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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Successions et donations

Précision sur l’imputation des libéralités consenties au conjoint survivant sur ses droits légaux

L’imputation des libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant sur ses droits légaux en pleine propriété s’assimile à un « rapport spécial en moins prenant » desdites libéralités.

Cass. 1e civ. 12-1-2022 n° 19-25.158 FS-BR (1e espèce) et Cass. 1e civ. 12-1-2022 n° 20-12.232 FS-BR (2e espèce)


Par Nicole PÉTRONI-MAUDIÈRE
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©iStock

Dans la première espèce (n° 19-25.158), l’homme était décédé en l’état d’un testament authentique instituant son épouse légataire à titre particulier d’une maison d’habitation, des meubles s’y trouvant et d’une somme d’argent. Le conjoint reproche aux juges du fond de dire que la libéralité dont elle bénéficie s’impute sur ses droits légaux du quart en pleine propriété. Elle fait valoir qu’elle était en droit de cumuler son legs et ses droits légaux en propriété (C. civ. art. 757), les legs étant présumés faits hors part successorale (C. civ. art. 843). 

Dans la seconde espèce (n° 20-12.232), par acte contenant un pacte tontinier, le défunt avait acquis un appartement avec son épouse. Le conjoint fait grief à l’arrêt d’appel d’ordonner le rapport à la succession de la donation déguisée à son profit constituée par le pacte tontinier. Elle soutient que le rapport successoral qui s’exécute en moins prenant par le débiteur est une opération qui participe à la détermination de la masse partageable et qui est dû par l’héritier à ses cohéritiers, à l’exclusion du conjoint. Ce dernier est soumis à la règle spéciale d’imputation selon laquelle les libéralités qui lui ont été consenties s’imputent, en moins prenant, sur ses droits ab intestat, et qui ne conduit pas à une restitution à la masse partageable. 

La Cour de cassation rejette les deux pourvois, par substitution de motifs dans la seconde espèce, sur le fondement des articles propres à la liquidation des droits légaux en pleine propriété du conjoint survivant (C. civ. art. 758-5 et 758-6). Il résulte de la combinaison de ces textes que ce dernier est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l'article 758-6.

A noter :

Pour Nicole Pétroni-Maudière, maître de conférences à la faculté de droit de Limoges, lorsque le conjoint survivant est en concours avec les descendants du défunt, il n’a pas droit au rapport des libéralités effectué par les descendants gratifiés en avancement de part successorale, lequel vise à assurer l’égalité des descendants dans la masse à partager. Même si les libéralités consenties par le défunt à ses enfants sont prises en compte dans la masse de calcul des droits du conjoint, elles sont ensuite déduites de la masse sur laquelle il peut exercer ses droits (C. civ. art. 758-5). Réciproquement, le conjoint ne doit pas le rapport des libéralités qui lui ont été consenties par le défunt. Il est cependant soumis à la procédure particulière de l’imputation des libéralités reçues sur ses droits légaux, laquelle permet de calculer ses droits dans la masse à partager, selon les dispositions de l’article 758-6 du Code civil.

Si le montant des libéralités consenties au conjoint survivant est inférieur à ses droits légaux, celui-ci a seulement droit à un éventuel complément au titre de ses droits légaux. Ainsi le mécanisme de l’imputation des libéralités consenties au conjoint survivant sur ses droits légaux opère comme un rapport, que la Haute Juridiction qualifie pour la première fois de « rapport spécial en moins prenant ». Il constitue une mesure protectrice des intérêts des enfants du disposant : lorsqu’il y a imputation, il n’y a pas cumul.

En revanche, si les libéralités consenties au conjoint excèdent ses droits légaux, le total de ses droits ne pourra excéder l’assiette de la quotité retenue pour procéder à l’imputation de ses libéralités, c’est-à-dire au maximum un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit (C. civ. art. 1094-1). Le cumul est alors limité à la quotité disponible spéciale entre époux la plus forte. Ainsi est assurée la protection des enfants.

En réalité, on ne peut parler d’imputation que si les libéralités consenties au conjoint n’excèdent pas ses droits légaux. Dans le cas contraire, il n’y a pas d’imputation à faire, il y a seulement un plafonnement à respecter (celui de la quotité disponible spéciale la plus forte entre époux) (Cass. 1e civ. 25-10-2017 n° 17-10.644 F-PB : SNH 9/17 inf. 5).

S’agissant de l’aménagement des droits du conjoint, il n’est pas possible de déroger à la règle de l’imputation afin d’accroître les droits du conjoint. Il est seulement possible d’augmenter ses droits par des libéralités, dans les limites de l’article 1094-1. En revanche, si le défunt veut limiter les droits successoraux de son conjoint et souhaite ainsi que le mécanisme de l’imputation soit écarté, il doit dans un premier temps exhéréder son conjoint et dans un second temps lui consentir un legs.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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