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Nullité en cascade après l'annulation de l'exclusion d'un associé : illustration

Ayant retrouvé rétroactivement sa qualité d’associé après l’annulation de son exclusion, l'associé d'une société civile de construction-vente peut agir en nullité de l’assemblée qui s'est tenue entre l’exclusion et son annulation et qui a prorogé la société, au motif qu’il n’y a pas été convoqué.

Cass. com. 18-6-2025 n° 23-20.593 F-D, Sté les Bâtisseurs de Bourbon c/ Sté Groupe Sobefi


Par Valentine Oblin
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© Lefebvre Dalloz

Dans une société civile de construction-vente (SCCV), un associé s'oppose à un appel de fonds de la société et l’assemblée générale des associés décide la mise en vente forcée de ses parts sociales, comme le permet l’article L 211-3 du Code de la construction et de l’habitation. Deux ans après la vente de ces parts par adjudication, une assemblée générale extraordinaire vote la prorogation de la durée de la SCCV. Ayant obtenu l’annulation de la décision d'exclusion et de la vente de ses parts, l’associé évincé agit en nullité de l’assemblée ayant décidé la prorogation en faisant valoir qu’il n’y avait pas été convoqué. Une cour d’appel rejette cette demande en retenant qu’il ne pouvait pas reprocher à la SCCV de ne pas l’avoir convoqué, alors qu’il avait été évincé de la société deux ans plus tôt.

Censure de la Cour de cassation : l’annulation de la délibération excluant un associé a pour effet de le rétablir rétroactivement dans ses droits d’associé. A la suite de l’annulation de son exclusion, l'intéressé avait donc rétroactivement retrouvé sa qualité d’associé au sein de la SCCV.

A noter :

1° Décision rendue sous l’empire du régime actuel des nullités et qui illustre le risque de nullités en cascade.

Les délibérations d’assemblée dont la nullité est prononcée sont censées n'avoir jamais existé (cf. C. civ. art. 1178, al. 2) et doivent être considérées comme n'ayant produit aucun effet. Un associé exclu retrouve donc rétroactivement sa qualité d’associé lorsque la décision prononçant son exclusion est annulée. Or le défaut de convocation d’un associé à une assemblée est une cause de nullité des assemblées (Cass. 3e civ. 21-10-1998 n° 96-16.537 P : RJDA 12/98 n° 1371). En cas d’annulation d’une exclusion d’associé, toutes les assemblées convoquées entre l’exclusion et l’annulation peuvent être remises en cause. 

Cette nullité est toutefois facultative pour les juges. Ces derniers limitent parfois les nullités en cascade en tenant compte de l'importance des conséquences de la nullité par rapport à la gravité de l'irrégularité qui en est la cause. Par exemple, a été rejetée la demande d'annulation de toutes les assemblées d’une société irrégulièrement convoquées pour avoir été tenues entre la cession des parts d'un associé et sa réintégration dans la société à la suite de l'annulation de la cession ; en effet, ces décisions n'étaient pas contraires à l'intérêt social puisque la société s'était développée durant cette période (CA Paris 5-1-2016 n° 14/21649 :  RJDA 4/16 n° 293).

Par ailleurs, la Cour de cassation a limité la possibilité d'annuler une assemblée de SARL pour convocation irrégulière d'un associé, en jugeant qu'une telle irrégularité n'entraîne la nullité que si elle a privé l'associé de son droit de prendre part à l'assemblée et si elle est de nature à influer sur le résultat du processus de décision (Cass. com. 29-5-2024 n° 21-21.559 F-B : RJDA 8-9/24 n° 458), mais l’occasion ne s’est pas présentée pour la Haute Juridiction d’indiquer si cette solution s'applique aux sociétés civiles.

Dans l’affaire commentée, l’associé évincé détenait la moitié du capital de la SCCV ; son vote pouvait donc modifier le sens de la décision. Toutefois, s’agissant d’une décision de prorogation, l’annulation de celle-ci entraînerait des conséquences majeures pour la société. Il a d'ailleurs été jugé que le refus de voter la prorogation pouvait être constitutif d'un abus de majorité (Cass. 3e civ. 7-12-2023 n° 22-18.665 FS-B :  RJDA 3/24 n° 159).  La Haute Juridiction n'indique pas si l'assemblée litigieuse doit ou non être annulée ; elle reproche seulement à la cour d'appel de ne pas avoir tenu compte de l'effet rétroactif de l'annulation de l'exclusion. 

2° L'ordonnance 2025-229 du 12 mars 2025, qui réforme les nullités en droit des sociétés à compter du 1er octobre 2025, prévoit des mécanismes permettant de limiter le risque de nullité des décisions collectives adoptées entre l’exclusion d’un associé et l’annulation de cette exclusion. D’une part, le juge saisi d’une demande de nullité d’une décision sociale ne pourra la prononcer que si les conditions du « triple test » sont réunies, ce qui implique notamment qu’il vérifie que les conséquences pour l’intérêt social ne sont pas excessives au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée (C. civ. art. 1844-12-1, 3° issu de ord. 2025-229, en vigueur à compter du 1-10-2025 ; Ord. 2025-229 art. 70). D’autre part, le juge qui annule l'exclusion (ou une cession de droits sociaux) pourra décider qu’elle n’aura pas d’effet rétroactif si une telle rétroactivité est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l’intérêt social (C. civ. art. 1844-15-2 nouveau), empêchant ainsi que les actions en nullité de décisions prises dans l’intervalle puissent prospérer.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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