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La suspension provisoire du notaire était - et reste - une mesure de sûreté conservatoire temporaire

La suspension provisoire du notaire de ses fonctions est une mesure de sûreté conservatoire qui ne relève pas du régime des sanctions disciplinaires. Sa durée n’est pas limitée à un mois dès lors que des poursuites pénales ont été engagées, même avant la suspension.

Cass. 1e civ. 1-3-2023 n° 21-18.271 F-B


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©Gettyimages

Un notaire est mis en examen de divers chefs d’inculpation (dont faux en écritures publiques, abus de faiblesse, falsification de chèques). Placé sous contrôle judiciaire, interdiction lui est faite d’exercer. L’interdiction est ensuite levée par la chambre de l’instruction. Le procureur de la République assigne alors le notaire en référé et obtient sa suspension provisoire. La cour d’appel confirme aux motifs des détournements de fonds client que le mis en cause aurait commis après la saisine du juge des référés. L’ordonnance ne limite pas à un mois les effets de la suspension.

Le notaire se pourvoit en cassation estimant que la décision de suspension provisoire ne peut être fondée que sur des faits relevés dans l’assignation, et non sur des faits postérieurs à la saisine du juge des référés.

La Cour de cassation rejette ce premier moyen : la suspension provisoire n’est pas une sanction mais une mesure de sûreté conservatoire (Ord. 45-1418 du 28-6-1945 art. 32). Par conséquent, la juridiction disciplinaire n’est pas tenue de fonder sa décision sur les seuls faits relevés dans l’assignation (Décret 73-1202 du 28-12-1973 art. 4, 10 et 13 a contrario).

Sur le second moyen – également rejeté - portant sur la durée de la suspension provisoire, la Haute Juridiction précise qu’elle n’a pas à être limitée à un mois dès lors que des poursuites pénales ont été engagées, quand bien même elles l’auraient été avant la délivrance de l’assignation en suspension provisoire (Ord. 45-1418 du 28-6-1945 art. 35 et 32).

A noter :

Précision - nous semble-t-il inédite - de la Haute Juridiction concernant la nature de la suspension provisoire du notaire, qui n’est donc pas une sanction disciplinaire mais une mesure de sûreté conservatoire.

Rendue sous l’empire des anciens textes gouvernant la discipline des notaires, qu’en est-il depuis le 1er juillet 2022, date de l’entrée en vigueur de la réforme de la discipline ? La suspension provisoire n’est pas mentionnée à la liste des peines disciplinaires (Ord. 2022-544 du 13-4-2022, art. 16). Elle fait l’objet de développement propre (Ord. 2022-544 du 13-4-2022 art. 17 ; décret 2022-900 du 17-6-2022 art. 54) : au terme d’une procédure accélérée au fond, le notaire peut être suspendu de ses fonctions dès le stade de l’enquête ou encore, classiquement, lors d’une poursuite pénale ou disciplinaire « lorsque l’urgence ou la protection d’intérêts publics ou privés l’exige ». Il s’en infère que la nature de la suspension provisoire n’a pas été modifiée et que la solution dégagée par la Cour de cassation conserve à notre avis un intérêt actuel certain.

Concernant la durée de la suspension provisoire, avant la réforme de la discipline, elle variait selon qu’une procédure disciplinaire ou pénale était engagée ou non. La suspension expirait :

- soit un mois après son prononcé si aucune poursuite pénale ou disciplinaire n’était engagée dans ce délai. Il s’agissait là d’une mesure prise en cas d’urgence, si des inscriptions ou vérifications laissaient apparaître des risques pour les fonds, effets ou valeurs confiés à l'officier public ou ministériel à raison de ses fonctions (Ord. 45-1418 du 28-6-1945 art. 35 et 32, al. 2) ;

- soit avec l’extinction des actions pénale ou disciplinaire (Ord. 45-1418 susvisée art. 35 et 32, al. 1). Peu importe que les poursuites pénales soient engagées avant le prononcé de la suspension provisoire, nous dit la Cour de cassation dans cette affaire. En l’espèce, elle s’applique toute la durée de l’action pénale et n’est pas limitée à un mois.

Désormais, le régime est différent. La suspensions dure (Ord. 2022-544 du 13-4-2022 art. 17). :

- six mois, renouvelable une fois, lorsque le notaire fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire. Elle expire de plein droit deux mois après la clôture de l’enquête ou avec l’extinction de l’action disciplinaire ;

- le temps de l’action publique (fondée sur les faits justifiant la suspension), lorsqu’une procédure pénale est engagée. Elle cesse de plein droit lorsque cette action pénale s’éteint.

La solution énoncée par la Cour de cassation n’est donc pas directement transposable. Mais il reste que la durée de la suspension provisoire prononcée par le président de la juridiction disciplinaire après que les poursuites pénales sont engagées, s’aligne sur celle de l’action publique, sauf, bien sûr, décision de ce même président pour lever la mesure si des éléments nouveaux le justifient.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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