Objet de plusieurs projets successifs, très attendu depuis la fusion des régimes de retraite complémentaire obligatoire Agirc et Arrco au 1er janvier 2019, le décret actualisant les critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire collective est enfin paru au Journal officiel.
Une actualisation très attendue
Les cotisations patronales de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire bénéficient d’une exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale (on parle de « régime social de faveur »), à condition, notamment, de revêtir un caractère collectif. Est considéré comme tel un régime bénéficiant à l’ensemble des salariés ou seulement à une partie d’entre eux appartenant à une catégorie établie à partir d’un ou plusieurs critères objectifs définis par voie réglementaire.
L’article R 242-1-1 du Code de la sécurité sociale a fixé 5 critères possibles, dont les deux premiers, figurant au 1° et au 2° de ce texte, font référence aux définitions données par la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 pour son champ d'application et aux tranches de rémunération fixées, pour le calcul des cotisations, par cette convention ou par l'accord national interprofessionnel (ANI) de retraite complémentaire du 8 décembre 1961.
Or, en dépit du fait que les dispositions de ces deux textes ont été entièrement remplacées, le 1er janvier 2019, par celles de l’ANI du 17 novembre 2017 instituant le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire, complété par l’ANI du même jour relatif à la prévoyance des cadres, l’article R 242-1-1 du CSS n’avait pas été actualisé, non plus que l’article R 242-1-2, qui faisait également référence au premier de ces textes.
C’est désormais chose faite.
A noter :
Cette absence de mise à jour prolongée a fait couler beaucoup d’encre, certains auteurs soutenant que l'entière révision de la convention du 14 mars 1947 et de l’accord national interprofessionnel du 8 décembre 1961 avait pour effet que les contributions patronales finançant des garanties de protection sociale complémentaire (PSC) instaurées par des actes faisant référence à cette convention et/ou à cet accord - actes nombreux en pratique - risquaient de ne plus ouvrir droit au régime social de faveur depuis le 1er janvier 2019. Des voix s’étaient élevées à l’encontre de cette thèse. Voir par exemple l’article de Nelly Jean-Marie, « Fusion Agirc-Arrco : quelles incidences pour les régimes de protection sociale d'entreprise ? » (FRS 2/19 inf. 17 p. 49), qui faisait valoir, entre autres arguments, que « les règles d'exonération en vigueur applicables aux régimes de PSC continuent d'y faire référence et qu'il est toujours possible concrètement de les mettre en oeuvre, notamment en se référant aux tables de correspondances permettant d'identifier les salariés relevant des articles « 4 bis et 36 » en fonction de leur place dans la classification professionnelle de branche dont ils relèvent. » Au demeurant, la DSS avait pris position en faveur du maintien de l’exonération plafonnée de cotisations à partir du 1er janvier 2019, mais dans des textes non opposables (Lettre DSS au CTIP du 13-12-2018, visant les seuls accords collectifs ; Lettre DSS du 25-2-2019 à l'Acoss et à la Caisse centrale de la MSA visant la seule retraite supplémentaire).
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Cadres, assimilés et intégrés : un périmètre maintenu ou qui pourra l’être
Ouvrent droit, pour les contributions qui les financent, à l’exemption d’assiette les garanties de protection sociale complémentaire bénéficiant à une ou plusieurs catégories de salariés définies à partir de l’appartenance aux catégories des cadres et des non-cadres résultant de l’application des articles 2.1 et 2.2 de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres (CSS art. R 241-1-1, 1° modifié).
Le décret permet d'intégrerà la catégorie des cadres pour le bénéfice des garanties collectives de protection sociale complémentaire certains salariés définis par accord national interprofessionnel ou professionnel ou convention de branche, sous réserve que l’accord ou la convention soient agréés par la commission paritaire Apec prévue par l’article 3 de l’ANI du 17 novembre 2017 (CSS art. R 241-1-1, 1° modifié).
Au plan formel, la référence à la convention du 17 mars 1947 figurant dans l’article R 242-1-2 du CSS est également remplacée par une référence à l’ANI du 17 novembre 2017 (CSS art. R 242-1-1 2° modifié).
A noter :
Les catégories de cadres et de non-cadres résultant de l’application des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 sont les mêmes que celles prévues respectivement aux articles 4 et 4 bis de la convention du 14 mars 1947.
Les anciens « article 36 » de l’annexe I de la même convention ne sont pas directement repris dans le nouveau texte, mais pourront l'être au sein du groupe des salariés pouvant être intégrés à la catégorie des cadres par voie d'accord ou de convention avec l'agrément de la commission Apec (Association pour l'emploi des cadres).
Comme souligné dans l’exposé des motifs du décret, pour des raisons de stabilité de la norme et de sécurité juridique, le texte maintient le périmètre actuel des catégories de cadres et de non-cadres en permettant aux branches professionnelles, pour le bénéfice de garanties de protection sociale complémentaire, de pouvoir assimiler à des cadres des catégories de salariés ne correspondant pas aux définitions établies par les ANI du 17 novembre 2017, dès lors que les catégories cadres et non-cadres ainsi définies sont validées par la commission paritaire rattachée à l’Apec.
Les seuils de rémunération : rien n’a changé
Ouvrent également droit au régime social de faveur les garanties bénéficiant à une ou plusieurs catégories de salariés définies à partir d’un seuil de rémunération égal au plafond de la sécurité sociale ou à 2, 3, 4 ou 8 fois ce plafond, étant précisé que ne peut pas être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède 8 fois le plafond (CSS art. R 242-1-1, 2° modifié).
Les règles antérieures restent donc inchangées.
Une entrée en application différée et une période transitoire de 2 ans
Le décret du 30 juillet 2021 entrera en vigueur le 1er janvier 2022.
Les contributions de protection sociale complémentaire bénéficiant, à cette date, de l’exclusion plafonnée de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application des articles R 242-1-1 et R 242-1-2 du CSS dans leur rédaction antérieure à son entrée en vigueur et ne remplissant pas les conditions fixées par les dispositions des articles modifiés continuent d’en bénéficier jusqu’au 31-12-2024, sous réserve qu’aucune modification des accords, conventions ou décisions unilatérales de l’employeur relative au champ des bénéficiaires des garanties n’intervienne avant cette date (Décret art. 2).
A notre avis :
Les entreprises ont donc jusqu’au 31 décembre 2024 pour modifier l’accord collectif, l’accord ratifié ou la décision unilatérale instituant des garanties de protection sociale complémentaire qui se référeraient à la convention du 17 mars 1947 et/ou à l’accord interprofessionnel du 8 décembre 1961.
Le contrat d'assurance groupe ou le règlement d'assurance devra également être mis en conformité, avant le 1er janvier 2025, avec la nouvelle rédaction de l'article R 242-1-1 du CSS issu du décret du 30 juillet 2021.
Si aucune modification des accords, conventions ou décisions unilatérales de l’employeur ne peut intervenir quant au champ des bénéficiaires des garanties, sous peine de remise en cause du régime social de faveur, il en résulte, a contrario, que d’autres modifications sont possibles, par exemple du niveau des cotisations ou des garanties.