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La réforme des retraites est promulguée

Recul progressif de l’âge légal de départ en retraite et augmentation de la durée de cotisation sont les principales mesures de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui porte la réforme des retraites. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, qui a notamment amputé la loi de son volet sur l'emploi des seniors, nous faisons le point sur cette réforme d’ampleur.

Loi 2023-270 du 14-4-2023 : JO 15


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©Gettyimages

La réforme des retraites va pouvoir s’appliquer, après la promulgation et la publication au Journal officiel de la loi qui la porte (Loi 2023-270 du 14-4-2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 : JO 15), amputée par les Sages de son volet sur l’emploi des seniors, des mesures instituant un entretien à 45 ans en cas de faible durée d’assurance et un suivi médical spécifique pour les salariés exposés à certains risques, ainsi que de celle annulant le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco.

Toutes les mesures de la loi sont décryptées et commentées dans notre Feuillet rapide social spécial réforme des retraites en vente sur notre boutique en ligne

Les grands axes de la réforme des retraites  

Une réforme purement paramétrique

La loi 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 porte une réforme des retraites purement paramétrique. Destinée, selon le Gouvernement, à préserver l’actuel système par répartition et à parvenir à son équilibre financier, elle s’articule autour de deux principaux axes : le recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite (de 62 à 64 ans) et l’augmentation de la durée de cotisations requise pour le taux plein à travers une accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme « Touraine » (pour atteindre 43 annuités dès 2027). Les dispositifs de départs anticipés (pour carrières longues, handicap, incapacité permanente ou invalidité) sont maintenus et adaptés.

Au fil des débats parlementaires le projet de loi s’était enrichi de dispositions invitant à engager des réflexions concernant le calendrier et les modalités de mise en œuvre d’un système universel de retraites ou encore à introduire une dose de capitalisation dans le système actuel mais ces mesures ont été supprimées, en commission mixte paritaire, avant l’adoption du texte.

Pour accompagner ces changements, la loi contient des mesures destinées à prévenir l’usure professionnelle et à mieux prendre en compte la pénibilité. Afin de faciliter la transition entre l’activité professionnelle et la retraite, le dispositif de retraite progressive est étendu à de nouveaux bénéficiaires et son accès est facilité pour les salariés. Le cumul emploi-retraite intégral devient, quant à lui, créateur de nouveaux droits.

L’exécutif a également prévu des mesures ciblées en faveur des retraités modestes, la création d’une assurance vieillesse des aidants familiaux, auxquelles se sont ajoutées, à l’initiative des sénateurs, la création d’une surcote pour les parents et d’une pension d’orphelin dans le régime général de base, l’octroi d’un certain nombre de trimestres d’assurance garanti aux mères de famille au titre de l’éducation d’un enfant et la possibilité pour le juge pénal de priver le parent maltraitant de toute majoration ou bonification pour enfants.

Cette réforme, dont nous listons ci-dessous les principales dispositions, concerne tant les salariés que les travailleurs non-salariés, du régime général et du régime agricole.

A noter :

La loi supprime aussi les principaux régimes spéciaux (RATP, Banque de France, industries électriques et gazières…) pour les personnes recrutées à compter du 1er septembre 2023. Elle relève également l’âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires et leur ouvre l’accès à la retraite progressive. Ces mesures, n’intéressant ni les salariés du secteur privé ni les travailleurs indépendants, ne sont pas traitées ici.

Validée, pour l’essentiel, par le Conseil constitutionnel

Dans sa décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 (JO 15), le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi qui lui avait été déférée par plusieurs parlementaires de l’opposition ainsi que par la Première ministre.

Une procédure « inhabituelle » mais constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel a validé en particulier le véhicule législatif utilisé, à savoir une loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour porter une telle réforme.

Les requérants de l’opposition soutenaient que l’utilisation d’une LFRSS pour porter une réforme de cette nature et de cette ampleur constituait un détournement de procédure, dans le seul but de bénéficier d’un examen accéléré du texte par le Parlement. Les Sages ont estimé que les LFSS et les LFRSS sont soumises à un seul et même régime fixé par les articles 34 et 47-1 de la Constitution, ainsi que par les dispositions organiques qui sont venues en préciser l’application. Selon le Conseil, il ne résulte ni des termes de ces dispositions, ni des travaux préparatoires qui ont précédé leur adoption que le recours à une LFRSS serait subordonné à l’urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à un déséquilibre majeur des comptes sociaux. Dès lors, le législateur pouvait utiliser une LFRSS pour porter une réforme des retraites. Certes, une loi ordinaire aurait pu être choisie mais dès lors que la possibilité de recourir à une LFRSS est offerte par la Constitution, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se substituer au législateur et d'apprécier le choix qu'il a fait.

Le Conseil n’a pas davantage considéré que le recours cumulatif sur un même texte à plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées ayant eu pour effet d’écourter l’examen parlementaire du texte avait porté atteinte à la clarté et à la sincérité des débats.

Rappelons que si la loi a bien été votée au Sénat le 16 mars, à l’Assemblée nationale c’est après l’engagement par le Gouvernement de sa responsabilité, sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, et le rejet le 20 mars des motions de censure déposées contre lui qu’elle a été considérée comme adoptée.

Certes, le recours à la procédure du 49-3 n’est pas une première sous la Vème République, mais en l’espèce le véhicule législatif choisi dès le début par l’exécutif (à savoir une loi de financement rectificative de la sécurité sociale) impliquait déjà un examen parlementaire réduit à un délai de 50 jours, en application de l’article 47, alinéa 1 de la Constitution. En outre, au fil des débats, plusieurs procédures prévues par la Constitution (comme l’article 44, alinéa 3 permettant un vote unique du texte et non, comme d’ordinaire, article par article) et par les règlements des assemblées ont été mises en œuvre et ont eu pour effet d’accélérer l’examen de la loi.

Le Conseil constitutionnel a estimé que « si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions du débat, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ».

Le cœur de la réforme jugé constitutionnel

Le Conseil a aussi expressément jugé conformes à la Constitution les dispositions relatives au report progressif de l'âge légal de départ en retraite et à l'allongement de la durée d'assurance, mesures emblématiques de la réforme.

Il a également examiné les dispositions relatives au dispositif de retraite anticipée pour carrières longues qui prévoient que pour les assurés ayant commencé à travailler avant 16, 18, 20 ou 21 ans la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein ne saurait excéder celle exigée des autres assurés. Ces dispositions étaient critiquées au motif qu’elles pourraient conduire les assurés ayant commencé à travailler jeune à cotiser plus longtemps que les autres assurés. Ces arguments fondés sur une méconnaissance du principe d’égalité n’ont pas convaincu le Conseil qui a au contraire expressément jugé ces dispositions constitutionnelles.

A noter :

Pour ces trois séries de dispositions expressément jugées constitutionnelles, la voie des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) est fermée sauf changement des circonstances de droit ou de fait. En revanche, pour toutes les dispositions de la loi qui n'ont été ni censurées, ni expressément jugées conformes, le champ des QPC reste entièrement ouvert pour tout justiciable. Certaines pourraient être soulevées à l’occasion des recours qui pourraient être exercés contre les décrets d’application de la réforme.

Plusieurs « cavaliers sociaux » censurés

Le Conseil constitutionnel a en revanche censuré plusieurs séries de mesures qui n’avaient selon lui pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale au motif qu’elles n’avaient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.

Parmi ces cavaliers sociaux, sans surprise, se trouvent l'article 2 relatif à l’index sénior qui instaurait de nouvelles obligations de transparence et de négociation des entreprises en matière d’emploi des salariés âgés ainsi que l'article 3 qui prévoyait la création d’un contrat de travail de fin de carrière (« CDI sénior ») pour les chômeurs de longue durée d’au moins 60 ans.

A noter :

Ces mesures pourraient être réintroduites dans le projet de loi relatif au marché du travail qui doit être déposé avant l’été. Le ministère du travail a en effet depuis lors affirmé que l’emploi des seniors restait une priorité du Gouvernement et Olivier Dussopt a qualifié l’index sénior et le contrat de travail de fin de carrière dans leurs versions issues de la commission mixte paritaire de « bonnes mesures », rappelant notamment que la création du CDI de fin de carrière était subordonnée à la conclusion d’un accord national interprofessionnel.

