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Le survivant, attributaire de toute la communauté, doit payer le prêt souscrit par son conjoint

L’épouse, mariée en communauté universelle avec attribution intégrale au survivant, qui reçoit toute la communauté au décès de son mari doit payer l’emprunt contracté par le défunt dès lors qu’il n’est pas démontré que ce dernier l’avait souscrit dans son intérêt exclusif.

Cass. 1e civ. 5-12-2018 n° 16-13.323 FS-PBI


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Initialement mariés sous le régime légal allemand, des époux adoptent en 2006 le régime de la communauté universelle pour tous leurs biens immeubles en France, présents et à venir. Par la suite, le mari souscrit seul un emprunt de 80 000 €. Il décède sans l’avoir remboursé. Le créancier obtient la condamnation de la veuve au motif qu’il s’agit d’une dette commune. Celle-ci, à l’appui de son pourvoi, fait valoir que chacun des époux communs en biens ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre (C. civ. art. 1415).

La Cour de cassation confirme la condamnation en s’appuyant sur les articles 1409 et 1524 du Code civil.

Selon le premier texte, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et de celles résultant d’un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre qui doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel.

Et il résulte du second que l’attribution de la communauté entière en cas de survie oblige l’époux qui en retient la totalité d’en acquitter toutes les dettes.

En l’espèce, rien ne démontrait que la dette avait été contractée dans l’intérêt exclusif de l’époux prédécédé et la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant a été mise en œuvre du fait du décès ; la veuve, qui a reçu la totalité de la communauté en propriété, était donc tenue de la dette entrée en communauté du chef de son conjoint.

 A noter : C’est un revirement de jurisprudence.

La Cour de cassation avait jugé l’article 1415 du Code civil impératif et applicable aux époux mariés sous un régime de communauté universelle (Cass. 1e  civ. 3-5-2000 n° 97-21.592 : Bull. civ. I n° 125). Elle avait admis qu’en vertu de ce texte, le conjoint survivant, attributaire de l’intégralité de la communauté, ne pouvait pas être tenu de payer, sur les biens communs, l’emprunt ou la caution souscrit par le défunt ; elle avait ainsi censuré une cour d’appel qui avait condamné la veuve au motif que celle-ci s’était vu attribuer l’ensemble de l’actif et du passif de communauté (Cass. 1e civ. 28-1-2003 n° 133 F-D : RJDA 8-9/03 n° 880).  Les Hauts magistrats avaient par la suite confirmé leur solution, toujours au profit d’un conjoint survivant attributaire de l’intégralité d’une communauté universelle (Cass. 1e civ. 5-10-2016 n° 15-24.616 FS-PB : Sol. Not. 12/16 inf. 236, Defrénois 2017 p. 367 obs. G. Champenois).

Par la présente décision, ils reviennent sur leur position en s’appuyant sur :- les règles de contribution à la dette (C. civ. art. 1409). L’emprunt (ou la caution) conclu durant le mariage incombe à titre définitif à la communauté s’il n’a pas été souscrit dans l’intérêt personnel de l’époux engagé (Cass. 1e civ. 19-9-2007 n° 05-15.940 : Bull. civ. I n° 278 ; Cass. 1e civ. 17-10-2018 n° 17-26.713 F-PB : SNH 35/18 inf. 4). L’article 1415, que la Cour de cassation décide ne pas appliquer ici, régit quant à lui l’obligation à la dette ;
- le principe de corrélation entre actif reçu et passif dû en cas d’attribution intégrale de la communauté (C. civ. art. 1524). Ce principe vaut tant pour l’obligation à la dette que pour la contribution.

Ce dernier article visé conduit à penser que la limitation du jeu de l’article 1415 décidée par la Cour de cassation est circonscrite au cas où le survivant reçoit l’intégralité de la communauté. La Haute cour ne s’est pas fondée sur l’article 1526 qui affirme la corrélation actif-passif pour toute communauté universelle. Ainsi, il nous semble que durant le fonctionnement d’une communauté universelle, le prêteur ne pourrait pas saisir les biens communs en vertu de l’article 1415 du Code civil (et faute de consentement d’un époux à l’emprunt souscrit pas son conjoint). Mais il n’est pas privé de tout gage : il peut saisir les revenus de son débiteur et, à titre résiduel, ses biens propres. En cas de dissolution d’une communauté universelle, les biens communs devenus indivis resteraient, là encore, hors du gage du créancier. Mais ce dernier peut provoquer le partage et se payer sur les biens dont son débiteur est alloti. Ce n’est que lorsque le conjoint survivant reçoit l’intégralité de la communauté qu’il doit prendre en charge, à titre définitif, tout le passif commun y compris, donc, la dette d’emprunt du défunt. La protection du conjoint survivant s’en trouve affaiblie. Mais jusqu’ici, c’était le créancier qui était totalement démuni.

En tout état de cause, c’est un élément nouveau et important à mettre dans la balance lorsque des époux envisagent d’adopter un tel régime.

Florence GALL-KIESMANN

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 242

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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