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Pas de vue sur un mur mitoyen sans accord express du propriétaire

L’un des voisins ne peut, sans le consentement de l’autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

Cass. 3e civ. 10-4-2025 n° 24-11.598 F-D


Par Mathilde Sourbet
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@Getty images

Le propriétaire d’un appartement situé en rez-de-chaussée d’une copropriété et syndic bénévole de cette copropriété reproche à son voisin d’avoir remplacé, sur le mur mitoyen donnant sur son appartement et la cour attenante commune dont il a la jouissance privative, des jours translucides par des fenêtres transparentes et coulissantes et empiétant sur son fonds.

Agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de syndic, le propriétaire assigne son voisin copropriétaire en remplacement des verres clairs par des verres en fer maillé, en remplacement des huisseries extérieures par un ouvrage à châssis fixe et verres dormants et en suppression de tout empiétement de l’ouvrage sur le fonds de la copropriété. Le voisin lui oppose que la verrière a simplement été remplacée par des menuiseries modernes sans modifier pour autant l'emplacement et la dimension des ouvertures préexistantes. Il se prévaut également d’une servitude de vue acquise par prescription trentenaire au regard de son acte notarié attestant l’ancienneté de l’immeuble. 

La cour d’appel rejette toutes les demandes du propriétaire syndic. Censure de la Cour de cassation. Au regard du principe qu’un voisin ne peut pas, sans le consentement de l’autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit même à verre dormant (C. civ. art. 675), les juges du fond ne peuvent pas caractériser le consentement du propriétaire à la mise en œuvre des ouvrages dans le simple fait qu’il a été associé aux travaux entrepris et ne s’y est pas opposé avant leur réalisation. Par ailleurs, la Haute Juridiction relève que, pour reconnaître la servitude de vue par prescription trentenaire, les juges du fond auraient dû constater qu’un vitrage transparent permettait depuis l’origine l’exercice de la vue en précisant la date à partir de laquelle le délai trentenaire de prescription acquisitive de la vue avait couru. Faute de ces éléments, l’arrêt d’appel est cassé.

A noter :

La copropriété d’un mur mitoyen ne confère à aucun des indivisaires la faculté de pratiquer des ouvertures dans le mur sauf si un accord est conclu entre les voisins (C. civ. art. 675). Cette disposition est donc applicable de la même manière à la création de vues ou de jours. La prohibition est susceptible d'être écartée soit par un accord effectif et opposable, soit par l'acquisition d'une servitude de vue obtenue par le jeu de la prescription trentenaire (CA Toulouse 1e ch. 20-2-2012 n° 11/00093). Sont qualifiés de « vue » par l'article 678 du Code civil, les fenêtres, balcons et autres semblables saillies donnant sur le fonds voisin. Cette énumération n'est pas limitative et les juges peuvent y inclure d'autres types d'ouverture, en fonction de leurs caractéristiques. Tous les ouvrages permettant effectivement de regarder sur le fonds voisin, sans effort particulier, de manière constante et normale, peuvent être qualifiés de vue.

Le juge dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation pour valider ou non l’aménagement réalisé. Pour éviter que les contraintes édictées par le Code civil ne s'appliquent de manière rigide et inadaptée, notamment au regard des nouveaux équipements et matériaux disponibles, les juges acceptent certains aménagements, soit directement, soit en relevant qu'ils ne peuvent être assimilées ni à des jours ni à des vues. Ainsi, des ouvertures ont échappé aux contraintes légales, comme des parois constituées de pavés de verres scellés dans le mur ne permettant pas de discerner les contours des objets (Cass. 3e civ. 11-4-2012 n° 11-14.161 ; Cass. 3e civ. 7-5-2014 n° 12-29.901 F-D) ou encore un vasistas constitué de verre martelé non transparent, barreaudé et garni d’une moustiquaire (CA Aix-en-Provence 14-11-1995 n° 473 : Bull. Aix 1995-2 p. 294).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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