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Prévoyance : la révision du contrat est inopposable à l'assuré s'il n'en a pas été informé

Pour la Cour de cassation, l'assuré ne peut pas se voir opposer les modifications du contrat d'assurance groupe qui lui est applicable s'il n'a pas été informé de celles-ci, même s'il s'agit d'un régime à adhésion obligatoire et même si ces modifcations résultent de la révision d'un accord collectif régulièrement déposé.

Cass. 2e civ 25-5-2023 n° 21-15.842 FS-B, H c/ GIE Bureau commun d'assurances collectives


Par Cécilia DECAUDIN
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©Gettyimages

Assureur et souscripteur peuvent modifier unilatéralement le contrat de prévoyance...

Pendant longtemps, avant l'entrée en vigueur de l'article L 140-4 du Code des assurances au 1er mai 1990, les modifications apportées à un contrat d'assurance groupe postérieurement à leur adhésion ont été inopposables aux assurés, faute de texte en disposant autrement. La jurisprudence faisait alors application du droit commun des contrats, notamment de l'article 1134 (devenu l'article 1103) du Code civil (Cass 1e civ. 25-1-1989 n° 87-10.880 P ; Cass 1e civ. 10-12-1996 n° 94-19.276). Il était alors difficile pour le souscripteur et l'assureur d'adapter le contrat en fonction de l'évolution des paramètres pris en compte lors de sa conclusion et des éventuelles circonstances nouvelles. Coexistaient ainsi au sein d'un même contrat des niveaux et conditions de couverture différents selon la date d'adhésion des assurés.

Afin de remédier à ces difficultés, la loi 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du Code des assurances à l'ouverture du marché européen a introduit dans ce Code un article L 140-4, afin de rendre opposables aux adhérents les modifications du contrat sous réserve du respect de certaines conditions. La loi 2005-1564 du 15 décembre 2005 a déplacé, avec quelques aménagements, les dispositions de l'article L 140-4 sous l'article L 141-4 du Code des assurances. En vertu de ce dernier texte, le souscripteur doit remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre. Il est également tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations. La preuve de la remise de la notice à l'adhérent et de l'information relative aux modifications contractuelles incombe au souscripteur.

A noter :

Ces dispositions confèrent ainsi à l'assureur et au souscripteur un droit exorbitant du droit commun, puisqu'ils peuvent modifier le contrat d'assurance groupe sans recueillir le consentement des adhérents. Sans doute est-ce pour cette raison que la jurisprudence a posé comme limite à son exercice l'abus de droit (Cass. 2e civ. 3-3-2016 n° 15-13.027 P).

... mais les modifications ne sont opposables à l'assuré que s'il en a été informé

Les textes ne précisent pas la sanction applicable en cas de défaut d'information par le souscripteur des modifications apportées au contrat d'assurance groupe, mais la jurisprudence a décidé que les modifications apportées au contrat initial sont inopposables à l'adhérent (Cass. 2e civ. 16-6-2011 n° 10-22.780 F-PB ; Cass. 2e civ. 7-3-2019 n° 18-10.735 F-D). C'est cette sanction que rappelle cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

En l'espèce, un salarié avait été placé en invalidité 2e catégorie par la caisse primaire d'assurance maladie en 2011. Il percevait, à ce titre, en sus des prestations servies par le régime général, deux rentes versées par deux organismes assureurs auprès desquels son employeur avait souscrit un contrat d'assurance groupe. Licencié pour inaptitude médicalement constatée en 2012, il avait repris une activité professionnelle à temps partiel en 2014. Les deux assureurs avaient alors cessé de lui servir une rente d'invalidité au motif que le contrat d'assurance groupe, dans sa version modifiée en 2014, excluait le maintien du service de la rente en cas de reprise d'une activité professionnelle. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel pour avoir jugé les modifications apportées au contrat opposables au salarié malgré le défaut de remise de la version modifiée de la notice d'information à l'adhérent.

Soucieuse de donner sa pleine portée à l'obligation d'informer l'adhérent, la deuxième chambre civile l'interprète avec rigueur. Elle précise ici que l'obligation ne souffre aucune exception et qu'elle s'applique aux contrats à adhésion obligatoire comme facultative. Ainsi, la circonstance que les modifications apportées au contrat d'assurance résultent de la révision de l'accord collectif ayant instauré le régime de prévoyance et que l'avenant à cet accord a été régulièrement déposé est sans incidence. Dans le même ordre d'idées, elle avait déjà jugé que le souscripteur ne peut pas se prévaloir de la parfaite connaissance du nouveau contrat par l'adhérent pour prouver qu'il a informé celui-ci en temps utile des modifications apportées (Cass. 2e civ. 7-3-2019 n° 18-10.735 F-D, précité). 

A noter :

La solution de l'arrêt du 25 mai 2023 a été rendue à l'égard de sociétés d'assurance soumises au Code des assurances, mais elle vaut également, selon nous, lorsque l'organisme assureur est une institution de prévoyance ou un organisme relevant du Code de la mutualité. En effet, l'article L 932-6 du Code de la sécurité sociale et l'article L 221-6 du Code de la mutualité prévoient des dispositions analogues à celles de l'article L 141-4 du Code des assurances.

Est indifférent le fait que la notice modifiée doit être remise par le souscripteur et non par l'assureur. Ce dernier ne peut pas se prévaloir, vis-àvis de l'adhérent, des nouvelles stipulations du contrat même s'il a régulièrement établi la nouvelle notice et l'a transmise au souscripteur. La carence du souscripteur ne permet pas ainsi à l'organisme assureur d'imposer à l'adhérent les nouvelles conditions du contrat. L'organisme assureur pourrait-il se retourner contre le souscripteur ? On peut le penser même si cela n'a pas été jugé. En revanche, la deuxième chambre civile a admis que la faute de l'assureur - le défaut d'établissement et de communication de la notice d'information au souscripteur - permet à ce dernier de se dégager de sa responsabilité (Cass. 2e civ. 15-5-2008 n° 07-14.354 FS-PB). 

Documents et liens associés

Cass. 2e civ 25-5-2023 n° 21-15.842 FS-B, H c/ GIE Bureau commun d'assurances collectives

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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