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Quel régime appliquer à un règlement intérieur modifié sur injonction de l’inspecteur du travail ?

Une modification d’un règlement intérieur sur injonction de l’inspecteur du travail n’a pas à être soumise à la consultation des représentants du personnel et n’a aucune incidence sur la date d’entrée en vigueur de ce règlement.

Cass. soc. 23-6-2021 n° 19-15.737 FS-B, Sté Schindler c/ S.


Par Sophie ANDRE
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©iStock

L'article L 1321-4 du Code du travail soumet la mise en œuvre d'un règlement intérieur à certaines formalités. Ce document ne peut être introduit dans l'entreprise qu'après avoir été soumis à l'avis du comité social et économique ; il doit indiquer la date de son entrée en vigueur et faire l'objet de mesures de publicité : dépôt au greffe du conseil de prud'hommes et diffusion auprès du personnel (C. trav. art. R 1321-1 et C. trav. R 1321-2) ; la date de son entrée en vigueur doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. Ce texte précise que ces formalités s'appliquent également en cas de modification ou de retrait de clause.

Il est jugé depuis longtemps qu'un règlement intérieur introduit ou modifié sans qu'il ait été procédé aux consultations ou aux formalités de publicité légalement imposées est privé d'effet à l'égard des salariés (notamment Cass. soc. 4-6-1969 n° 68-40.377 P ; Cass. soc. 11-2-2015 n° 13-16.457 FS-PB). Par exemple, dans ce cas, il ne peut pas être reproché à un salarié un manquement à des obligations édictées par le règlement (Cass. soc. 9-5-2012 n° 11-13.687 FS-PB) et les sanctions prévues par celui-ci ne peuvent pas être prononcées.

Mais qu’en est-il lorsque la modification du règlement intérieur est la conséquence d’une injonction de l’inspecteur du travail ? La Cour de cassation a récemment eu l’occasion d’aborder la question, mais dans le cadre d’un référé (Cass. soc. 26-6-2019 n° 18-11.230 FS-PB). Dans un arrêt du 23 juin 2021, la Haute Juridiction y apporte expressément des réponses.

Par ailleurs, elle se prononce sur la nature d’un règlement de sécurité rappelant la réglementation en vigueur et dont l’inobservation a fondé les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre d’un salarié : constitue-t-il ou non une adjonction au règlement intérieur soumis au même régime ?

Un salarié sanctionné à 3 reprises sur la base d’un règlement modifié

En l’espèce, un technicien de maintenance avait fait, entre 2014 et 2016, l’objet de 3 sanctions disciplinaires conformément à un règlement intérieur de l’entreprise entré en vigueur le 5 septembre 1983, et modifié en 1985, pour n’avoir pas respecté les règles de sécurité figurant dans un manuel de sécurité et une fiche de consigne.

Le salarié demandait l’annulation de ces sanctions disciplinaires. La cour d’appel lui a donné raison, jugeant notamment que le règlement intérieur était inopposable au salarié pour différents motifs.

Quel est le régime de la modification du règlement sur injonction de l’inspecteur du travail ?

La modification n’a pas à être soumise à consultation du CSE

L’employeur contestait, en premier lieu, l’annulation par les juges du fond des sanctions disciplinaires prises à l’encontre du salarié au motif que ces dernières auraient été prononcées sur le fondement de dispositions du règlement intérieur modifiées en 1985, sans avoir fait l’objet d’une consultation des instances représentatives du personnel. Le règlement intérieur était donc, selon la cour d’appel, inopposable au salarié.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision. Elle considère que la cour d’appel a violé le Code du travail dans la mesure où les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial, qui avait été, à l’époque, soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation.

A noter :

Ce faisant, la chambre sociale conforte la solution dégagée en référé, mais cette fois dans une analyse prononcée sur le fond (Cass. soc. 26-6-2019 n° 18-11.230 FS-PB précité).

Autrement dit, une modification sur injonction de l’inspecteur du travail ne constitue pas une modification au sens de l’article L 1321-4 du Code du travail justifiant la consultation du CSE.

L’absence de modification de la date d’entrée en vigueur du règlement est sans incidence

Le deuxième aspect de la question soumise à la Cour de cassation portait sur la date d’entrée en vigueur du règlement intérieur ainsi modifié.

La cour d’appel reprochait à l’employeur de ne pas avoir modifié formellement cette date à la suite de la modification intervenue en 1985, de sorte que celle-ci restait fixée au 5 septembre 1983.

Sur ce point, la Cour de cassation a d’abord rappelé que, selon le Code du travail, le règlement intérieur doit indiquer la date à partir de laquelle il entre en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. Ces formalités sont applicables en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur, sachant que les délais courent à compter de la dernière en date de ces formalités de dépôt ou de publicité (C. trav. art. L 1321-4 et C. trav. R 1321-3).

La Haute Juridiction censure ensuite la position des juges d’appel : l’employeur ayant bien effectué les formalités de publicité et de dépôt requises, le règlement intérieur était entré en vigueur après la dernière date d’accomplissement de ces formalités.

A noter :

Sur ce point, la Cour de cassation n’est pas très explicite puisqu’elle évoque uniquement les formalités, sans préciser s’il s’agit de celles liées au règlement initial ou au règlement modifié.

Quel est le régime juridique d’un document se bornant à reprendre la réglementation ?

Dans un tout autre registre, la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur le sort d’un règlement de sécurité et sur le régime juridique qui lui était applicable.

En effet, la cour d’appel reprochait à l’employeur de s’être appuyé sur des règlements de sécurité – un manuel de sécurité agence et une fiche consignes de sécurité – pour sanctionner le salarié alors que ces documents constituaient, selon elle, des adjonctions au règlement intérieur, devant être soumis à la consultation des représentants du personnel, en application de l’article L 1321-5 du Code du travail, ce qui n’avait pas été le cas.

Toutefois, la cour d’appel s’était bornée à cette constatation sans la justifier.

Pour la Cour de cassation, ce raisonnement était insuffisant. Elle rappelle que :

  • le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe, notamment, les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement ;

  • les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières couvertes par un règlement intérieur sont, lorsqu’il existe un tel règlement, considérées comme des adjonctions à celui-ci, soumises à ce titre au même régime ;

  • le document interne par lequel l’employeur se borne à rappeler les dispositions législatives et réglementaires applicables dans l’entreprise en matière de sécurité ne crée pas de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés et ne constitue donc pas une adjonction au règlement intérieur, de sorte que l’employeur n’est pas tenu aux formalités de consultation et de publicité rappelées plus haut.

Les juges du fond auraient donc dû, en l’espèce, rechercher si le manuel de sécurité agence et la fiche de sécurité créaient de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés. Dès lors, l’arrêt est privé de base légale sur ce point.

A noter :

Cette position est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle, les notes de service ou tout autre document – tels des règlements de sécurité – sont assimilés au règlement intérieur, et donc soumis aux mêmes règles d'élaboration, s’ils portent prescriptions générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur, par exemple en matière d'hygiène, de sécurité et de discipline (CE 27-7-2005 n° 254600).

Il en va différemment si la note de service ne comporte que des informations sur le fonctionnement général d’un service de l’entreprise ou si elle se borne à préciser une modalité d’application du règlement intérieur (CE 12-11-1990 n° 96721  ; Cass. soc. 7-10-1992 n° 89-45.283 P). Elle n’est, dans ce cas, pas considérée comme une adjonction à celui-ci.

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