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L’héritier sommé d’opter qui reste taisant est réputé acceptant pur et simple de plein droit

À défaut d’avoir pris parti dans le délai de deux mois à compter de la sommation qui lui a été faite d’exercer l’option successorale, l’héritier est de plein droit réputé acceptant pur et simple, sans qu’une décision de justice soit nécessaire.

Cass. 1e civ. 5-2-2025 n° 22-22.618 F-BR


Par Emmanuel de LOTH
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@Getty images

Un syndicat de copropriétaires créancier de charges impayées à l’encontre d’un copropriétaire décédé en 2017 somme les enfants de ce dernier d’exercer l’option successorale. Les enfants n’ayant pas pris parti à l’expiration du délai de deux mois suivant la sommation, le syndicat les assigne en paiement de la dette du défunt. Justifiant avoir par la suite renoncé à la succession, les enfants contestent.

La cour d’appel condamne les enfants solidairement, en qualité d’héritiers, à payer la dette de leur père. Elle relève à cet effet que le syndicat ayant bien sommé les enfants, le délai de deux mois imparti pour exercer l’option a valablement couru à compter de la sommation. À défaut d’avoir pris parti dans ce délai, les enfants ont perdu le droit de renoncer à la succession, de sorte que les actes de renonciation établis par eux après cette date étaient inopérants.

Pourvoi des enfants. Certes, à défaut d'avoir pris parti à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la sommation d'opter qui lui a été délivrée, ou, le cas échéant, d'un délai supplémentaire judiciairement accordé, l'héritier est réputé acceptant. Pour autant, il n'est pas privé de la faculté de renoncer efficacement à la succession, même après l'expiration de ces délais, tant qu'une décision judiciaire le déclarant acceptant pur et simple n'est pas encore passée en force de chose jugée.

La Cour de cassation rejette cette argumentation.

Elle rappelle tout d’abord le contenu des articles 771 et 772 du Code civil. Aux termes du premier, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession, l'héritier peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'État. Quant au second, il prévoit que, dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi. À défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple. Il en résulte, selon les Hauts Magistrats, qu'à l'expiration de ce délai, s'il n'a pas pris parti et n'a pas sollicité de délai supplémentaire auprès du juge, étant réputé acceptant pur et simple de la succession, l’héritier ne peut plus y renoncer, ni l'accepter à concurrence de l'actif net.

A noter :

1. Le pourvoi s’appuyait sur le droit antérieur à la réforme des successions et des libéralités de 2006 (Loi 2006-728 du 23-6-2006). Auparavant, seule une décision de justice pouvait réputer l’héritier acceptant pur et simple (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Les successions. Les libéralités, Dalloz 5e éd. 2024, n° 785). La jurisprudence relevait ainsi que l'héritier, qui ne pouvait être tenu de prendre parti sur la succession qui lui était échue pendant les délais pour faire inventaire et délibérer, pouvait encore renoncer à la succession s'il n'avait pas fait par ailleurs acte d'héritier, tant qu'il n'existait pas contre lui de jugement passé en force de chose jugée qui le condamne en qualité d'héritier pur et simple (voir notamment Cass. 1e civ. 4-3-1975 n° 73-14.859 : Bull. civ. I n° 94 ; Cass. 1e civ. 17-1-1984 n° 82-16.270 : Bull. civ. I n° 24 ; Cass. 1e civ. 28-2-2006 n° 03-21.048 : Bull. civ. I n° 130). Or, selon un auteur, cette solution serait toujours valable après la réforme de 2006 (J.-Cl. Civil Code, Art. 768 à 781 par A. Sériaux, n° 13, estimant que, malgré son caractère laconique, l'article 772, alinéa 2 ne paraît pas condamner la solution antérieure). Cette opinion est toutefois restée, à notre connaissance, isolée (dans le même sens, rapport de Mme Lion, conseillère référendaire, p. 7). Quoi qu’il en soit, le point est désormais tranché par la décision rapportée. Depuis la réforme de 2006, applicable au 1er janvier 2007, l’héritier sommé qui ne prend pas parti à l’issue du délai de deux mois est de plein droit réputé acceptant pur et simple, sans qu’une décision de justice soit nécessaire (déjà en ce sens, F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, précité ; Rép. civ. Dalloz, V° « Succession : transmission » par R. Le Guidec et C. Lesbats, n° 45 ; C. Pérès et C. Vernières : Droit des successions, PUF 2018, n° 510 ; P. Malaurie et C. Brenner : Droit des successions et des libéralités, LGDJ 11e éd. 2024, n° 137).

2. Le fait que l’héritier taisant soit réputé acceptant pur et simple, et non renonçant, est l’un des rares points de la réforme de 2006 qui a été véritablement débattu. Car, comme l’a relevé le professeur Malaurie, « quelle drôle d’idée de réputer acceptant quelqu’un qui, sommé de prendre parti, refuse d’accepter ! » (P. Malaurie, Examen critique du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités : Defrénois 30-12-2005 n° AD2005DEF1963N1 p. 1963). Sanctionner le silence de l’héritier par la renonciation aurait été plus conforme au bon sens (si l’héritier se tait, c’est parce qu’il n’est pas intéressé par la succession) et aux règles successorales (l’héritier qui n’a pas pris parti à l’issue du délai de prescription est réputé renonçant). Mais l’acceptation pure et simple a paru être une sanction plus efficace (voir également S. Mazeau-Leveneur, Les conséquences du silence de l’héritier sur l’option successorale : JCP N 2012 n° 1399 § 15, qui évoque un « dispositif particulièrement efficace pour surmonter l’inertie d’un héritier taisant »). Comme l’a indiqué le ministre de la Justice le 16 mai 2006 devant les sénateurs lors de la discussion du projet de loi, « la sommation est généralement faite par des créanciers qui souhaitent être payés et ont besoin, pour cela, que l’héritier dise s’il accepte ou non la succession. Si la sanction du silence de l’héritier est la renonciation, les créanciers n’auront plus intérêt à faire cette sommation. […] En outre, si l’héritier est protégé par une renonciation automatique en cas de silence, il n’aura aucun intérêt à faire savoir qu’il renonce lorsque la succession est déficitaire. »

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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