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Période d’essai excédant la durée légale : comment apprécier son caractère raisonnable ?

Un accord de branche conclu antérieurement à la loi de modernisation du marché du travail de 2008 peut fixer une période d’essai excédant la durée légale actuellement applicable, à condition que cette durée plus longue reste raisonnable. Caractère raisonnable qui, pour la Cour de cassation, doit s’apprécier au regard de la catégorie d’emploi occupée par le salarié.

Cass. soc. 7-7-2021 n° 19-22.922 FS-B, Sté Generali vie c/ R.


Par Clément GEIGER
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©iStock

Une durée strictement encadrée

Depuis la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, la durée de la période d'essai est strictement encadrée : la durée initiale maximale est fixée par le Code du travail et varie en fonction de la qualification professionnelle du salarié : 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 4 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-19).

La période d’essai peut également faire l’objet d’un renouvellement sous certaines conditions, lorsque l'essai initial a été jugé insuffisant. Dans ce cas, sa durée totale maximale ne peut pas dépasser 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 8 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-21).

Ces durées ont un caractère impératif, sauf lorsque des durées plus longues ont été fixées par des accords de branche conclus avant l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008 ou que des durées plus courtes sont fixées par des accords collectifs conclus après cette date, par la lettre d'engagement ou par le contrat de travail (C. trav. art. L 1221-22).

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Quand l’accord de branche fixe une période d’essai plus longue que ce que prévoit la loi…

Si les accords de branche conclus antérieurement à la loi du 25 juin 2008 peuvent fixer des durées plus longues, la durée de la période d’essai doit toutefois respecter les normes internationales et, en particulier, la convention 158 de l’Organisation internationale du travail dont les dispositions imposent le respect d’une durée raisonnable.

À titre illustratif, des périodes d’essai d’une durée de 9 mois ont été jugées raisonnables pour le cadre sédentaire d’une entreprise de navigation (Cass. soc. 24-4-2013 n° 12-11.825 FS-PB), ou le directeur d’une agence bancaire (Cass. soc. 12-11-2020 n° 18-24.111 F-D).

En revanche n’ont pas été considérées comme telles différentes périodes d’essai de 12 mois (Cass. soc. 4-6-2009 n° 08-41.359 FS-PBR ; Cass. soc. 11-1-2012 n° 10-17.945 FS-PBR ; Cass. soc. 30-9-2014 n° 13-21.385 F-D) ou une période d’essai de 6 mois prévue pour des assistants commerciaux du secteur bancaire (Cass. soc. 10-5-2012 n° 10-28.512 FS-PB).

A noter :

Si la durée de la période d’essai n’est pas considérée par le juge comme raisonnable, la rupture du contrat de travail s’analyse alors en un licenciement. L’employeur n’ayant, logiquement, pas appliqué la législation du licenciement, il se verra condamner à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 11-1-2012 n° 10-17.945 FS-PBR).

L’arrêt du 7 juillet 2021 est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser les modalités d’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la période d’essai.

… son caractère raisonnable ou non s’apprécie au regard de la catégorie d’emploi occupée

Dans cet arrêt, un salarié avait été engagé en qualité de conseiller commercial auxiliaire en assurances. Son contrat de travail prévoyait une période d'essai de 6 mois, sans possibilité de renouvellement, sur la base de la convention de branche antérieure à la loi du 25 juin 2008. Son contrat de travail ayant été rompu au cours de la période d’essai convenue, il avait saisi la juridiction prud’homale.

Pour juger la période d'essai déraisonnable, la cour d’appel, se référant à la convention 158 de l'OIT, s’était bornée à affirmer, d’une part, que la finalité de la période d'essai doit permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et, d’autre part, que la période d’essai emporte exclusion des règles du licenciement.

Rappelant les termes de l'article 2, § 2b, de la convention 158 de l’OIT sur le licenciement, la Cour de cassation censure l’arrêt, au motif que la cour d’appel s’était déterminée par une affirmation générale, alors qu’elle aurait dû rechercher, au regard de la catégorie d’emploi occupée par le salarié, si la durée totale de la période d'essai prévue au contrat de travail n’était pas raisonnable.

Si la Cour de cassation apprécie le caractère raisonnable de la durée d’une période d’essai au regard de la finalité de cette période qui doit notamment permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail (Cass. soc. 10-5-2012 n° 10-28.512 FS-PB), elle prend notamment en compte la nature des fonctions et responsabilités confiées au salarié, comme elle l’a indiqué dans un arrêt récent (Cass. soc. 12-11-2020 n° 18-24.111 F-D). Elle précise aujourd’hui qu’il convient de rechercher si la durée est raisonnable au regard de la catégorie d’emploi occupée par le salarié.

A notre avis :

La motivation de la Cour de cassation exclut manifestement la prise en compte des seules catégories principales de classification auxquelles se réfèrent les dispositions légales modulant la durée de la période d’essai : « ouvriers et employés », « agents de maîtrise et techniciens », ou « cadres » (C. trav. art. L 1221-19 et C. trav. L 1221-21). Il s’agit en effet de justifier d’une période d’essai d’une durée plus longue que celles légalement prévues. À l’opposé, elle ne semble pas non plus prescrire une appréciation concrète de la situation d’emploi du salarié, allant jusqu’à la prise en considération de son expérience personnelle ou encore des missions ou dossiers qui lui sont confiés.

Bien qu’elle précise la méthode à appliquer pour juger du caractère raisonnable ou non de la période d’essai, la Cour de cassation ne se prononce pas sur la durée de la période d’essai convenue en l’espèce. Il reviendra donc à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur ce point.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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