La loi Climat relative à la lutte contre l’artificialisation des sols, oblige les collectivités territoriales à intégrer dans leurs documents d’urbanisme des objectifs de réduction de la consommation des Enaf sur leurs territoires (Loi 2021-1104 du 22-8-2021 art. 194). À ce titre, la définition juridique de la consommation d’espaces naturels s’entend comme la création ou l’extension effective des espaces urbanisés sur le territoire concerné (Loi 2023-630 du 20-7-2023 art. 7).
Dans un fascicule relatif à la réforme du « zéro artificialisation nette » (ZAN), le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires complète cette définition en précisant que la transformation effective d’Enaf en espaces urbanisés relève d’un processus d’urbanisation observé sur le terrain entre deux dates rendant ainsi sa mesure indépendante du zonage réglementaire des PLU(i) ou des cartes communales. Un Enaf est considéré comme effectivement consommé à compter du démarrage effectif des travaux et non à compter de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme (Fascicule n° 1 du 21-12-2023 p. 11).
La commune de Cambrai conteste les énonciations du fascicule au motif que cette définition contraint, d’une part, à inclure dans le périmètre des Enaf des parcelles non encore bâties dans des zones urbanisées des PLU(i) et, d’autre part, à conditionner la mesure de la consommation des Enaf au démarrage effectif de travaux à la date de publication de la loi. Elle invoque une rupture d’égalité entre les collectivités quant à la répartition des objectifs de réduction de l’artificialisation à atteindre.
Le Conseil d’État confirme l’opposabilité des dispositions du fascicule prévoyant que les Enaf ne doivent être regardés comme consommés au sens de la loi Climat que lorsqu’ils perdent dans les faits leur usage naturel, agricole et forestier au profit d’un usage urbain et qu’ils sont dès lors effectivement transformés en espaces urbanisés. La seule circonstance qu’une parcelle soit située dans une zone urbaine d’un document d’urbanisme ne suffit pas à exclure que cette parcelle puisse, eu égard à ses caractéristiques et à son usage, être qualifiée d’Enaf. Il juge que, en indiquant que la mesure de la consommation effective d’Enaf est indépendante du zonage réglementaire des PLU(i) ou des cartes communales, les énonciations litigieuses du fascicule ont donné une interprétation de la loi Climat qui n’en méconnait ni le sens ni la portée. La requête de la commune est donc rejetée.
A noter :
Le Conseil d’État juge que le fascicule ministériel rédigé par la direction de l’aménagement, du logement et de la nature et mis en ligne sur le site internet du ministère est recevable à faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Il fait application de la jurisprudence selon laquelle les documents de portée générale, émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices (CE sect. 12-6-2020 n° 418142, Gisti).
En l’espèce, le fascicule étant destiné à l’ensemble des acteurs responsables de la mise en œuvre de la réforme dite « zéro artificialisation nette », notamment les services de l’État et les collectivités territoriales, il fait le point sur le droit en vigueur et illustre les dispositions législatives et réglementaires à prendre en compte. Ces énonciations sont donc susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.