Cass. soc. 10-9-2025 n° 23-23.176 FS-B, Y c/ Assoc. Greenpeace France
Les secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée (CDI) en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois sont fixés par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu (C. trav. art. L 1242-2, 3°). La liste des secteurs habilités par voie réglementaire, qui figure à l’article D 1242-1 du Code du travail, est limitative. Autrement dit, en dehors des secteurs définis par ce texte, un employeur ne peut pas conclure un contrat à durée déterminée (CDD) d’usage, sauf s'il appartient à un secteur d'activité habilité à conclure un tel contrat par voie conventionnelle. En outre, les secteurs visés doivent correspondre à l’activité principale de l’entreprise (Cass. soc. 27-9-2006 n° 04-47.663 F-PB : RJS 12/06 n° 1329 ; Cass. soc. 17-3-2016 n° 14-20.813 F-D : RJS 6/16 n° 400).
Des CDD d’usage successifs conclus par une association de protection de l’environnement
Dans cette affaire, un salarié est engagé en qualité de recruteur d’adhérents aux termes de 107 CDD d’usage conclus entre le 21 février 2001 et le 24 janvier 2020. En mai 2020, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de la relation de travail en CDI.
En l’espèce, il s’agissait de savoir si l’activité de protection de l’environnement, activité principale de l’association employeur du salarié, pouvait se rattacher au secteur de l’action culturelle visé à l’article D 1242-1, 6° du Code du travail, autorisant ainsi le recours au CDD d’usage.
La cour d’appel avait estimé que oui, déboutant en conséquence le salarié de sa demande de requalification de ses CDD d’usage successifs en CDI. Elle avait notamment retenu que, selon ses statuts, l'association avait pour but la protection de l'environnement et de la biodiversité ainsi que l'action pour la défense des intérêts des consommateurs, des usagers et des contribuables dans les domaines de l'environnement, de la santé, de l'alimentation, de l'énergie, de la gestion des déchets, de l'urbanisme, de la publicité et du cadre de vie et, qu’à ce titre, elle relevait de la convention collective de l'animation socioculturelle qui s'applique aux entreprises de droit privé sans but lucratif, qui développent à titre principal des activités d'intérêt général de protection de la nature et de l'environnement.
Pour compléter leur argumentation, les juges du fond soulignaient que le ministère du travail avait indiqué que les associations du secteur de l'animation socioculturelle pouvaient passer des CDD au titre des usages, dès lors qu'ils étaient conclus pour assurer l'exécution d'une tâche déterminée temporaire ayant pour terme la réalisation de l'objet pour lequel ils ont été conclus, sur le fondement des dispositions de l'article D 1242-1 du Code du travail visant l'action culturelle.
Les juges du fond en avaient ainsi conclu que l'employeur démontrait appartenir à un secteur d'activité défini par décret autorisé à conclure des CDD d’usage.
La protection de l’environnement n’appartient pas au secteur d’activité de l’action culturelle
À tort pour la chambre sociale qui casse l’arrêt d’appel et juge que l’activité de protection de l’environnement de l’association ne se rattache pas au secteur d’activité de l’action culturelle. Dès lors, c’est en violation des articles précités du Code du travail que le salarié avait été embauché par plusieurs CDD d’usage successifs, peu important à cet égard que l’association applique la convention collective de l’animation socio-culturelle.
L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel de Paris où elle sera rejugée.
A noter :
Sous réserve de deux exceptions, la liste des secteurs d’activité est identique pour le travail temporaire (C. trav. art. D 1251-1). La solution retenue dans l’arrêt du 10 septembre 2025 peut ainsi être rapprochée d’un arrêt ancien dans lequel la Haute Juridiction, approuvant la cour d’appel, avait estimé que l’activité d’architecte réalisant des plans dans le cadre de missions de restauration de monuments historiques n’était pas visée par l’article D 1251-1 du Code du travail (Cass. soc. 2-6-2004 n° 01-45.906 F-D : RJS 8-9/04 n° 889).