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Suspension abusive du contrat de travail du salarié inapte : attention à la résiliation judiciaire !

Maintenir délibérément un salarié déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail en inactivité forcée au sein de l’entreprise sans évolution possible constitue un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Cass. soc. 4-11-2021 n° 19-18.908 F-D, Sté Présent c/ F.


Par Valérie DUBOIS
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©iStock

Le refus du salarié d'accepter un poste n'implique pas, à lui seul, le respect de son obligation de reclassement par l'employeur (Cass. soc. 29-11-2006 n° 05-43.470 F-PB : RJS 2/07 n° 265 ; Cass. soc. 18-3-2020 n° 18-26.114 F-D : RJS 6/20 n° 280) et ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 26-1-2011 n° 09-43.193 FS-PB : RJS 4/11 n° 286 ; Cass. soc. 23-5-2017 n° 16-13.222 F-D : RJS 8-9/17 n° 556). L'employeur doit en tirer les conséquences en lui faisant de nouvelles propositions de reclassement ou, en cas d'impossibilité, en procédant à son licenciement (Cass. soc. 18-4-2000 n° 98-40.314 PB : RJS 6/00 n° 659 ; Cass. soc. 9-4-2002 n° 99-44.192 FS-PB : RJS 7/02 n° 807).

Dans un arrêt du 4 novembre 2021, la Cour de cassation répond à la question de savoir si le fait pour un employeur de ne pas tirer les conséquences du refus par un salarié déclaré inapte par le médecin du travail d’accepter plusieurs propositions de reclassement peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.

Le salarié déclaré inapte doit être reclassé ou licencié en cas d’impossibilité de reclassement

En l’espèce, un salarié placé en arrêt de travail saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, avant d’être déclaré inapte près d’un an et demi après. L’employeur lui fait alors 5 propositions de postes de reclassement en télétravail qu’il refuse. Sans en tirer aucune conséquence, l’employeur se contente de poursuivre le versement des rémunérations auquel il est légalement tenu.

A noter :

On rappellera que l’article L 1226-4 du Code du travail prévoit que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur doit lui verser, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Pour l’application de ce texte, la Cour de cassation considère que le salarié n’ayant pas fait l’objet d’un reclassement ou d'un licenciement dans le délai d’un mois peut soit se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter la condamnation de l'employeur au paiement des salaires, soit faire constater la rupture du contrat pour manquement de l'employeur à cette obligation, cette rupture devant alors s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 11-7-2000 n° 98-45.471 FS-P : RJS 11/00 n° 1080 ; Cass. soc. 29-9-2004 n° 02-43.746 F-PB : RJS 12/04 n° 1273). Elle a également jugé que la reprise par l'employeur du paiement des salaires ne le dispense pas de son obligation de reclassement (Cass. soc. 3-5-2006 n° 04-40.721 FS-PB : RJS 7/06 n° 830 ; Cass. soc. 26-1-2011 n° 09-72.012 F-D : RJS 4/11 n° 317).

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La cour d’appel ayant prononcé la résiliation du contrat de travail du salarié à ses torts, l’employeur se pourvoit en cassation. Pour sa défense, il fait valoir qu’il n’était pas tenu de rompre le contrat de travail. Il argue, en outre, que devant le refus injustifié du salarié de ses 5 propositions de reclassement, jamais remises en cause par le médecin du travail qui a été destinataire de chacune d’elles, mieux valait continuer à verser son salaire au salarié jusqu’à sa retraite.

L’inaction de l’employeur justifie la résiliation du contrat de travail du salarié inapte à ses torts

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et approuve la décision des juges du fond d’avoir sanctionné l’inaction de l’employeur.

Elle considère en effet que la cour d’appel a énoncé à bon droit, dans la lignée de la jurisprudence rappelée ci-dessus, qu’en cas de refus du poste de reclassement proposé au salarié déclaré inapte, il appartenait à l’employeur de tirer les conséquences du refus du salarié, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé aux motifs de l’impossibilité de reclassement, la reprise du paiement des salaires, à laquelle il est tenu en application de l’article L 1226-4 du Code du travail, ne le dispensant pas de l’obligation qui lui était faite de proposer un poste de reclassement.

Dès lors, l’employeur ayant maintenu délibérément le salarié dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise sans aucune évolution possible, la cour d’appel ne pouvait qu’en déduire que ce comportement consistant à suspendre abusivement le contrat de travail du salarié constituait un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

A noter :

Cette décision est à rapprocher d’un précédent arrêt qui avait été rendu par la Cour de cassation dans une affaire où une salariée qui avait été déclarée inapte à son emploi par le médecin du travail partait en congé de maternité moins de 10 jours après l’expiration du délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le paiement des salaires. Ce dernier, plutôt que de tenter de la reclasser immédiatement pour une durée très brève ou de la licencier, avait préféré différer le reclassement au retour du congé de maternité tout en reprenant, dès le terme du délai légal d’un mois, le versement du salaire. La Cour de cassation avait jugé que l’employeur avait manqué à ses obligations en s’abstenant de reclasser ou de licencier la salariée, peu important qu’elle ait dû partir en congé de maternité peu de temps après. La résiliation judiciaire du contrat de travail avait été prononcée aux torts de l’employeur (Cass. soc. 26-1-2011 n° 09-72.012 F-D : RJS 4/11 n° 317).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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