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L’appel immédiat d’une expertise ordonnée par le juge commis au partage est soumis à autorisation

En ordonnant une expertise des actifs de la masse à partager, le juge commis ne vide pas sa saisine, restant chargé de la surveillance des opérations de partage. Sa décision ne peut être frappée d'appel immédiat que sur autorisation du premier président de la cour d'appel.

Cass. 2e civ. 27-3-2025 n° 22-18.970 F-B


Par Emmanuel de LOTH
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@Getty images

L’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de deux successions est ordonnée par le tribunal de grande instance de Bastia.

Le juge commis pour surveiller les opérations de partage ordonne une expertise immobilière et une expertise comptable portant sur des biens de la masse à partager. Certains héritiers font appel de l’ordonnance. Leur appel est déclaré irrecevable par le conseiller de la mise en état au motif qu’il a été interjeté sans autorisation du premier président et sans justification d'un motif grave et légitime (CPC art. 272). Aux termes de cet article, « la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision ».

Faisant appel de la décision du conseiller de la mise en état, les intéressés soutiennent que l’article 272 n’est applicable que pour les expertises ordonnées en cours de procès. Or le juge commis aurait vidé sa saisine en ordonnant l’expertise. La cour d’appel repousse l’argument, observant que le juge commis n'est pas dessaisi de l'affaire, cette dernière pouvant revenir devant lui une fois le rapport d'expertise rendu.

Les intéressés saisissent la Cour de cassation. Selon le pourvoi, le juge commis épuise sa saisine en ordonnant une expertise sur le fondement de l’article 1371, alinéa 3 du Code de procédure civile. Sa décision échappe ainsi aux prévisions de l’article 272 du même Code et peut donc faire l’objet d’un appel immédiat sans autorisation du premier président.

Rejet du pourvoi. Outre les dispositions de l’article 272 précité, les Hauts Magistrats commencent par rappeler celles qui suivent :

  • si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations (CPC 1364, al. 1) ;

  • le notaire rend compte au juge commis des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement ; il peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s'adjoindre un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis (CPC art. 1365, al. 2 et 3) ;

  • le juge commis veille au bon déroulement des opérations de partage (CPC art. 1371, al. 1). Il statue, en outre, sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été commis (CPC art. 1373, al. 3).

Pour les Hauts Magistrats, il en découle qu’en ordonnant une expertise portant sur des actifs de la masse à partager aux fins de liquidation de celle-ci, le juge commis tient son pouvoir des articles 1365 et 1371, alinéa 1, et non de l'article 1371, alinéa 3. En usant de ce pouvoir, il ne vide pas sa saisine, restant chargé de la surveillance des opérations de partage. L’appel immédiat de son ordonnance est bien soumis à l’autorisation du premier président.

A noter :

La question posée est de savoir si le juge vide ou non sa saisine. C'est le cas d'un jugement sur le fond (CPC art. 481), par opposition à un jugement avant dire droit (CPC art. 483). Or, si le premier peut faire faire l’objet d’un appel immédiat, l’appel du second est différé, sauf exceptions, jusqu’à la décision sur le fond (CPC art. 544 et 545). L’article 272 du Code de procédure civile figure au nombre de ces exceptions, concernant les décisions qui ordonnent une expertise (sur les conditions et modalités de la procédure prévue par ce texte, voir Mémento Procédure civile 2024/2025 nos 27211 s.).

Les Hauts Magistrats jugent sans ambiguïté qu’en ordonnant une expertise portant sur des actifs de la masse à partager, le juge commis « ne vide pas sa saisine ».

Selon eux, l’argumentation du pourvoi procède d’un postulat erroné selon lequel le juge commis aurait agi sur le fondement de l’article 1371, alinéa 3 du Code de procédure civile et ainsi épuisé sa saisine. Rappelons qu’au titre de cet alinéa, la Cour de cassation a précisé que, pendant l’instance en partage, le juge commis peut, comme le président du tribunal judiciaire et selon les modalités procédurales précisées à l’article 1380 du Code de procédure civile, statuer sur les demandes formées en application des articles (Cass. avis 1e civ. 18-12-2020 n° 20-70.004 P : BPAT 2/21 inf. 87 ; sur cet avis, voir également L. Lescure Comparot : Le juge commis dispose-t-il des pouvoirs réservés au président du tribunal judiciaire ? : SNH 18/21 inf. 9) :

  • 815-6 du Code civil (mesures urgentes que requiert l’intérêt commun et notamment autorisation d’un indivisaire à percevoir des fonds indivis pour faire face aux besoins urgents ; désignation d’un indivisaire comme administrateur ; nomination d’un séquestre) ;

  • 815-11 du Code civil (répartition provisionnelle des bénéfices annuels de l’indivision ; allocation d’une avance en capital à concurrence des fonds disponibles).

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