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« Legs rémunératoire » des travaux au moulin et des soins à son père : question de preuve

Si le de cujus a la faculté de consentir un legs rémunératoire à l’un de ses fils, encore faut-il pour ce dernier produire l’original du testament olographe ou, à défaut, une copie fidèle et durable de l’original en prouvant que celui-ci a existé jusqu’au décès du testateur.

CA Toulouse 29-7-2025 n° 22/02485


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©Gettyimages

À la suite du décès de leurs père et mère, respectivement en 1997 et 1999, trois frères échouent à s’accorder sur un partage amiable. En première instance, l’un d’eux se prévaut d’un testament olographe par lequel le défunt lui lègue « la maison d’habitation où il habite ainsi que le parc et les dépendances ainsi que l’armoire Louis XVI se trouvant dans une chambre pour le travail qu’il a effectué bénévolement au moulin et pour l’entretien [d’une propriété] ainsi que les bons soins qu’il a prodigués à [sa mère] et à moi-même sans oublier le travail de sa femme ». Le tribunal judiciaire lui donne raison : elle qualifie le legs de « rémunératoire » et en fixe le périmètre (ensemble des dépendances de la propriété, sans distinction). Ses cohéritiers discutent alors de l’application des dernières volontés, à défaut de production du testament original.

La cour d’appel confirme leur remise en cause et en conclut que la succession paternelle sera réglée ab intestat. Elle relève notamment que :

  • le document produit en justice n’est pas l’original. Elle tient compte de la piètre qualité du support, des traces d’une précédente impression, de l’absence de relief ou de traversée d’encre, de la découverte du document dans une corbeille à rebus située dans un débarras accolé à la chaufferie ;

  • en présence d’une simple copie, le bénéficiaire du testament doit rapporter la preuve que celle-ci est une reproduction fidèle et durable de l’original qui a existé jusqu’au décès du testateur et n’a pas été détruit par lui, de sorte qu’elle est la manifestation de ses dernières volontés (C. civ. art. 1353 et 895). Cependant, en l’espèce, la preuve que l’original a existé jusqu’au décès – soit une période de neuf mois de la date du testament à celle du décès – fait défaut. Cette période est suffisamment longue pour permettre au testateur de se raviser. L’absence de preuve ne peut pas plus être palliée par un renvoi aux projets transactionnels entre le père et son fils, qui – s’ils prévoyaient 100 000 € de compensation pour service rendu au prétendu légataire – visaient expressément l’absence d’original et écartaient l’application du legs. Il s’agit là en effet d’une concession réciproque en vue d’un accord transactionnel et non d’un acquiescement.

A noter :

Rappels opportunistes avec cet arrêt sur la notion de libéralité rémunératoire. Celle-ci est consentie en récompense de services rendus. Elle suppose l’absence de versement d’une juste rémunération préalable à ces services tout comme celle d’une convention fixant une rétribution pour ces mêmes services. Elles sont l’exécution d’un devoir de conscience du bénéficiaire desdits services. S’agit-il alors de véritables libéralités ou de conventions à titre onéreux ? On distingue traditionnellement les services rendus appréciables en argent de ceux qui ne le sont pas. Dans la première hypothèse, la libéralité perd son caractère gratuit, tandis que dans la seconde, la qualification de libéralité pure et simple doit être retenue (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les Successions. Les Libéralités, Dalloz, 5e éd. 2024, n° 282). L’enjeu de qualification n’est pas mince lorsqu’il s’agit de liquider la succession de celui qui a consentie une libéralité rémunératoire au regard des règles du rapport et de la réduction des libéralités.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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