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Responsabilité parentale : précisions sur le champ d’application du règlement Bruxelles II bis

La règle de compétence générale en matière de responsabilité parentale est applicable à un litige impliquant un État membre et un État tiers. Pour autant, la résidence habituelle de l’enfant ne saurait être fixée dans un État membre dans lequel il ne s’est jamais rendu.

CJUE 17-10-2018 aff. 393/18


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Une femme de nationalité bangladaise s’installe avec son époux de nationalité britannique au Royaume-Uni en juillet 2016, munie d’un visa pour conjoint étranger, après qu’ils se sont mariés en 2013 au Bangladesh. En décembre 2018, enceinte à un stade avancé, accompagnée de son mari, elle se rend à nouveau au Bangladesh où elle accouche en février 2017. Le mari retourne seul au Royaume-Uni début 2018.

La mère de l’enfant introduit alors un recours devant la juridiction britannique afin que l’enfant soit placé sous la protection de cette juridiction et que soit ordonné son retour au Royaume-Uni ainsi que celui de l’enfant en vue de participer à la procédure. En jeu, la compétence de cette juridiction, défendue par la mère, l’enfant ayant prétendument sa résidence habituelle au Royaume-Uni à la date à laquelle elle a été saisie (Règl. CE 2201/2003 du 27-11-2003 art. 8, 1). Aux dires de l’épouse, c’est sous la contrainte de son mari que leur enfant est né et réside au Bangladesh. L’enfant aurait dû naître et avoir sa résidence habituelle au Royaume-Uni.

Ce litige amène la juridiction britannique à mettre en œuvre le règlement CE 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « règlement Bruxelles II bis ».

À cette occasion, deux questions préjudicielles sont posées à la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne).

Sur la question de la compétence de la Cour, les Hauts Magistrats luxembourgeois relèvent que la règle de compétence générale prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement en matière de responsabilité parentale est susceptible de s’appliquer à des litiges impliquant des rapports entre les juridictions d’un seul État membre et celles d’un pays tiers et non pas uniquement des rapports entre des juridictions relevant de plusieurs États membres. La Cour est donc compétente pour répondre aux questions posées.

Sur la question de fond, l’enfant doit-il avoir été physiquement présent dans un État membre pour qu’il puisse être considéré comme y résidant habituellement (Règl. CE 2201/2003 du 27-11-2003 art. 8, 1) ? Après avoir constaté que le règlement ne définit pas la notion de « résidence habituelle », la Haute Juridiction précise que cette notion doit être interprétée en ce sens qu’une présence physique dans l’État membre dans lequel l’enfant est prétendument intégré est une condition nécessairement préalable à l’évaluation de la stabilité de cette présence. La résidence habituelle ne saurait être fixée dans un État membre dans lequel l’enfant ne s’est jamais rendu. Ni la contrainte exercée par le père sur la mère ayant pour conséquence que la mère a accouché de leur enfant dans un État tiers et y réside avec l’enfant depuis la naissance de celui-ci, ni l’atteinte aux droits fondamentaux de la mère ou de l’enfant, à supposer ces circonstances établies, n’ont d’incidence à cet égard.

A noter : Sur la notion de résidence habituelle de l’enfant, la CJUE, dans cette affaire, fait œuvre de pédagogie tout en continuant à en forger la définition. Elle rappelle que le critère de proximité doit être privilégié (Règl. CE 2201/2003 du 27-11-2003, considérant 12). Pour ce faire, outre la présence physique de l’enfant dans un État membre, il doit être tenu compte d’autres facteurs justifiant qu’il ne s’agit pas d’une présence temporaire ou occasionnelle (notamment, CJUE 2-4-2009 aff. 523/7, point 38 ; CJUE 28-6-2018 aff. 512/17, point 41).

La Haute Juridiction a déjà eu à juger que la détermination de la résidence habituelle d’un enfant dans un État membre donné exige à tout le moins que l’enfant ait été physiquement présent dans cet État membre (CJUE 15-2-2017 aff. 499/15, point 61). Elle confirme ici sa position en précisant que ne sauraient être pris en compte, s’ils étaient établis, le comportement répréhensible de l’un des parents, voire une violation des droits fondamentaux de l’enfant ou de l’autre parent, pour admettre de fixer la résidence habituelle de l’enfant dans un État dans lequel il ne s’est jamais rendu.

Caroline CROS

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Famille n° 73159

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne