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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Rupture du contrat de travail

Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation

Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.


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©Gettyimages

Exécution du contrat

  • Les dossiers et fichiers créés par le salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il en résulte que la production en justice de fichiers n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du Code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve. Une cour d'appel ne peut pas rejeter des débats les pièces litigieuses, qui proviennent de l'agenda électronique de la salariée, disponible sur son ordinateur professionnel, sans rechercher si ces pièces ont été identifiées comme étant personnelles par leur auteur (Cass. soc. 9-11-2022 n° 20-18.922 F-D).

  • L'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-13.224 F-D).

  • Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. Ayant constaté que le licenciement était, en partie, fondé sur le comportement critique du salarié et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur le partage de la valeur « fun and pro » mais aussi l'incitation à divers excès, qui participent de sa liberté d'expression et d'opinion, sans qu'un abus dans l'exercice de cette liberté ne soit caractérisé, la cour d'appel ne pouvait pas le débouter de sa demande d'annulation du licenciement (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-15.208 F-D).

Paie

  • Selon l'article L 137-11-1 du CSS, dans sa rédaction issue de la loi 2011-1978 du 28 décembre 2011, les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire dont le taux est fixé, par les 4e et 8e alinéas, à 14 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 000 € et inférieure ou égale à 24 000 € par mois et, par les 5e et 9e alinéas, à 21 % pour la part de ces rentes supérieure à 24 000 € par mois. Dans sa décision 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les 5e et 9e alinéas de l'article L 137-11-1 et, aux 4e et 8e alinéas, les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 € par mois. » Rappelant que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, le Conseil constitutionnel a dit que l'article 3 de la loi de finances pour 2013 qui lui était déférée, instaurant une nouvelle tranche marginale d'imposition sur les revenus de 45 %, affectait le domaine d'application des dispositions de l'article L 137-11-1 du CSS. Il a considéré, en effet, que le taux marginal maximal d'imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies était porté, par suite de la modification prévue par l'article 3 et après prise en compte de la déductibilité d'une fraction de la CSG ainsi que d'une fraction de la contribution prévue par l'article L 137-11-1 du CSS de l'assiette de l'impôt sur le revenu, à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013, que ce nouveau niveau d'imposition faisait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et qu'il était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. Il en a déduit que pour remédier à l'inconstitutionnalité tenant à la charge excessive au regard des facultés contributives de certains contribuables percevant des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies, les dispositions susvisées devaient être déclarées contraires à la Constitution. À défaut de report dans le temps de ses effets, la déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la publication de la décision. Il en résulte que les dispositions censurées ne s'appliquent pas aux rentes perçues en 2012 et soumises au nouveau barème d'imposition prévu par l'article 3 de la loi de finances pour 2013 (Cass. 2e civ. 10-11-2022 n° 21-14.664 F-B).

  • L' AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Une cour d’appel ne saurait donc décider que l' AGS n'a pas à garantir les sommes dues à la salariée au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 21 février 2017, alors qu'elle fixait au passif de la liquidation judiciaire une indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et une créance de salaires et de congés payés afférents pour une période antérieure au 21 février 2017 (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-10.551 F-D).

  • Il résulte de l'article L 3243-2 du Code du travail que, lorsque l'employeur est condamné au versement d'un rappel de salaire dû sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les articles R 3243-1 et suivants et qu'il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l'objet d'un versement unique. Après avoir constaté qu'une précédente décision avait ordonné à la société de régulariser la situation de la salariée auprès de l'organisme de retraite des cadres et de lui remettre des bulletins de paie conformes, la cour d’appel a relevé que l'intéressée justifiait que la délivrance à l'occasion de chacun des versements effectués pour régulariser la situation, de deux bulletins de salaire qui cumulaient le montant des salaires dus sur plusieurs années, l'avait empêchée de faire valoir l'intégralité de ses droits auprès de l'organisme de retraite concerné. Elle en a déduit qu'en raison du refus de la société de lui délivrer les éléments permettant un calcul exact de ses droits à la retraite, la salariée avait ainsi subi une perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète et en a souverainement apprécié l'étendue (Cass. soc. 9-11-2022 n° 20-21.856 F-D).

  • L'employeur n'est subrogé dans les droits du salarié aux indemnités journalières de la sécurité sociale que dans les limites des sommes qu'il a effectivement versées à l'intéressé au titre de la garantie de rémunération dont celui-ci bénéficie pendant ses absences pour maladie ou accident. Une cour d’appel ne saurait donc débouter la salariée de sa demande en paiement de certaines sommes au titre du complément de salaire et des congés payés afférents sur son maintien du salaire durant sa période de maladie sans rechercher si l'employeur n'avait pas perçu de la caisse de sécurité sociale et de l'organisme Humanis des indemnités journalières et prestations de prévoyance de la salariée pour un montant supérieur à celui des sommes qu'il avait versées à la salariée dans le cadre de son droit au maintien du salaire (Cass. soc. 9-11-2022 n° 20-22.222 F-D).

Rupture du contrat

  • Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision. Dès lors que la décision de relaxe devenue définitive dont a bénéficié le salarié, poursuivi pour avoir exercé des violences volontaires sur son collègue, était motivée par le fait qu'il n'était pas possible d'apprécier le déroulement exact des faits et l'origine de l'altercation ayant opposé, sur le lieu de travail, l'intéressé à son collègue au cours de laquelle ce dernier avait été blessé, la cour d'appel ne pouvait pas dire le licenciement fondé sur une faute grave (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-17.563 F-D).

  • Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Sont tirés de la vie personnelle du salarié et ne sont pas susceptibles de constituer un tel manquement les faits de vols de chèques, falsification et usage de chèques falsifiés ou contrefaits au préjudice de son ancien compagnon qui, ayant fait l'objet d'une condamnation pénale définitive, ont été commis en dehors du temps et du lieu de travail et sans que l'intéressé n'utilise les moyens mis à sa disposition par la banque qui l'emploie (Cass. soc. 9-11-2022 n° 20-23.172 F-D).

  • Une cour d'appel ne peut pas décider que le salarié n'a pas commis de faute grave en transférant plus de 250 mails professionnels sur sa messagerie personnelle après réception de sa convocation à un entretien préalable au licenciement sans rechercher si l'intéressé établissait que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à son employeur à l'occasion de son licenciement (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-18.577 F-D).

Représentation du personnel

  • Les élections partielles se déroulent dans les conditions fixées à l'article L 2314-29 du Code du travail pour pourvoir tous les sièges vacants dans les collèges intéressés, sur la base des dispositions en vigueur lors de l'élection précédente. Le tribunal judiciaire, qui a relevé que le syndicat avait présenté, en vue des élections partielles des membres du CSE de la société, des listes incomplètes composées de quatre hommes et constaté que ces listes comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de femmes et d'hommes figurant dans le protocole d'accord préélectoral établi pour les élections initiales en a déduit à bon droit qu'il convenait d'annuler l'élection du dernier élu du sexe surreprésenté (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-60.183 F-B).

  • Aux termes de l'article L 2143-3, alinéa 4, du Code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux. Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L 2313-2 du Code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L 2143-3 précité. Il appartient au syndicat qui se prévaut de la persistance du caractère distinct d’un établissement au sens de ces dispositions d’en apporter la preuve (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-20.525 F-B).

  • Les conditions d'ancienneté dans l'entreprise pour être électeur et éligible s'apprécient à la date du premier tour du scrutin. Si un protocole préélectoral ou une convention collective peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées la loi, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces conditions. Le tribunal qui a retenu que l'article III.1.2 de la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles prévoyait que sont électeurs les salariés en contrat à durée déterminée qui ont été sous contrat de travail dans l'entreprise de manière continue ou discontinue 55 jours dans l'année civile qui précède l'année des élections, et constaté que le premier tour des élections avait eu lieu le 31 janvier 2020, que les neuf salariés en cause avaient tous travaillé, aux termes du registre du personnel versé aux débats par l'employeur, plus de 55 jours en 2019, a jugé à bon droit que l'exclusion de ces salariés de la liste électorale publiée le 8 juin 2021 en vue du second tour qui s'est tenu le 5 juillet 2021 était irrégulière et que cette exclusion avait nécessairement eu une incidence sur les résultats du scrutin, une seule voix séparant le candidat élu du candidat battu, justifiant ainsi l’annulation du second tour de l’élection (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-23.301 F-D).

  • Le temps passé par les membres de la délégation du personnel au comité social et économique à l'exercice de leur droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes s'impute sur leur crédit d'heures de délégation (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-16.230 F-D).

Contrôle - contentieux

  • Il n'appartient qu'à la juridiction de l'ordre administratif de se prononcer sur une demande de retrait et de déclaration d'inopposabilité à l'ensemble des salariés concernés d'un établissement public industriel et commercial d'une note de service du directeur général relative à l'exercice du droit de grève d'une partie du personnel durant les périodes d'astreinte, laquelle constitue un acte réglementaire relatif à l'organisation du service public. En retenant que la note de service prise par un organisme privé chargé d'une mission de service public constitue par nature un acte administratif dont la légalité relève de l'appréciation du juge administratif, mais que la violation alléguée de l'accord de branche par cette note de service relève de la compétence du juge judiciaire, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants tirés du fondement juridique de la demande (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-19.598 F-B).

  • La cour d'appel a fait ressortir que la société n'avait pas eu recours abusivement à l'activité partielle sur la période considérée dès lors qu'elle relève que les témoignages de salariés affirmant avoir été obligés de travailler à temps plein sous peine de sanction ainsi que les courriels envoyés par un salarié postérieurement à l'horaire de fin de journée ne permettaient pas de remettre en cause le bien-fondé de la mesure d'activité partielle mise en oeuvre  avec l'acceptation préalable de l'administration, ainsi qu'avec l'avis favorable du représentant du personnel, lequel n'avait pas réagi, et que les salariés n'avaient pas alerté l'inspection du travail (Cass. soc. 9-11-2022 n° 20-16.542 F-D).

  • Ayant constaté que la juridiction administrative était déjà saisie d'un recours en annulation contre la décision administrative d'autorisation du transfert du contrat de travail du représentant du personnel, la cour d'appel a justement énoncé qu'il ne lui appartenait pas de remettre en question cette décision et a pu retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du refus de la société cessionnaire de la respecter, peu important l'existence du recours administratif dépourvu d'effet suspensif (Cass. soc. 9-11-2022 n° 21-14.505 F-D).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne