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Temps partiel : attention à la requalification sans répartition contractuelle du temps de travail !

L’absence de mention dans un contrat de travail à temps partiel de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois entraîne sa requalification en contrat de travail à temps complet.

Cass. soc. 17-11-2021 n°20-10.734 FS-B, F. c/ Sté 491


Par Valérie DUBOIS
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©iStock

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (C. trav. art. L 3123-14 dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016).

A noter :

Depuis l'intervention de la loi Travail du 8 août 2016, les dispositions de l’article L 3123-14 du Code du travail prévoyant les mentions que doit comporter le contrat de travail à temps partiel ont été reprises à l'article L 3123-6 du même Code qui figure au rang des dispositions d’ordre public.

Dans un arrêt du 17 novembre 2021, rendu dans le cadre juridique antérieur à la loi Travail mais dont la solution est, selon nous, transposable dans le cadre juridique actuel, la Cour de cassation fait une application stricte de ces dispositions légales dans une affaire où la répartition de la durée du travail d’un salarié à temps partiel entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n’est pas inscrite dans son contrat de travail mais peut se déduire des stipulations de celui-ci.

Le contrat à temps partiel doit fixer la répartition hebdomadaire ou mensuelle du temps de travail

En l’espèce, un salarié est engagé sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 86,67 heures de travail par mois et selon les horaires suivants, à son choix : 8h30 à 12h30 ou 14h00 à 18h00. Après avoir été licencié, il saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein. À l’appui de sa demande, il fait valoir que celui-ci ne mentionne pas la répartition de sa durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

La cour d’appel le déboute de sa demande, jugeant qu’il était soumis à un système d’horaires individualisés et qu’il ne pouvait pas prétendre que son contrat de travail ne faisait pas état d’une répartition de son temps de travail. Selon elle, celui-ci mentionnait une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, et les stipulations mêmes de cette clause laissaient nécessairement une très grande liberté au salarié dans l'organisation de son travail. Dès lors, il ne pouvait pas faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.

L’absence de répartition contractuelle du temps de travail entraîne la requalification à temps plein

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et censure la décision des juges du fond. Pour elle, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut pas être dérogé par l’employeur à l’obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Dès lors, ayant constaté que son contrat de travail ne mentionnait cette répartition, la cour d’appel ne pouvait pas débouter le salarié de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.

La Cour de cassation retient ainsi le caractère d’ordre public des mentions que doit comporter le contrat de travail à temps partiel et qui s’imposent à l’employeur, sauf en cas de dispenses ou d’assouplissements prévus par le législateur. Tel est le cas notamment pour les salariés des associations et des entreprises d’aide à domicile ou pour ceux relevant d’un accord collectif organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Le contrat de travail de ces salariés peut ne pas mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, en application des dispositions de l’article L 3123-14 du Code du travail, reprises à l’article L 3123-6 du même Code.

A noter :

On relèvera que, dans cet arrêt, la Cour de cassation reprend la règle qu’elle avait déjà énoncée dans une précédente décision de 2010 rendue en matière de portage salarial (Cass. soc. 17-2-2010 n° 08-40.671 FS-PBRI : RJS 4/10 n° 391) pour juger que la requalification de la relation contractuelle en temps complet s’impose à défaut de mention de la répartition de la durée du travail dans le contrat. Elle juge toutefois de manière constante que l'absence d'écrit mentionnant cette durée et sa répartition ne fait que présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui entend contester cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition (Cass. soc. 9-4-2008 n° 06-41.596 FS-PB : RJS 6/08 n° 729 ; Cass. soc. 11-5-2016 n° 14-17.496 FS-PB : RJS 7/16 n° 500).

La solution semble compatible avec la pratique d’horaires individualisés

Faut-il déduire de cet arrêt que le temps partiel est incompatible avec la pratique d’horaires individualisés ? À notre avis, il n’en est rien. La loi se borne en effet à exiger la mention de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine (ou entre les semaines du mois). Elle n’oblige pas l’employeur à mentionner l’horaire de travail.

En l’espèce, il aurait suffi à l’employeur, pour éviter la requalification, d’indiquer dans le contrat que le salarié effectuait 4 heures de travail par jour ouvré, du lundi au vendredi inclus. Rien n’empêchait en revanche d’indiquer ensuite que les 4 heures quotidiennes de travail pouvaient être effectuées par le salarié, selon son choix, soit de 8h30 à 12h30, soit de 14h à 18h.

Une limite toutefois : la pratique de tels horaires ne doit pas permettre de faire glisser des heures devant être effectuées durant un jour précis de la semaine (ou une semaine précise du mois) sur un autre jour (ou une autre semaine).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne