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La branche peut écarter le délai de carence entre les CDD conclus pour accroissement d’activité

Un accord de branche étendu peut prévoir d'écarter l'application du délai de carence entre deux contrats précaires successifs dont l'un est conclu pour motif d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

CE 19-5-2021 n° 426825, FTM-CGT


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Pour contenir le risque d’abus dans le recours aux contrats précaires, le Code du travail prévoit l’application de principe d’un délai de carence entre deux contrats successifs conclus sur un même poste, avec le même salarié ou deux salariés différents. Cette règle, valable aussi bien pour les CDD que pour les contrats de mission, connaît toutefois, depuis l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, des aménagements possibles par le biais de la négociation de branche.

Saisi d'une requête en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté d'extension d'un accord national professionnel conclu dans le secteur de la métallurgie aménageant, notamment, les cas d'application du délai de carence, le Conseil d'Etat s'est prononcé, dans un arrêt rendu le 19 mai 2021 sur la faculté ainsi offerte aux partenaires sociaux.

Un accord de branche écarte l’application du délai de carence en cas d’accroissement d’activité

Les articles 1.2 et 4.2 de l’accord collectif du 29 juin 2018 relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire conclu dans le secteur de la métallurgie excluent, notamment, l’application du délai de carence prévu par les articles L 1244-3 et L 1251-36 du Code du travail lorsque l’un des deux CDD ou contrats de travail temporaire successifs est conclu pour un motif d’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.

La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT) a demandé au Conseil d’État d’annuler l’arrêté d’extension de cet accord rendant ses stipulations obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d’application dans le cas où cet accord serait invalidé par le juge judiciaire, après avoir sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé.

Au soutien de sa demande, la FTM-CGT faisait valoir que le motif d’accroissement temporaire d’activité représentant, dans les faits, la majorité des cas de recours aux contrats précaires, la suppression du délai de carence pour ce motif de recours aboutissait à rendre presque inapplicable ce délai, en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 et L 1251-5 du Code du travail qui prévoient qu’aucun CDD ou contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La suppression du délai de carence ne porte pas atteinte à la subsidiarité des CDD par rapport au CDI...

Le Conseil d’État rejette la requête de la FTM-CGT. Il rappelle dans un premier temps qu’en vertu des articles L 1244-4 et L 1251-37 du Code du travail le législateur a entendu confier aux partenaires sociaux de la branche la faculté de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence, prévu aux articles L 1244-3 et L 1251-36 du même Code, n'est pas applicable.

Ainsi, que ce soit pour les contrats à durée déterminée ou pour les contrats de mission, un accord ou une convention de branche étendu est autorisé à fixer la liste des cas de recours aux contrats précaires pour lesquels le délai de carence ne trouve pas à s’appliquer. L’argument des requérants, qui faisaient valoir que la suppression du délai de carence pour les contrats conclus au titre d’un accroissement temporaire d’activité méconnaissait le principe de subsidiarité des contrats à durée déterminée par rapport au contrat à durée indéterminée était dès lors voué à l’échec.

… seul compte le respect, par les partenaires sociaux, des dispositions d’ordre public

Il souligne, toutefois, que cette faculté est soumise à la condition que les stipulations des accords ou conventions ainsi conclus ne portent pas préjudice aux dispositions, d'ordre public, des articles L 1242-1 et L 1251-5 du Code du travail relatives à l’interdiction de pourvoir durablement un emploi permanent.

Or, dans cette affaire, l’accord du 29 juin 2018 prend expressément cette précaution, impliquant ainsi, comme le juge le Conseil d’État, que ses dispositions ne trouvent pas à s’appliquer en présence de situations relevant des dispositions d'ordre public précitées. Ainsi, les partenaires sociaux ont bien respecté les conditions que le législateur a souhaité imposer à la négociation collective sur ce thème.

Il en résulte que la requête de la FTM-CGT visant à annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 23 décembre 2018 au motif qu’il ne pouvait, sans méconnaître les dispositions d’ordre public des articles L 1242-1 et L 1251-5 du Code du travail, étendre les stipulations de l'accord du 29 juin 2018 permettant de ne pas appliquer le délai de carence lorsque l'un des contrats successifs est conclu en raison de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, ne pouvait qu'être écartée.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne
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Adaptation du délai de carence entre 2 CDD : les branches ont les coudées franches

Le Conseil d’État ayant eu à se prononcer sur la légalité d’une clause d’un accord collectif de la métallurgie réduisant l’application du délai de carence entre 2 CDD à des cas très marginaux, nous publions les conclusions rendues dans cette affaire par son rapporteur public, qui fait le point sur l’étendue du pouvoir des négociateurs de branche en la matière.


Par Raphaël CHAMBON, Rapporteur public au Conseil d’État
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