L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un refus de permis de construire ou d’aménager et ordonnant sa délivrance, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire, fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de fait, le permis sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative.
Pour la cour administrative d’appel de Nancy, il n’en va autrement que pour un motif nouveau de salubrité ou de sécurité publique qui ne figurait ni parmi les motifs que l'autorité compétente avait énoncés dans sa première décision, ni parmi ceux qu'elle a pu invoquer dans l’instance du jugement ayant autorité de chose jugée.
A noter :
Lorsque l’autorité compétente refuse un permis, elle doit mentionner dans sa décision l'intégralité des motifs justifiant ce refus (C. urb. art. L 424-3, al. 2). Si sa décision est attaquée, elle peut encore faire état dans le cadre de l’instance de motifs dont elle ne s’était pas avisée lors de l’instruction de la demande. Le juge lui-même peut constater qu’un motif auquel l’administration n’a pas songé fait obstacle à la délivrance du permis. En l’absence de motif légal de refus, la décision est annulée et le juge ordonne la délivrance du permis (Avis CE 25-5-2018 n° 417350, Préfet des Yvelines : BPIM 4/18 inf. 238 ; D. Chauvaux, « Contentieux du refus des autorisations d'urbanisme : Le Conseil d'État précise les pouvoirs du juge » : BPIM 4/18 inf. 238).
En cas d’injonction du juge, l’autorité compétente est normalement tenue d’accorder le permis sollicité. Cependant, elle peut opposer un nouveau refus si la situation de fait a changé de telle manière qu’il n’est plus possible de délivrer légalement ce permis. L’arrêt commenté de la cour administrative d’appel de Nancy ajoute une autre exception : en l’absence même d’un changement de circonstances, un motif dont il n’a été question ni dans la motivation du refus annulé ni au cours de l’instance relative à ce refus peut fonder légalement un nouveau refus s’il concerne la salubrité ou la sécurité publique.
Il faut, bien sûr, que ce motif soit fondé. Tel n’était pas le cas dans cette affaire qui concernait un permis d’aménager un lotissement. Pour opposer un nouveau refus, le maire s’était fondé sur un motif nouveau tiré de l’impossibilité d’accroître la capacité du forage assurant l’alimentation en eau potable de la commune. Mais la cour a constaté que l’alimentation du lotissement pouvait être assurée par un autre biais. Dans ces conditions, le nouveau refus était illégal.
L’innovation consistant à permettre d’opposer un motif nouveau de refus dès lors qu’il concerne la salubrité ou la sécurité publique ne paraît pas entièrement évidente et appellera une confirmation de la part du Conseil d’État.