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Le licenciement du salarié dénonçant un comportement sans le qualifier de harcèlement est-il nul ?

Le licenciement d’un salarié s’étant plaint d’un comportement abject n’est pas nul si ce dernier n’a pas dénoncé des faits qualifiés par lui de harcèlement moral, affirme la Cour de cassation par une décision dont la portée exacte mériterait à tout le moins d’être précisée.

Cass. soc. 13-9-2017 n° 15-23.045 FP-PB


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L’employeur ne doit pas licencier un salarié au motif qu’il a témoigné ou relaté des agissements de harcèlement moral ou sexuel (C. trav. art. L 1152-2 et L 1153-3).Un licenciement prononcé pour un tel motif est nul de plein droit (C. trav. art. L 1152-3 et L 1153-4), sauf mauvaise foi du salarié, qu’il revient à l’employeur de prouver et qui ne peut pas résulter de la seule circonstance que les faits allégués ne sont pas établis (Cass. soc. 10-3-2009 n° 07-44.092 FP-PBR : RJS 6/09 n° 496 ; Cass. soc. 13-2-2013 n° 11-28.339 F-D : RJS 4/13 n° 260).

Faut-il, pour bénéficier de cette protection contre les mesures de rétorsion, que le salarié revendique expressément la qualification de harcèlement moral pour les faits qu’il dénonce ?

C’est la question que l’on peut se poser à la lecture d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 septembre 2017, destiné à être publié au bulletin des chambres civiles. Bien qu’une lecture littérale de cet arrêt puisse le laisser penser, cette position mérite à notre sens d’être nuancée.

Dans cette affaire, le directeur commercial d’une société avait été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant, dans la lettre de licenciement, d’avoir notamment abusé de sa liberté d’expression et proféré des accusations diffamatoires dans un courriel dans lequel l’intéressé affirmait subir des comportements « abjects, déstabilisants et profondément injustes ».

Estimant avoir été licencié pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral, le salarié a réclamé en justice la nullité de son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.

Pour accueillir ces demandes, la cour d’appel a retenu que dans le courriel en cause le salarié avisait l’employeur de son souhait de l’informer de vive voix du traitement qu’il estimait être en train de subir, et que l’intéressé visait ainsi des agissements de harcèlement moral même si ces termes n’étaient pas formellement employés.

Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir tiré les conséquences légales de leurs constatations, dont il résultait que le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral.

Cette solution peut signifier que le salarié qui n’invoque pas la qualification de harcèlement au moment où il dénonce les faits en cause ne peut pas ensuite réclamer la nullité de son licenciement en application de l’article L 1152-3 du Code du travail.

Cependant, une telle interprétation semble introduire une différence difficilement compréhensible entre la protection accordée au salarié qui dénonce des faits en invoquant la qualification de harcèlement, quand bien même les faits ne seraient pas établis ou ne seraient pas qualifiés de harcèlement par le juge, protection qui perdure tant que l’employeur ne prouve pas sa mauvaise foi, et l’absence de toute protection pour celui qui dénonce des agissements circonstanciés dont il mesure la négativité, l’impact sur les conditions de travail ou l’atteinte à la dignité des personnes, sans pour autant évoquer formellement un harcèlement moral.

A notre avis : une autre interprétation est possible : si le salarié ne nomme pas le harcèlement moral, il devrait au moins avoir fait état de faits suffisamment précis pour pouvoir être qualifiés ainsi. Or, en l’espèce, le salarié ne faisait part d’aucun fait précis mais de comportements décrits comme abjects, déstabilisants et injustes, sans aucun détail sur la nature des comportements en cause, empêchant ainsi toute qualification des faits, y compris par l’employeur.

Un salarié qui, à l'inverse, décrirait des agissements répétés tels des insultes, une mise à l’écart, des brimades, une rétrogradation, sans pour autant les qualifier expressément de harcèlement moral pourrait obtenir l’annulation de son licenciement s’il était motivé par cette dénonciation.

En pratique : dans l'attente d'éclaircissements de la Cour de cassation sur ces questions, les salariés sont incités, lorsqu'ils dénoncent ou témoignent d'agissements de harcèlement, à préciser systématiquement que ces faits relèvent à leurs yeux de la qualification de harcèlement, moral ou sexuel selon le cas, pour bénéficier de la protection contre les mesures de rétorsion.

Aliya BEN KHALIFA

Pour en savoir plus sur le harcèlement : voir Mémento Social nos 17070 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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