui meurt peu après). Elle conteste alors la première reconnaissance dont elle a été l’objet. Mais, par un jugement irrévocable de 2007, son action est déclarée prescrite (l’intéressée a agi plus de 30 ans après sa majorité) et la seconde reconnaissance est annulée. En 2011, la femme assigne néanmoins les enfants de l’auteur de la seconde reconnaissance pour qu’une expertise biologique soit ordonnée et que sa filiation soit établie.

La cour d’appel déclare l’action irrecevable puisque la requérante possède une filiation définitivement établie par l’autorité de la chose jugée de la décision de 2007 (C. civ. art. 320 qui pose le principe chronologique des filiations).

La Cour de cassation confirme. L’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue assurément une ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale (garanti par Conv. EDH art. 8). Mais l’interdiction d’établir une seconde filiation tant que la première, légalement établie, n’a pas été contestée en justice est prévue par la loi (C. civ. art. 320) et poursuit un but légitime en ce qu’elle tend à garantir la stabilité du lien de filiation et à mettre les enfants à l’abri des conflits de filiations.

En outre, l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée de la requérante n’est pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi dés lors que :

- l’auteur de la première reconnaissance a été le père de la requérante aux yeux de tous, de 1965 jusqu’à son décès en 2001, soit durant 36 ans, sans que personne remette en cause ce lien de filiation conforté par la possession d’état ;

- l’intéressée elle-même a disposé d’un délai de 30 ans à compter de sa majorité pour contester cette paternité, ce qu’elle n’a pas fait et elle a hérité de l'auteur de la première reconnaissance à son décès ;

- l’intéressée a ainsi disposé de procédures lui permettant de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique.

A noter : les règles en matière de filiation passent les unes après les autres au filtre du droit au respect de la vie privée, garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il y a quelques mois, c’était la prescription quinquennale de l’action en contestation de filiation lorsque la possession d’état est conforme au titre (C. civ. art. 333). Son but - la protection des droits et libertés des tiers ainsi que la sécurité juridique - a été reconnu légitime et, au vu des circonstances examinées, l’atteinte à la vie privée n’a pas été jugée excessive (Cass. 1e civ. 6-7-2016 n° 15-19.853 FS-PBI : BPAT 5/16 inf. 186).

C’est maintenant le principe de la chronologie des filiations qui est évalué. Selon la même méthode, désormais éprouvée, les Hauts Magistrats valident d’abord la légitimité du but poursuivi : éviter les conflits de filiations pour garantir la stabilité de celle existante. Ensuite, ils s’assurent que les juges du fond ont contrôlé la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée, cette appréciation se faisant au cas par cas. Ici aussi, l’atteinte n’a pas été considérée comme excessive au regard de l’ancienneté de la première filiation confortée par la possession d’état et de l’absence de contestation de la requérante lorsqu’elle en avait la possibilité.

On observera que le caractère définitif d’un jugement et l’impossibilité qui en résulte de remettre en question la filiation établie a été jugé contraire à l’article 8 de la Convention européenne (CEDH 10-10-2006 n° 10699/05). Mais les circonstances étaient très différentes de notre espèce : le requérant était le « père » et la fille, qui était à l’origine de l’élément nouveau invoqué pour contester la décision définitive (une analyse ADN), avait déclaré qu'elle n'avait pas d'objection à ce qu’il désavoue sa paternité.

Dominique CHAMINADE

Pour en savoir plus sur le contentieux de la filiation : voir Mémento Droit de la famille nos 27500 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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