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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Responsabilité du fait des produits défectueux

Un produit défectueux même inoffensif entraîne la responsabilité de son producteur

Sont défectueux les produits chimiques utilisés pour traiter un vin et qui provoquent son altération même si la consommation de ce vin n’est pas nocive pour la santé.

Cass. 1e civ. 9-12-2020 n° 19-17.724 FS-P


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Un viticulteur confie l'électrodialyse de ses vins millésimés à une société, laquelle fait appel, pour la préparation de l'appareil d'électrodialyse, à une autre société qui utilise à cet effet de l'acide nitrique et de la lessive de soude. A l’issue des opérations, une pollution des vins est décelée provenant de la lessive et de l’acide et donnant au vin un goût de bouchon.

Le viticulteur et la société chargée de l’électrodialyse poursuivent le producteur de l'acide et de la lessive sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait d’un produit défectueux (C. civ. art. 1245 à 1245-17 ; ex-art. 1386-1 à 1386-18) et demandent réparation de leur préjudice. 

1. Une cour d’appel rejette la demande formée par la société chargée de l’électrodialyse en retenant que, si l’utilisation des produits chimiques a contaminé l’ensemble de l’appareil d’électrodialyse et provoqué la dégradation du vin en altérant son goût, les produits litigieux ne sauraient être considérés comme défectueux dès lors que la pollution des vins n’était pas de nature à nuire à la santé des consommateurs ni à leur intégrité.

La Cour de cassation censure cette décision : il résulte de l’article 1245-1 du Code civil et de l’article 1er du décret 2005-113 du 11 février 2005 que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation, d’une part, du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne, d’autre part, du dommage supérieur à 500 €, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même, en provoquant sa destruction ou son altération.

En l'espèce, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux était applicable dès lors qu’il y avait bien eu altération des vins à la suite de leur pollution par les produits dont la défectuosité était invoquée.

2. La cour d’appel avait également écarté la demande d'indemnisation du viticulteur en retenant que les produits litigieux ne sauraient être considérés comme défectueux, dès lors qu'aucun danger anormal et excessif caractérisant un défaut de sécurité des produits n'était établi.

Ce motif de l'arrêt est également censuré par la Cour suprême : un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et, notamment, de la présentation du produit et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu (C. civ.  art. 1245-3, al. 1 et 2).

Par suite, la cour d’appel aurait dû examiner si, au regard des circonstances et notamment de leur présentation et de l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu, les produits dont la défectuosité était invoquée présentaient la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.

A noter : 1. L’altération d’un bien autre que le produit défectueux suffit à engager la responsabilité du producteur d’un bien défectueux (C. civ.  art. 1245-1, al. 2). Il importe peu qu’il n’y ait pas atteinte à la santé des consommateurs. Au cas particulier, il suffisait que le goût du vin soit altéré pour engager la responsabilité du fabricant des produits destinés au nettoyage de l'appareil traitant le vin.

Il a déjà été jugé qu’il y avait atteinte à un bien autre que le produit défectueux en cas d'un vin rendu impropre à la consommation par les débris de verre affectant les bouteilles le contenant (Cass. 1e civ. 1-7-2015 n° 14-18.391 F-PB : RJDA 11/15 n° 793).

2. La sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre doit s’apprécier en tenant compte des circonstances (C. civ. art. 1245-3, al. 2) ; ainsi, les produits servant à nettoyer l'appareil devant traiter le vin n’offraient pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre pour le vin traité, puisque celui-ci avait un goût de bouchon. Là encore, il importait peu qu’aucun danger anormal ou excessif ne soit établi.

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial 2020 n° 8094 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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