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La nouvelle lecture des conventions fiscales bilatérales

La Convention multilatérale sur la mise en œuvre de mesures fiscales visant à prévenir l’érosion des bases et le transfert de bénéfices (Beps) est à ce jour signée par 84 juridictions dont la France et entrera en vigueur pour la France le 1er janvier 2019. Le réseau conventionnel de la France se trouve modifié par cette ratification. Agnès de l’Estoile-Campi et Xavier Daluzeau, avocats spécialisés en fiscalité internationale, associés du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats répondent aux questions que pose cette entrée en vigueur imminente.


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Pouvez-vous préciser l’impact immédiat de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de la Convention multilatérale OCDE pour la France ?

Agnès de l’Estoile-Campi : En premier lieu, certaines conventions fiscales ne seront pas impactées car elles ne sont pas notifiées par la France ou par les autres Etats.

En second lieu, pour les conventions fiscales notifiées conjointement par la France et les autres Etats, il faut bien distinguer entrée en vigueur et prise d’effet. A partir de 2019, les dispositions de la Convention multilatérale (ou IM pour « Instrument multilatéral ») prennent effet pour les conventions bilatérales, dites « couvertes », conclues par la France à compter de la dernière des dates d’entrée en vigueur pour les Etats concernés.

Par exemple, la convention franco-britannique se lira telle que modifiée par l’IM dès le 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur pour la France dès lors que l’IM est déjà entrée en vigueur au 1er octobre 2018 pour le Royaume-Uni. Pour celles des conventions bilatérales, très majoritaires, qui au 1er janvier 2019 ne seront entrées en vigueur que pour la France, elles prendront effet au fur et à mesure de leur entrée en vigueur pour les différentes Juridictions contractantes concernées.

Quels sont les changements les plus fréquemment rencontrés pour les conventions modifiées ?

Xavier Daluzeau : Toutes les conventions couvertes ne sont pas impactées avec la même ampleur dans la mesure où les modifications issues de l’IM dépendent des options et des éventuelles réserves notifiées par chacune des parties et pour chaque convention couverte.

Parmi les thèmes susceptibles, au cas par cas, de venir substantiellement modifier les conventions couvertes, on retrouve notamment :

- la définition de l’établissement stable avec une mesure visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable par le recours aux exceptions applicables à certaines activités spécifiques ou par le recours à des accords de commissionnaires et autres stratégies similaires ;

- la clause destinée à prévenir l’utilisation abusive des conventions, qui est un standard minimum requis par l’IM ;

- la clause sur les ajustements corrélatifs correspondant à l’article 9, 2 du Modèle de convention OCDE ;

- l’aménagement de la clause « dividendes » sur la limitation de la retenue à la source en fonction d’une condition de détention à satisfaire sur une durée de 365 jours ;

- l’amélioration de la procédure amiable pour le règlement des situations de doubles impositions internationales, qui est également un standard minimum requis par l’IM ;

- l’arbitrage obligatoire et contraignant, au choix des Etats.

Pour le réseau conventionnel français, combien dénombre-t-on de conventions modifiées par l’IM ?

Xavier Daluzeau : Parmi l’ensemble de son réseau conventionnel, soit plus de 120 conventions, la France a notifié pas moins de 91 conventions bilatérales comme étant couvertes par l’IM. Pour autant, les Juridictions signataires de l’IM sont à ce jour au nombre de 84 et toutes n’ont pas systématiquement notifié la convention bilatérale conclue avec la France au nombre des conventions qu’elles souhaitent voir couvertes.

En définitive, on dénombre au sein du réseau conventionnel français 67 conventions impactées par l’IM. Parmi ces 67 conventions, au 1er janvier 2019, 11 conventions bilatérales couvertes pour la France et les Juridictions partenaires entrent effectivement en vigueur dans leur version modifiée pour chacune des parties. Il s’agit des conventions conclues avec l’Australie, l’Autriche, Israël, le Japon, la Lituanie, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovénie et la Suède.

