Le propriétaire d’une parcelle cadastrée assigne ses voisins en reconnaissance par prescription trentenaire de l’existence d’une servitude de passage qui traverse leur terrain. La cour d’appel de Bordeaux rejette sa demande au motif que le passage n’est pas situé sur des terrains issus de la division foncière, quand bien même le chemin existe depuis plus de 30 ans. Elle retient ainsi que l’usage trentenaire ne permet pas de déroger à l’article 684 du Code civil qui impose que l’enclave soit reconnue seulement sur des terrains issus de la division.
Censure de la Cour de cassation. La Haute Juridiction rappelle que l’usage continu pendant 30 ans d’un chemin de passage rend inapplicable l’article 684. Elle réaffirme ainsi sa jurisprudence constante : l’assiette du passage est celle acquise par prescription, peu importe qu’elle soit située sur un fonds non issu de la division. Les Hauts Magistrats sanctionnent, en outre, l’insuffisance de motivation des juges du fond, qui n’ont pas examiné plusieurs pièces versées aux débats (attestations, acte de vente, procès-verbal, plans cadastraux, etc.) pourtant jugées convaincantes en première instance.
A noter :
La loi accorde au propriétaire d'un immeuble enclavé le droit de réclamer l'institution d'une servitude de passage sur les terrains voisins, lui permettant d'obtenir un accès suffisant à la voie publique (C. civ. art. 682). Ordinairement, ce droit légal de passage pour cause d'enclave peut être institué sur n'importe quel terrain avoisinant l'immeuble enclavé, dès lors qu'il assure le trajet le plus court et le moins dommageable pour les propriétaires grevés (C. civ. art. 683). Toutefois, lorsque l'enclavement résulte d'une division foncière opérée en vue d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage doit être institué prioritairement sur les terrains issus de la division (C. civ. art. 684). Pour autant, lorsque l’assiette du passage résulte d’un usage trentenaire, ce principe peut être écarté (Cass. 3e civ. 19-3-2003 n° 01-00.855 : Bull. civ. III n° 69). C'est ce que rappelle le présent arrêt de cassation, qui sanctionne une interprétation trop rigide par la cour d’appel de Bordeaux de l’article 684 du Code civil, au détriment de la prescription acquisitive prévue à l’article 685 énonçant que « l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par 30 ans d'usage continu » (C. civ. art. 685).







