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Le rappel de produits par un fabricant ne suffit pas à prouver l'existence d'un vice caché

Le rappel de véhicules en raison du risque de rupture d'une pièce et le remplacement gratuit de celle-ci sont des actions préventives qui ne constituent pas la reconnaissance d'un vice caché par le fabricant. 

TJ Versailles 4-6-2020 n° 15/10221


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Un constructeur de motos organise auprès des acheteurs une campagne de rappel de l’un de ses modèles, en raison d’un défaut de qualité de la suspension arrière (risque de rupture de la tige arrière de l'amortisseur). Le constructeur remplace la pièce concernée des véhicules immobilisés. Ultérieurement, une association de consommateurs introduit une action de groupe contre le constructeur pour obtenir réparation des préjudices économiques subis par les acheteurs, liés à l’immobilisation de leur véhicule. L’action est fondée sur la garantie des vices cachés (C. civ. art. 1641). L'association soutient que la preuve de l'existence d'un vice caché résulte de la lettre circulaire adressée par le constructeur aux acheteurs, aux termes de laquelle il leur demande d'arrêter immédiatement d'utiliser le véhicule, le fournisseur de l'équipement litigieux ne pouvant pas garantir la qualité de l'un de ses composants. Pour l'association, l'existence du vice est d'autant moins contestable que la pièce défectueuse a été purement et simplement remplacée gracieusement par les concessionnaires sur tous les véhicules du modèle en cause. 

Le tribunal judiciaire de Versailles rejette la demande d'indemnisation pour les raisons suivantes.

- La suspicion d'un défaut de qualité affectant un élément d'équipement des motos concernées avait justifié la mise en œuvre d'une action préventive de rappel de ces produits, par laquelle les consommateurs étaient invités à immobiliser leur véhicule. Par la suite, le constructeur a fait remplacer l'élément en cause sur l'ensemble des motos du modèle. La nécessité de ce remplacement, annoncée dans la seconde lettre circulaire du constructeur, s'inscrivait dans la continuité de son action de prévention. Elle ne constituait pas la reconnaissance d'un défaut caché d'une gravité telle qu'il rendait le bien impropre à sa destination. Les actions d'immobilisation et de remplacement mises en œuvre témoignaient donc de l'accomplissement par le constructeur des obligations édictées par le Code de la consommation en matière de sécurité des produits, en particulier l'article L 423-2, qui impose au professionnel de rappeler ou retirer de la vente les produits susceptibles de ne pas offrir au consommateur la sécurité attendue. En l'absence d'expertise ou de document technique produit par l'association de consommateurs, ces actions strictement préventives n'étaient pas de nature à établir à elles seules l'existence du défaut suspecté, ni d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil

- Dans les précédents jurisprudentiels invoqués par l'association pour démontrer que l'existence d'un vice caché pourrait se déduire exclusivement d'une campagne de rappel, d'une part, un accident en lien avec le vice allégué s'était produit, de sorte que le risque litigieux s'était réalisé, et, d'autre part, une expertise technique avait été produite aux débats, propre à fournir aux juges tous les éléments techniques nécessaires pour apprécier l'existence et la nature du vice. En l'espèce, l'association ne faisait pas état de la survenue d'un accident, voire d'un simple dysfonctionnement, en lien avec le vice allégué. Le tribunal ne disposait par ailleurs d'aucune explication technique propre à l'éclairer sur la nature de la défectuosité alléguée et le mettre en mesure d'apprécier la caractérisation d'un vice caché au regard des dispositions de l'article 1641 du Code civil.

- Au surplus, la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre le vice caché allégué et les préjudices dont il était demandé réparation faisait manifestement défaut. En effet, l'action de l'association tendait exclusivement à obtenir réparation des préjudices liés à l'immobilisation des motos. Or cette immobilisation résultait de la seule campagne de rappel et de remplacement mise en œuvre par le constructeur à titre préventif. Sous couvert d'une action en réparation des dommages consécutifs à un vice caché, la présente action tendait donc à obtenir la réparation du préjudice occasionné par la campagne de rappel et de remplacement mise en œuvre par le constructeur. Une telle action ne pouvait pas prospérer, sauf pour l'association à prouver une faute du professionnel dans la mise en œuvre de ces actions. Cette faute n'est ni démontrée ni même alléguée par l'association dans le cadre de la présente action, exclusivement fondée sur la garantie des vices cachés.

L'association de consommateurs est en outre condamnée à verser 8 000 € au constructeur en remboursement de ses frais non compris dans les dépens (CPC art. 700).

A noter : 1. Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus (C. civ. art. 1641). Il appartient à l'acheteur de prouver que le vice affecte l'usage de la chose vendue (Cass. com. 3-5-1995 n° 95-20.564 : RJDA 11/95 n° 1224). Comme l'a relevé le tribunal judiciaire, les préjudices dont l'indemnisation était demandée dans la présente affaire étaient liés à l'immobilisation des véhicules, sans que l'existence du vice caché ne soit démontrée.

2. Le domaine de l'automobile donne régulièrement lieu à des décisions de justice retenant l'existence d'un vice caché. Ainsi a-t-il été jugé pour un dispositif d'allumage défectueux qui avait provoqué la destruction du véhicule par un incendie (Cass. 1e civ. 11-2-1997 n° 95-10.299 : D. 1997 p. 535), pour un bruit anormal dans le pont arrière d'un véhicule haut de gamme d'une marque de prestige (Cass. 1e civ. 7-3-2000 n° 97-17.511 : RJDA 5/00 n° 528), pour la perforation du bloc moteur provoquée par une bielle sur un véhicule acheté neuf un an auparavant (Cass. com. 16-1-2007 n° 05-16.482 : RJDA 4/07 n° 336) ou encore pour le dysfonctionnement d'un système d'injection ayant entraîné un dommage irrémédiable au moteur (Cass. 1e civ. 3-10-2019 n° 18-18.791 : RJDA 12/19 n° 746).

Sylvie BEAUVAIS

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 27206

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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