Quelles sont vos préconisations de lecture des conventions modifiées ?

Agnès de l’Estoile-Campi : La lecture des conventions modifiées passe nécessairement par leur consolidation avec les clauses pertinentes de l’IM. Or, à ce jour, il n’existe pas de consolidation officielle des conventions fiscales concernées, ni par l’OCDE ni par l’administration fiscale française. Certaines administrations étrangères ont entamé cet exercice de consolidation.

L’OCDE qui, depuis plusieurs mois, a mis à disposition une base de données comportant pour chaque convention couverte les dispositions de l’IM qui la modifient (http://www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/base-de-donnees-pour-l-appariement-de-l-im.htm) vient de mettre en ligne en novembre 2018 un guide de consolidation d’une centaine de pages pour aider à cet exercice complexe, fastidieux et néanmoins indispensable de réconciliation des clauses de l’IM avec les clauses des conventions couvertes (http://www.oecd.org/tax/treaties/beps-mli-guidance-for-the-development-of-synthesised-texts.pdf).

En tant que praticiens de la fiscalité internationale au quotidien, nous éprouvons le besoin depuis plusieurs mois de disposer d’une version consolidée des conventions couvertes qui permette une lecture directe et fluide du texte de ces conventions. L’enjeu crucial pour nous est de disposer d’un outil de travail d’une fiabilité irréfutable dans son contenu et facile d’utilisation pour appréhender l’impact de l’IM et en tirer des recommandations utiles pour les clients que nous assistons sur ces sujets. Il est évidemment exclu d’avoir à réitérer cet exercice de consolidation, qui requiert une maîtrise parfaite de l’approche méthodologique de l’IM à chaque fois que nous avons à consulter telle ou telle convention couverte. Il nous a paru en effet indispensable de pouvoir anticiper l’impact de l’IM avant sa prise d’effet afin de détecter les situations potentiellement à risque en France ou à l’étranger et permettre à nos clients de prendre les mesures nécessaires pour cantonner le risque.

C’est pourquoi, avec mon associé Xavier Daluzeau, nous avons pris les devants et nous sommes attelés, avec le concours des Editions Francis Lefebvre, à la consolidation des conventions couvertes par la France. Ce faisant, nous avons également considéré faire œuvre utile pour contribuer à la sécurité juridique des contribuables, particuliers et sociétés, et à l’intelligibilité de la norme, même si les textes consolidés n’ont pas de valeur opposable.

Xavier Daluzeau : Les premièresconventions consolidées sont disponibles sur l’espace abonnés Navis des Editions Francis Lefebvre depuis fin novembre 2018, dans la rubrique FISCALITE INTERNATIONALE. Il s’agit des conventions bilatérales signées par la France et l’Allemagne, la Belgique, la Chine, l’Egypte, l’Espagne, l’Inde, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Russie. Elles sont présentées en l’état des réserves et notifications émises au 1er octobre 2018. Nous poursuivons ce travail de consolidation sur les autres conventions couvertes qui seront intégrées à Navis au fur et à mesure dans les mois qui viennent.

Nous sommes parfaitement en phase avec les préconisations de consolidation de l’OCDE. Mais là où le guide de consolidation recommande l’insertion tel quel des clauses de l’IM dans les conventions couvertes avec l’indication de la source des clauses sélectionnées, nous avons poussé l’exercice de consolidation jusqu’à une intégration totale des clauses utiles de l’IM dans les conventions couvertes avec un aménagement rédactionnel minime mais suffisant pour permettre au praticien une lecture directe des conventions consolidées, comme si la consolidation existait depuis l’origine du texte. Nous donnons ainsi au lecteur un confort de lecture inégalé, une assurance quant au contenu et lui épargnons un effort d’interprétation qui est source d’erreur et constitue une perte de temps.

Par Agnès de l'ESTOILE-CAMPI, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats



et Xavier DALUZEAU, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne