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Prescription de l’action en recel successoral : 5 ans et pas 10 !

L’action en recel successoral est une action personnelle qui se prescrit par 5 ans du jour où l’héritier (ou créancier) a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; ici, du 1er courrier à son frère à propos de débits sur le compte de la défunte.

Cass. 1e civ. 5-3-2025 n° 23-10.360 FS-B


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@Getty images

Deux fils héritent de leur mère le 15 novembre 2012, date du décès. L’un accuse l’autre d’avoir bénéficié de mouvements bancaires en partance du compte de leur mère, sur lequel chacun d’eux avait d’ailleurs procuration. Il le questionne à ce sujet, par deux fois, sur des prélèvements jugés suspects, par courriers des 4 et 13 mars 2014. Une fois régularisée la vente de la maison familiale, 40 000 € du prix de vente sont consignés. Le frère prétendument receleur décède, laissant à sa survivance sa veuve qu’il a instituée légataire universelle. Le frère survivant l’assigne par acte du 17 janvier 2020 en constatation d’un recel successoral commis par son défunt frère.

La cour d’appel juge cette demande tardive, initiée plus de cinq ans après qu’il a eu connaissance des mouvements bancaires qu’il imputait à son frère décédé. Elle refuse ainsi l’application à l’action en recel successoral de la prescription décennale propre au droit d’option qu’il invoquait.

La Cour de cassation confirme. À défaut de texte spécial, l’action en sanction du recel successoral prévue à l’article 778 du Code civil, qui présente le caractère d’une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du même Code. Après avoir retenu que, à la date du 4 mars 2014, la détection des mouvements bancaires considérés comme suspects par l’héritier prétendument lésé lui permettait d’exercer l’action en recel successoral contre son frère, la cour d’appel en a exactement déduit que cette action engagée en 2020 était prescrite depuis le 4 mars 2019.

A noter :

Comme le relève l’avocate générale référendaire dans son avis joint à l’arrêt, « le législateur [de 2006], quoiqu’attentif au temps successoral et déterminé à hâter le cours du règlement des successions […], dans le cadre d’une évolution générale favorable à l’abrègement des délais de prescription […], n’a jamais pris le soin de préciser le délai de prescription de l’action en recel successoral » (visant les lois 2006-728 du 23-6-2006 portant réforme des successions et des libéralités et 2008-561 du 17-6-2008 portant réforme de la prescription en matière civile).

La Haute Juridiction s’en charge donc, saisie pour la première fois de cette question s’agissant d’une succession ouverte après l’entrée en vigueur des réformes de 2006 et de 2008 (1-1-2007 pour la première, 19-6-2008 pour la seconde). Faut-il faire application du délai de dix ans auquel est contraint l’héritier pour opter ou bien de celui de cinq ans de droit commun prévu pour les actions personnelles ou mobilières (C. civ. art. 780 et 2224) ? Elle conclut en faveur du délai de prescription de droit commun de cinq ans (C. civ. art. 2224 ; en ce sens, notamment, F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Les successions. Les libéralités, Dalloz 5e éd. 2024, n° 1124). Elle consacre ainsi l’autonomisation du délai de prescription de l’action en recel successoral par rapport au délai d’option.

Elle avait déjà eu l’occasion, pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, de décider que l’action en recel était soumise à la prescription trentenaire de droit commun (Cass. civ. 17-4-1867 : DP 1867 I p. 267). Mais à propos de telles successions, elle avait pu laisser paraître qu’elle faisait application de la prescription du droit d’option, de 30 ans avant 2007, ramené à 10 ans depuis (Cass. 1e civ. 22-6-2016 n° 15-12.705 F-D, qui vise C. civ. art. 780 nouveau ; Cass. 1e civ. 12-2-2020 n° 19-11.668 F-D, qui vise C. civ. art. 789 ancien). Du reste, pour les successions ouvertes après le 1er janvier 2007, une partie de la doctrine considérait que le délai de prescription serait celui de l'option successorale, soit dix ans à compter du décès ou de la connaissance de ses droits par l'héritier (en ce sens, notamment, Rép. civ. Dalloz, v. Succession : transmission – Acceptation pure et simple de la succession, par R. Le Guidec et C. Lesbats, n° 166).

Pour trancher en faveur de la prescription quinquennale de droit commun et non celle propre au droit d’option, elle a été sensible à :

  • l’absence de délai de prescription spécial prévu pour le recel successoral ;

  • la possibilité reconnue au créancier de la succession d’exercer une telle action et pour qui, calquer son délai pour agir sur celui de l’option successorale n’aurait aucun sens ;

  • la différence des points de départ du délai d’option et du délai de prescription de droit commun, le premier étant difficile d’application au créancier de la succession. Le second paraît plus adapté aux actions nées de détournements par définition occultes, pratiqués dans le huis clos familial puisqu’il court à compter du jour où la victime a eu connaissance du recel ou aurait dû en avoir connaissance ;

  • l’unification du délai de prescription du recel successoral sur celui de communauté, le recel de communauté étant soumis à la prescription civile de droit commun (en ce sens, notamment, F. Terré et P. Simler : Régimes matrimoniaux et statut patrimonial des couples non mariés, Dalloz 9e éd. 2024, n° 625).

Dans le même avis, à propos du cas où l’héritier acceptant serait victime d’un recel commis ou découvert postérieurement à l’écoulement de son délai d’option, il est envisagé que l’action en recel successoral exercé par l’héritier lésé puisse être encadré, d’une part, par le délai de 5 ans et, d’autre part, par celui de 10 ans au-delà duquel, faute d’avoir exercé sa faculté d’option, il serait irrecevable en son action. Elle adopterait ainsi le même raisonnement que celui en matière d’action en réduction, mais ce point n’était pas jugé en l’espèce (Cass. 1e civ. 7-2-2024 n° 22-13.665 FS-B : BPAT 2/24 inf. 74 obs. N. Petroni-Maudière, RTD civ. 2024 p. 946 obs. M. Grimaldi).

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