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Un mandat de protection animale pour qu’un ami à quatre pattes ne soit jamais sans maître

La Fondation 30 Millions d’Amis a récompensé Vic Burgan, notaire assistante à Toulouse, pour sa proposition de création d’un mandat de protection animale, un outil juridique concret et réaliste en faveur du bien-être animal. Entretien avec la lauréate.


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Le prix Jules-Michelet, remis par la Fondation 30 Millions d’Amis, partenaire du diplôme universitaire (DU) en droit animalier de l’université de Limoges, distingue les meilleures propositions d’amélioration des règles de protection animale. Le 8 septembre 2018, cette distinction a été attribuée à une jeune notaire, Vic Burgan, qui a travaillé à l’élaboration d’un mandat de protection animale afin que les animaux soient mieux pris en charge lorsque leur maître décède ou se trouve dans l’incapacité de s’occuper d’eux.

Solution Notaire Hebdo. Vous êtes notaire assistante. Comment vous est venue l’idée de ce mandat de protection animale ?

Vic Burgan. En tant que propriétaire d’un animal de compagnie, je me suis demandé ce que deviendrait ma chienne Mona si je disparaissais brutalement. Le droit positif n’est pas satisfaisant et ne permet pas d’anticiper correctement. Après discussion avec mon père, lui aussi notaire, nous avons imaginé ce mandat de protection animale, inspiré des mandats de protection future existants. Un animal de compagnie fait partie intégrante de la famille. Dépendant de l’homme, c’est un être vulnérable qu’il faut protéger.

SNH. Pouvez-vous nous présenter le contenu d’un tel mandat ?

V. B. L’objet de ce mandat serait de permettre aux propriétaires d’animaux de désigner une personne de confiance chargée de s’occuper de leur animal en cas d’incapacité (maladie, hospitalisation, dépendance, décès). Il serait établi sous la forme d’un acte sous seing privé, tel un formulaire Cerfa, ou sous la forme authentique. Le mandat reçu par notaire contiendrait, d’une part, les informations d’état civil des parties, à savoir la comparution du propriétaire mandant et du (ou des) mandataire(s), les informations d’identification de l’animal comprenant son nom, sa date de naissance, sa race et les références d’enregistrement auprès du service d’identifications des carnivores domestiques, I-CAD, la déclaration sur l’origine de la propriété de l’animal (acquisition, donation, animal perdu, etc.) et, d’autre part, les informations recueillies par le notaire sur déclarations des parties, après vérification de leur identité et du numéro d’identification I-CAD de l’animal.

Le mandat devrait définir :

- les conditions générales de la mission du mandataire et son acceptation expresse ;

- les modalités de garde ou de transfert de propriété de l’animal, selon le cas d’incapacité temporaire ou définitive/décès, au choix ou cumulatif ;

- les modalités de prise en charge des frais de vie de l’animal ou rémunération du mandataire (versement d’une somme d’argent dont le propriétaire de l’animal mandant sera débiteur auprès du mandataire sous la condition suspensive de son incapacité/ décès) ;

- en cas de co-détention de l’animal, la déclaration des parties quant à la qualification de la nature de l’animal, bien propre à un membre du couple ou bien commun/indivis au couple. En cas de communauté ou d’indivision et dans la perspective d’une séparation éventuelle, il y aura lieu de désigner celui qui deviendrait unique propriétaire et de prévenir le délaissement de l’animal ou tout conflit lors de la séparation ;

- la signature du mandant, du mandataire et du notaire.

Le mandat de protection animale serait ensuite enregistré auprès du service I-CAD. Suite à la disparition ou en cas d’incapacité du mandant, le mandataire devrait, pour activer le mandat, fournir à ce service le mandat accompagné d’un certificat médical ou d’un acte de décès selon le cas. Le service opérerait les modifications nécessaires dans son fichier et le mandataire deviendrait détenteur et responsable de l’animal à l’égard des tiers. En cas d’incapacité temporaire, le mandant pourrait récupérer la garde de son animal après présentation d’un certificat médical assurant qu’il a recouvré ses facultés.

SNH. Votre proposition comble-t-elle un vide juridique ?

V. B. Cette proposition apparaît nécessaire dans la mesure où la rédaction d’un testament confiant l’animal de compagnie à une personne désignée, via un legs avec charge, est hypothétique. Le testament est un acte unilatéral dans lequel le légataire ne s’engage pas. Ce dernier est libre de refuser le legs au décès du testateur, l’accueil et l’entretien de l’animal sa vie durant pouvant s’avérer une charge financière lourde. Rappelons que la loi a modernisé le statut juridique de l’animal qui n’est désormais plus considéré comme un bien meuble mais traité tel un être vivant doué de sensibilité (Loi 2015-177 du 16-2-2015 : JO 17 art. 2). Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens (C. civ. art. 515-14). À noter que le legs est soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Le légataire sera taxable selon le lien de parenté entre le défunt et lui, jusqu’à 60 % entre non parent. Attention, une personne âgée sans famille qui souhaiterait léguer son animal de compagnie à un voisin, ami ou connaissance sans lien de parenté avec elle, doit l’alerter en amont, d’autant que la somme d’argent versée afin de pourvoir aux frais vétérinaires ou de nourriture de l’animal subira la même taxation. Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de solution juridique pleinement satisfaisante pour assurer l’avenir de l’animal de compagnie et garantir la sérénité du propriétaire.

SNH. Comment votre idée a-t-elle été accueillie ? Qu’envisagez-vous désormais ?

V. B. J’ai été très agréablement surprise par l’enthousiasme de mon entourage et par l’attribution du prix par la Fondation 30 Millions d’amis. Cette proposition semble originale, mais elle est pourtant concrète et crédible s’agissant d’une simple stipulation pour autrui. J’aimerais qu’elle puisse être relayée auprès du législateur afin d’être insérée dans le Code civil, pour que tout propriétaire d’un animal de compagnie, soit environ deux foyers sur trois en France, puisse envisager sereinement l’avenir.

SNH. Que recommandez-vous aux propriétaires d’animaux de compagnie et à vos confrères dans l’attente d’un éventuel texte législatif ?

V. B. J’invite les personnes seules à prendre contact avec une association afin d’anticiper et de voir qui pourrait éventuellement se charger de leur animal de compagnie. Rappelons que les legs consentis à des associations reconnues d’utilité publique sont exonérés de droit de succession. Pour les autres, la rédaction d’un testament en faveur d’un proche, héritier ou non, ou d’un tiers est toujours possible. Je leur recommande dans un premier temps de s’assurer auprès du légataire envisagé qu’il acceptera le legs le moment venu et qu’il a bien compris la charge qui lui incombera, puis de consulter un notaire. Mes confrères peuvent d’ores et déjà envisager la rédaction d’un mandat sous seing privé qui ne sera toutefois pas, en l’état actuel, enregistré.

Propos recueillis par Alexandra DESCHAMPS pour Solution Notaire Hebdo



Vic Burgan, notaire assistante

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne