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L’employeur ne peut pas imposer au salarié itinérant un changement de secteur géographique pérenne

Un salarié itinérant peut être affecté temporairement sur un autre secteur géographique. Mais si son contrat de travail ne comporte pas de clause de mobilité, une affectation pérenne sur un autre secteur constitue une modification de son contrat qu’il peut refuser.

Cass. soc. 11-6-2025 n° 24-14.412 F-D, Sté Depra ventilation c/ I.


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@Getty images

Un salarié occupe des fonctions de monteur pour une société qui fabrique et installe des gaines de ventilation. Ses fonctions sont par natureitinérantes, et l’amènent à travailler sur des chantiers en région parisienne. À la suite de la fermeture d’un hall de stockage en Seine-et-Marne, auquel il était rattaché, l’entreprise l’informe que l’approvisionnement des matériaux – et, donc, sa prise de service – se fera désormais en Meurthe-et-Moselle et qu’il sera affecté sur des chantiers dans le Grand-Est. Le salarié refuse cette affectation et saisit le juge prud’homal d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le déplacement dans un autre secteur géographique est possible s’il est occasionnel

La mutation d’un salarié dont le contrat de travail ne prévoit pas de clause de mobilité nécessite son accord si elle implique un changement de secteur géographique (Cass. soc. 3-5-2006 n° 04-41.880 F-PB8 ; Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-22.013 F-D ).

A noter :

La mention dans le contrat de travail du lieu d'exécution du travail n'a qu'une valeur informative, sauf si une clause claire et précise indique que le salarié exécutera son travail exclusivement sur ce lieu (Cass. soc. 3-6-2003 nos 01-40.376 FP-PBRI et 01-43.573 FP-PBRI ; Cass. soc. 15-3-2006 n° 02-46.496 F-PB). Par conséquent, l’employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, déplacer le salarié sur un autre site d'activité à l’intérieur du même secteur géographique que le lieu de travail initial (Cass. soc. 16-12-1998 n° 96-40.227 P ; Cass. soc. 4-3-2020 n° 18-24.473 F-D).

Par exception, l’employeur peut imposer au salarié un déplacement occasionnel en dehors de son secteur géographique, à condition qu’il soit justifié par l’intérêt de l’entreprise, dans deux circonstances :

- soit lorsque ce déplacement est justifié par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible (Cass. soc. 3-2-2010 n° 08-41.412 FP-PBR) ;

- soit lorsque la spécificité des fonctionsexercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique (Cass. soc. 22-1-2003 n° 00-43.826 FP-PBRI ; Cass. soc. 23-10-2024 n° 22-24.737 F-D).

La deuxième hypothèse concerne le salarié itinérant, rattaché au siège d’une entreprise ou à un établissement, mais dont les missions impliquent un certain nombre de déplacements, y compris en dehors de son secteur géographique d’activité. La jurisprudence prend en compte les spécificités d’un tel emploi : les déplacements du salarié constituent un changement de ses conditions de travail, et non une modification de son contrat qu’il pourrait légitimement refuser.

A noter :

Le contrat de travail d’un salarié itinérant peut d’ailleurs stipuler que les déplacements de l’intéressé s’inscrivent dans le cadre habituel de son activité (Cass. soc. 29-1-2025 n° 23-19.263 F-D).

Pas de déplacement pérenne de l’activité sans l’accord du salarié

La flexibilité du salarié itinérant n’autorise cependant pas l’employeur à modifier le périmètre habituel d’exercice de ses fonctions et à déplacer son activité dans une autre région. C’est ce principe que rappelle, ici, la Cour de cassation.

L’employeur soutenait que, compte tenu de la nature itinérante de l’emploi occupé par le salarié, le déplacement de son activité dans la région Grand-Est relevait de son pouvoir de direction. La Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel, qui a considéré que le changement d’affectation proposé au salarié était pérenne, et non temporaire (ce qui aurait été possible en application de la jurisprudence précitée). Par conséquent, cette modification unilatérale du secteur géographique d’activité du salarié ne constituait pas un simple changement de ses conditions de travail, mais bien une modification de son contrat de travail.

L’employeur a donc manqué à ses obligations en imposant cette modification au salarié, ce qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.

A noter :

La Cour de cassation a déjà appliqué ce principe à un salarié, directeur régional exerçant son activité dans le secteur sud-ouest du territoire français, qui s’était vu imposer par l’employeur le déplacement de son activité dans le secteur sud-est (Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-22.013 F-D).

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