La chambre sociale de la Cour de cassation poursuit la construction de sa jurisprudence sur la prescription applicable à l'action en requalification d'un CDD en CDI. Elle a tranché dans un arrêt du 29 janvier 2020 la question de la durée du délai de prescription en décidant que cette action se rattache à l'exécution du contrat de travail. Le salarié dispose donc d'un délai de 2 ans pour agir sur le fondement de l'article L 1471-1 du Code du travail (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-15.359 FS-PBI). La chambre sociale s'attache dorénavant à définir le point de départ de l'action, lequel varie en fonction du motif de requalification invoqué.
L'action en requalification fondée sur le non-respect du délai de carence entre 2 CDD successifs …
En l'espèce, une salariée avait été engagée en qualité d'aide-cuisinière sous plusieurs CDD de remplacement non successifs, du 24 avril au 11 septembre 2009. Le 1er septembre 2009, les parties avaient conclu un contrat pour surcroît d'activité pour la journée du 12 septembre 2009. La relation s'était poursuivie en CDD, puis en CDI. Faisant valoir le non-respect du délai de carence entre le dernier contrat de remplacement et celui conclu pour surcroît d'activité, prévu à l'article L 1244-3 du Code du travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 28 mai 2014 en requalification du CDD en CDI à compter du 12 septembre 2009.
La cour d'appel a déclaré la demande prescrite le 1er septembre 2013 (au lieu du 1er septembre 2014, manifestement à la suite d'une erreur de calcul), en retenant comme point de départ la date de signature du contrat litigieux, question non discutée par le pourvoi. L'arrêt du 5 mai 2021 fournit à la Haute Juridiction l'opportunité de définir un autre point de départ de l'action fondée sur le non-respect du délai de carence entre 2 contrats successifs.
À la date des faits, c'est la prescription quinquennale issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 qui s'appliquait, de sorte que la cour d'appel aurait dû retenir la date butoir du 1er septembre 2014 et déclarer l'action de la salariée recevable. La réduction du délai de prescription à 2 ans issue de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 s'est appliquée à la prescription en cours, la salariée ayant saisi la juridiction prud'homale le 24 mai 2014, mais a été sans incidence en l'espèce. La Cour rappelle, en effet, que le nouveau délai de 2 ans court à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
… court du premier jour d'exécution du CDD conclu sans délai de carence
La chambre sociale rappelle qu'aux termes de l'article L 1471-1 du Code du travail, la prescription court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Elle en déduit que le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI, fondée sur le non-respect du délai de carence entre 2 contrats successifs, court à compter du premier jour d'exécution du second de ces contrats et non pas, comme l'avait retenu la cour d'appel, à compter du jour de la signature du contrat.
A notre avis :
Cette solution est justifiée. Si le contrat n'avait pas été exécuté, ou si l'exécution avait été différée dans le temps, la salariée n'aurait pas pu se fonder sur le non-respect du délai de carence pour solliciter la requalification du CDD en CDI.
La solution s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour de cassation
La solution est cohérente avec celles précédemment admises par la Cour dans les contentieux relatifs au point de départ de l'action en requalification du CDD. Ainsi, la Cour retient que le point de départ du délai de prescription d'une action en requalification de CDD en CDI est le jour de la signature du contrat lorsque la requalification est encourue en raison du défaut d'une mention susceptible d'entraîner la requalification (Cass. soc. 3-5-2018 n° 16-26.437 FS-PB). En effet, un défaut de mention (absence de signature, absence d'indication du motif de recours, défaut de précision du terme…) se révèle dès la signature du contrat.
Lorsque la requalification est encourue en raison du motif du recours au CDD énoncé au contrat, le point de départ de l'action en requalification est, en revanche, constitué par le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat (Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-15.359 précité). Il est, en effet, difficile de déterminer objectivement la date à laquelle le salarié a eu connaissance de l'inexactitude du motif mentionné dans le contrat ou du caractère permanent de l'emploi occupé.
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