icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Social

Maladie pendant les congés payés : la Cour de cassation acte le droit au report des jours de congé

Se conformant au droit de l’Union, la Cour de cassation juge désormais que l’arrêt de travail pour cause de maladie intervenu pendant la prise des congés payés emporte le report des congés payés coïncidant avec la maladie, si le salarié a notifié son arrêt de travail à l’employeur.


Par Cécile HORREARD
quoti-20251001-socialune.jpg

©Cour de cassation

Cass. soc. 10-9-2025 n° 23-22.732 FP-BR, G. c/ Assoc. Gimac santé au travail

Par un arrêt du 10 septembre 2025 destiné à la publication au Bulletin des chambres civiles et à son rapport annuel, la Cour de cassation met fin à sa jurisprudence déniant au salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés le droit de prendre ultérieurement le congé dont il n'a pas pu bénéficier du fait de son arrêt de travail. Désormais, un salarié en arrêt maladie pendant ses congés a droit à ce qu’ils soient reportés dès lors que l’arrêt est notifié à l’employeur.

L’affaire soumise à la Cour lui donne également l’occasion de se prononcer sur le point de départ de la prescription d’une action de l’employeur en répétition de l’indemnité de congé payé versée indûment.

La maladie survenant pendant les congés payés en permet le report

Une construction jurisprudentielle…

Jusqu’à ce revirement, le salarié qui tombait malade pendant ses congés payés ne bénéficiait pas d’un report des jours de congé coïncidant avec la période de maladie, l'employeur s'étant acquitté de son obligation à son égard (Cass. soc. 4-12-1996 n° 93-44.907 P : RJS 1/97 n° 50).

A notre avis :

Selon la jurisprudence, le salarié malade au cours de ses congés cumule son indemnité de congé payé calculée normalement et les indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) (Cass. soc. 26-11-1964 n° 64-40.165). En revanche, l’employeur ne verse pas d’indemnité complémentaire de maladie en complément des prestations de la sécurité sociale (Cass. soc. 2-3-1989 n° 86-42.426 P : RJS 4/89 n° 337) sauf dispositions plus favorables. La question se pose de savoir si ces solutions continueront de s’appliquer dans le cas où le salarié n’envoie pas son arrêt de travail à l’employeur et ne sollicite donc pas le report des congés payés coïncidant avec la période de maladie.

La jurisprudence faisait prévaloir la première cause de suspension du contrat de travail : le contrat étant déjà suspendu par les congés payés, la survenance de la maladie n'interrompait pas ce congé et ne modifiait pas l'étendue des obligations de l'employeur envers le salarié. A contrario, en cas de maladie avant le départ en congé payé, le salarié conservait ses droits et pouvait bénéficier d’un report après la période d’arrêt de travail (Cass. soc. 16-2-1999 n° 96-45.364 P : RJS 4/99 n° 532). Cette construction jurisprudentielle venait combler une lacune de la loi, aucune disposition légale ne régissant la situation du chevauchement entre périodes de congé payé et de maladie, mais aucune n’interdisant non plus le report des jours de congé coïncidant avec les jours d’incapacité de travail.

… contraire au droit européen

La solution était contraire au droit européen, qui érige le droit au congé annuel au rang des principes essentiels du droit social de l’Union (CJUE 6-11-2018 aff. 569/16 et 570/16 : RJS 2/19 n° 1344) et qui distingue la finalité du droit au congé annuel payé de celle de la maladie. Celle du congé annuel est de permettre au salarié de se reposer et de disposer d'une période de détente et de loisirs tandis que celle du congé de maladie est de lui permettre de se rétablir d'une maladie engendrant une incapacité de travail (CJCE 20-1-2009 aff. 350/06 : RJS 4/09 n° 406 ; CJCE 10-9-2009 aff. 277/08 : RJS 12/09 n° 990). Le droit européen s’oppose à la perte du droit à congé lorsqu’une incapacité de travail survient pendant une période de congé annuel fixée au préalable (CJUE 21-6-2012 aff. 78/11 : RJS 8-9/12 n° 751).

Ce revirement était attendu et permet à la France de se mettre en conformité avec le droit européen alors qu’elle a fait l’objet d’une mise en demeure par la Commission européenne de s’expliquer et de remédier à ce manquement aux règles de l'UE sur le temps de travail en juin 2025 (voir actualité du 1-9-2025).

A noter :

La solution était remise en cause à la fois par la cour d’appel de Versailles, dont l’arrêt n’avait pas fait l’objet d’un pourvoi (CA Versailles 18-5-2022 n° 19/03230 : RJS 12/22 n° 615), et par le ministère du travail, qui, depuis 2024, conseille aux entreprises de ne plus appliquer la jurisprudence du 4 décembre 1996 afin « d'éviter tout contentieux inutile », mais de s'inspirer de la jurisprudence de la cour d'appel de Versailles et d'appliquer aux congés reportés les règles de report issues de la loi du 22 avril 2024, conseil renouvelé sur son site internet le 17 septembre 2025.

Dans la notice qui figurera au rapport annuel de la Cour de cassation, la chambre sociale explique que, jusqu’à l’affaire commentée, aucun pourvoi ne lui avait permis de réexaminer sa jurisprudence au regard du droit de l’Union.

La situation de fait soumise à l’examen de la Haute Juridiction…

En l’espèce, une salariée médecin du travail travaille à temps partiel les mardis toute la journée et jeudis matin, soit 1,5 jour hebdomadaire ; elle dispose de l’ensemble des vacances scolaires en contrepartie de vacations complémentaires pour son employeur. Après son départ en retraite au 31 décembre 2016, la salariée saisit le 9 mai 2017 le conseil de prud’hommes d’une demande d’heures complémentaires. Mais au cours de l’instance, l’employeur constate qu’il a mal décompté les congés payés de l’intéressée et a indemnisé un nombre excédentaire de jours de congé. Il forme une demande reconventionnelle le 19 mars 2018 limitée aux périodes de prise de congés qui étaient en cours pendant les 3 années précédant la rupture (du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, à hauteur de 46 jours excédentaires, du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, de 45 jours, du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, de 47 jours, du 1er juin 2016 au 31 décembre 2016, de 33 jours). La salariée est condamnée à lui payer plus de 58 000 € en remboursement de congés excédentaires et interjette appel.

La cour d’appel de Paris confirme la décision sur le fond mais infirme le quantum ; rappelant la jurisprudence de la CJUE du 21 juin 2012, elle déduit du nombre de jours de congé excédentaires 20 jours pendant lesquels la salariée était en arrêt maladie pendant ses congés. Les parties forment chacune un pourvoi en cassation.

… lui permet de changer son interprétation de la loi

Le salarié en arrêt pendant ses congés peut bénéficier ultérieurement des jours de congé coïncidant avec la maladie…

Après avoir rappelé les termes de l’article L 3141-3 du Code du travail (« le salarié a droit ....La suite de cet article est réservée aux abonnés au Feuillet Rapide Social

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Mémento Agriculture 2025-2026
social -

Mémento Agriculture 2025-2026

Maîtrisez les règlementations propres au secteur de l’agriculture
169,00 € TTC