Le Conseil a aussi censuré d’office en tant que cavalier social l'article 6 qui actait l’abandon du transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco aux Urssaf et qui rétablissait certaines règles de coopération entre les institutions de retraite complémentaire et les Urssaf.

Cette décision est étonnante dans la mesure où les dispositions censurées revenaient sur des dispositions issues de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (Loi 2019-1446 du 24-12-2019 art. 18) qui n’avaient pas été, quant à elles, qualifiées de cavalier social.

Ces dispositions avaient, en outre, été modifiées par l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 afin de reporter leur entrée en vigueur d’un an, soit au 1er janvier 2024.

Cette censure suscitera sans doute la déception des partenaires sociaux, gestionnaires du régime Agirc-Arrco et unanimement opposés au transfert du recouvrement.

Sur la campagne menée par ces derniers et les difficultés soulevées par le transfert, voir notre actualité du 12-12-2022.

Accueillant favorablement les arguments développés dans certaines saisines, les Sages ont qualifié de cavalier social l'article 27 qui prévoyait de proposer systématiquement aux assurés âgés de 45 ans un entretien d’information retraite (EIR) en cas de faible durée d’assurance cotisée.

Actuellement, un EIR peut être organisé pour chaque assuré dès 45 ans mais il n’est pas systématique et n’est pas lié à la durée d’assurance cotisée. L’assuré doit adresser une demande auprès d’un organisme de retraite gérant un régime obligatoire de base ou complémentaire dont il relève ou a relevé.

Enfin, sur la base des arguments développés par certains requérants, les Sages ont aussi censuré les dispositions de l'article 17, III-7° A instaurant un suivi médical individuel spécifique au bénéfice des salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels.

Etonnamment, les dispositions de l’article 17, III-7° C pourtant relatives à l’entrée en vigueur des dispositions censurées ont, quant à elles, été maintenues dans la loi publiée. Il est probable qu’il s’agisse d’un oubli.

Entrée en vigueur et suivi de la réforme

Quelle que soit l’issue du second référendum d’initiative partagée (RIP) (voir encadré ci-dessous), l’essentiel de la réforme entrera en vigueur dès le 1er septembre 2023, un RIP n’étant pas suspensif.

De nombreuses mesures nécessitent des décrets d’application (comme la revalorisation des petites retraites ou encore la fixation des âges et durée d’assurance requises pour le dispositif carrières longues).

Avant le 1er octobre 2027, le comité de suivi des retraites devra remettre au Parlement un rapport d’évaluation de la réforme et des mesures légales et réglementaires en matière d’emploi des seniors prises après sa publication. Il sera chargé d’analyser l’évolution des différents paramètres de l’équilibre financier de l’ensemble des régimes obligatoires de base à l’horizon de 2040.

Ce rapport pourra donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le bilan et les conditions d’adaptation de la présente loi (Loi art. 10, XXVII).

Quel avenir pour le RIP ?

Le 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel a également rejeté le premier référendum d’initiative partagée (RIP) dont il était saisi au motif que la proposition de loi qui en était l’objet visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ne constituait pas une réforme. En effet, l’âge de départ étant d’ores et déjà fixé à 62 ans, elle n'emportait pas de changement de l'état du droit (Décision n° 2023-4 RIP du 14 avril 2023).

Le 13 avril, soit la veille, le Conseil constitutionnel a été saisi d’un second RIP par plusieurs députés et sénateurs de l'opposition. La proposition de loi destinée à cette nouvelle initiative référendaire prévoit comme la première que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans mais elle contient en outre l’instauration d’une contribution sociale au taux de 19,2 % sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placement afin d’assurer la pérennité du système de retraites. Il appartiendra aux Sages d'apprécier si ce deuxième aspect de la proposition de loi constitue ou non une réforme au sens de l’alinéa 1er de l’article 11 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il statuerait sur ce second RIP le 3 mai prochain.

