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Sanctions du remboursement fautif de son compte courant par le dirigeant d'une société en difficulté

Le remboursement de son compte courant par le gérant d'une société mise par la suite en liquidation judiciaire peut justifier sa condamnation à combler le passif même si les comptes bancaires de la société sont créditeurs d'une somme supérieure au montant de ce remboursement.


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©iStock

Cass. com. 20-10-2021 n° 20-15.736 F-D

La Cour de cassation a rendu le même jour deux décisions illustrant les sanctions encourues par le dirigeant d'une société qui se fait rembourser son compte courant alors que la société rencontre de graves difficultés financières.

I. Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, décider que son montant sera supporté, en tout ou en partie, par les dirigeants ayant contribué à la faute (C. com. art. L 651-2, al. 1).

Le gérant d'une SARL procède au remboursement de son compte courant et, quelques mois après, la société est mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur le poursuit alors en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Une cour d'appel écarte toute faute de gestion, relevant que les comptes bancaires de la société étaient créditeurs d'une somme supérieure au montant du remboursement lors de celui-ci.

Cassation de cette décision : ce motif était insuffisant pour exclure la faute du gérant, auquel il était reproché d'avoir remboursé son compte courant en parfaite connaissance des difficultés financières de la société pour privilégier sa situation personnelle.

Cass. com. 20-10-2021 n° 20-11.095 F-D

II. Dans une autre affaire, le dirigeant d'une société s'était également fait rembourser son compte courant, d'un montant de plus de 34 000 €, avant l'ouverture d'une liquidation judiciaire contre la société.

Pour prononcer sa faillite personnelle, les juges du fond avaient retenu que le remboursement avait été opéré alors que la société n'avait plus d'activité, qu'elle avait un passif très important et que, nonobstant l'acquittement partiel des dettes sociales par le dirigeant, celui-ci ne pouvait pas ignorer que ce remboursement allait précipiter la chute de la société, qui n'avait plus de rentrées d'argent, et entraîner de manière inéluctable la cessation des paiements.

La Haute Juridiction censure également cette décision. L'avance en compte courant consentie par un associé à une société étant, sauf stipulation contraire, remboursable à tout moment, son remboursement constitue dès lors le paiement d'une dette de la société et ne peut pas être qualifié de détournement d'actif justifiant le prononcé d'une faillite personnelle (C. com. art. L 653-4, 5°). En revanche, une telle sanction peut être prononcée contre un dirigeant ayant payé ou fait payer un créancier au préjudice des autres créanciers, pourvu que le paiement soit intervenu après la cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci (C. com. art. L 653-5, 4°).

Par suite, le remboursement du compte courant étant en l'espèce intervenu avant la date de cessation des paiements de la société, il ne pouvait constituer ni un détournement d'actif ni un paiement préférentiel permettant le prononcé d'une mesure de faillite personnelle contre le dirigeant.

A noter :

Sauf convention ou clause statutaire contraire, un associé peut demander à tout moment le remboursement de son compte courant (Cass. com. 24-6-1997 n° 95-20.056 P : RJDA 11/97 n° 1349 ; Cass. 3e civ. 3-5-2018 n° 16-16.558 F-D : RJDA 7/18 n° 577). En principe, la société ne peut pas invoquer une situation financière difficile pour s'y opposer (CA Paris 24-2-2015 n° 13/20394 : RJDA 5/15 n° 343 ; CA Aix-en-Provence 6-7-2017 n° 15/05231 : RJDA 11/17 n° 720) ni limiter le remboursement au montant que peut supporter sa trésorerie (Cass. com. 8-12-2009 n° 08-16.418 F-D : RJDA 3/10 n° 246).

Le dirigeant peut cependant, dans certaines circonstances, être condamné à combler le passif social pour avoir remboursé son compte courant. Même si la jurisprudence est rare en la matière, il a été jugé que constitue une faute de gestion le fait pour un gérant associé de faire passer ses intérêts avant ceux de la société en prélevant les fonds de son compte courant pour acquérir en propre un bien immobilier (Cass. com. 1-7-2008 n° 07-16.215 F-D : RJDA 11/08 n° 1123) ou en se faisant rembourser son compte courant alors qu'il ne pouvait ignorer que ce remboursement allait placer la société dans une situation financière difficile et compromettre son activité future (CA Rouen 9-10-1997 n° 95-4725 : RJDA 5/98 n° 632) ou alors qu'il savait inéluctable la déclaration de cessation des paiements et qu'il connaissait le risque que la société doive une somme d'argent à un tiers dans le cadre d'un contentieux (Cass. com. 24-5-2018 n° 17-10.119 F-D : RJDA 8-9/18 n° 665). 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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