Selon les termes de l’alinéa 3 de l’article 11, un RIP ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. La loi portant réforme des retraites ayant été promulguée le 14 avril, lorsque le Conseil constitutionnel examinera ce second RIP, il portera bien sur une loi promulguée depuis moins d’un an. Mais dès lors que le dépôt de ce second RIP est antérieur à la promulgation, le Conseil constitutionnel a fait savoir qu’il l’estimait recevable. Toutefois, même si les Sages devaient valider sur le fond cette seconde proposition de loi et si ses auteurs parvenaient au cours d’un délai de 9 mois à réunir les quelques 4,8 millions de signatures nécessaires à sa mise en œuvre, il suffirait ensuite que dans un délai de 6 mois la proposition soit « examinée » (ce qui n’implique pas nécessairement un vote) tant par l’Assemblée nationale que par le Sénat pour que le Président de la République puisse se dispenser de la soumettre au référendum.

Les principales dispositions en bref 

Âge de départ et durée de cotisation

  • L’âge légal de la retraite sera progressivement relevé de 62 à 64 ans et la durée de cotisation requise pour percevoir une retraite à taux plein augmentera plus vite que prévu pour atteindre 43 annuités dès 2027. 

  • Majorations pour enfant : les mères de famille auront la garantie de bénéficier d’au moins 2 trimestres d’assurance pour éducation ou adoption. Le parent violent ou maltraitant pourra en perdre le bénéfice.

  • Assimilation des stages de la formation professionnelle à des périodes de cotisation

  • Les possibilités de rachat de trimestres sont assouplies. 

  • Une assurance vieillesse est créée pour les aidants.       

Retraites anticipées

  • Le dispositif permettant aux assurés ayant eu une carrière longue de partir à la retraite de manière anticipée est aménagé afin de tenir compte du relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite. 

  • Pour la même raison, sont également aménagés les dispositifs de départ anticipé ouverts aux assurés en situation de handicap ou ayant connu une carrière pénible. En outre, la loi instaure un nouveau cas de départ anticipé à la retraite pour les personnes reconnues inaptes au travail.  

Montant de la pension

  • Les petites pensions des retraités actuels et futurs seront revalorisées dès septembre 2023 afin de leur garantir au moins 85 % du Smic net pour une carrière complète à temps plein.        

  • La bonification de la pension pour enfants est étendue aux avocats et professionnels libéraux

  • Pas de bonification de la pension pour enfants en cas de crime ou délit contre l’un d’eux. 

  • Calcul de la pension : les IJ maternité versées avant 2012 sont incluses dans le salaire de base

  • Les parents ont droit à une surcote avant l’âge légal de départ à la retraite. 

  • Une pension d’orphelin est créée dans le régime général.

Transition entre activité et retraite

  • Afin d’encourager les seniors à reprendre une activité professionnelle, le cumul emploi-retraite intégral permet la création de nouveaux droits. Par ailleurs, pour faire face à une crise, ce dispositif pourra être temporairement déplafonné dans certains secteurs.

  • L’accès à la retraite progressive est facilité pour les salariés et le dispositif est étendu à tous les non-salariés.

  • Une meilleure information des assurés pour faciliter la transition vers la retraite.   

Prévention et réparation de l’usure professionnelle

  • En matière de prévention des risques professionnels, le C2P pourra être mobilisé pour financer un projet de reconversion professionnelle, qui pourra intervenir à tout moment de la carrière du salarié, notamment sous la forme d’un congé avec maintien de la rémunération. 

  • Accéder à un emploi non exposé aux risques professionnels grâce au projet de transition professionnel.

  • Deux fonds de prévention de l'usure professionnelle sont créés.

Paie

  • Les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite sont soumises dès le 1er septembre 2023 à un régime social unique afin d’éviter le recours massif à la rupture conventionnelle dans les années précédant l’âge légal de la retraite. 

  • Le coût des maladies professionnelles différées va être mutualisé.   

Documents et liens associés

Loi 2023-270 du 14-4-2023 et décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 : JO 15

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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